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jeudi 6 mars 2003 La voix des femmes pour la paix
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Le front du refus de la busherie a pris une ampleur sans précédent le 15 février avec plus de 10 millions de personnes dans le monde qui ont envahi les rues pour dire non à la guerre injustifiée contre l’Irak. Au Québec, plus de 155 000 personnes de toutes les générations, parmi lesquelles on reconnaissait un grand nombre d’artistes et de personnalités politiques, ont bravé le froid pour proclamer haut et fort leur attachement à la paix. Ce n’est pas un hasard si le Collectif Échec à la guerre est hébergé par la Fédération des infirmières et des infirmiers du Québec (FIIQ), les femmes n’ayant jamais cessé de lutter pour la paix, comme nous le rappelle la regrettée Simonne Monet-Chartrand dans son dernier livre, Les Québécoises et le mouvement pacifiste (1).
Bush et ses faucons nous parlent à satiété des 350 milliards de $ que coûtera leur " croisade contre le mal " et du nombre de militaires, de navires, d’avions et de bombes nécessaires pour vaincre, pourrait-on croire à les entendre, le seul Saddam Hussein, diabolisé en Hitler. Comme si les futures victimes de cet arsenal sans précédent seraient virtuelles. S’il y a une comparaison à faire avec la volonté hitlérienne de dominer le monde, elle conviendrait mieux à Bush qui ne craint pas de proclamer le droit des États-Unis, comme première puissance du monde, d’envahir tous les pays qu’il lui plaira pour y renforcer militairement son ordre économique mondial, assimilé à la défense de la démocratie ! Jusqu’à ce jour, les États-Unis sont le seul pays au monde qui ont froidement utilisé des armes de destruction massive contre Hiroshima et Nagasaki. Sans compter les bombes à uranium appauvri dans les Balkans, l’anthrax et autres armes chimiques lors de la guerre du Golfe, contaminant impunément même leur propre armée. Aujourd’hui, le déversement prévu sur Bagdad de 600 à 800 missiles dans les deux premiers jours de la guerre égalera la force destructive de l’arme atomique. Les stratèges militaires américains n’écarteraient pas non plus l’utilisation d’armes nucléaires pour atteindre de présumées installations souterraines. L’empire au-dessus des lois internationales Les États-Unis possèdent le plus grand arsenal d’armes nucléaires, bactériologiques, chimiques et, s’affirmant au-dessus des lois internationales, refusent les inspections auxquelles ils veulent soumettre les autres pays. Ils ont refusé également de ratifier la plupart des traités internationaux dont le traité créant la Cour pénale internationale (CPI) afin de soustraire leurs ressortissants à toute poursuite pour crime de guerre. Les seuls accords qu’ils signent sont ceux dits de " libre échange " qui leur permettent de s’emparer " légalement " de la richesse des autres. Telle est la démocratie du double standard qu’ils proposent au monde. Les attentats du 11 septembre, dont plusieurs sources de renseignements auraient prévenu la CIA sans qu’étrangement celle-ci n’en tienne compte, sont venus à point nommé donner carte blanche à un président élu frauduleusement pour faire main basse sur le monde au nom de l’anti-terrorisme. Stratégiquement, il est primordial pour les États-Unis, dont le déclin n’est plus à prouver (2), de s’emparer du pétrole irakien, principale source d’approvisionnement de l’Union européenne et du Japon afin d’éliminer ainsi leurs principaux concurrents dans la domination militaro-économique planétaire et masquer " la décomposition de son système ". Le mouvement pacifiste ne cherche certainement pas à défendre le régime dictatorial de Saddam Hussein, mais comment accepter que, pour abattre un seul homme, il faille, comme on le prévoit déjà, faire de 60 000 à 90 000 morts, dès le premier jour, qui s’ajouteront au million et demi de victimes innocentes de la guerre du Golfe, des bombardements américains ponctuels depuis douze ans et de l’embargo économique ? La manipulation de l’opinion publique On ne peut s’empêcher, en lisant les commentaires de Denise Bombardier sur les lieux communs, les simplifications abusives, les préjugés, l’angélisme, l’ignorance historique, et j’en passe, que charrieraient les pacifistes (3), de rappeler l’éditorial de Lise Bissonnette, deux jours après le déclenchement de la guerre du Golfe, le 19 janvier 1991, qui parlait elle aussi de clichés, de préjugés, de discours pacifiste à la guimauve, manichéen et aveugle, d’ignorance et d’antiaméricanisme. (4) Ces deux journalistes chevronnées ont la mémoire sélective. Hier comme aujourd’hui, la vaste entreprise américaine de manipulation de l’opinion publique ne mérite pas leur attention. Comment oublier le témoignage d’une infirmière jurant que les soldats irakiens avaient débranché des enfants dans des couveuses, alors qu’en réalité, c’est la fille de l’ambassadeur du Koweït qui avait enregistré ce témoignage à Washington. Dans la même foulée, on a eu droit à un cormoran breton, présenté comme oiseau du Golfe victime de la " marée noire " et à une multitude d’images filmées préalablement visant à nous convaincre de la véracité des " frappes chirurgicales " sans victimes. (5) Rien non plus sur la rencontre, avant l’envahissement du Koweït par l’Irak, entre l’ambassadrice April Glaspie et Saddam Hussein lors de laquelle la diplomate américaine aurait affirmé que les États-Unis étaient indifférents à la querelle Irak-Koweït, qu’ils considéraient comme un problème interne au monde arabe. Une indifférence musclée quand on voit ce que la confiance en ce prétendu feu vert des États-Unis a coûté à l’Irak. Il aurait été désastreux pour les États-Unis que Saddam Hussein se borne à masser ses armées à la frontière du Koweït et leur enlève tout prétexte pour déclencher la guerre du Golfe. (6) Le fils Bush ne se prive pas lui-même de recourir à la manipulation et à l’intoxication médiatique. Songeons seulement aux cassettes de Ben Laden qui sortent toujours à point nommé pour détourner l’attention de la guerre préventive entreprise par George W. Bush, à l’alerte Orange, aux conseils loufoques pour résister à une attaque terroriste et à la terreur provoquée par les images de bébés atteints de variole avec à la clé l’annonce d’une campagne de vaccination universelle. Il faut bien que le président renvoie l’ascenseur aux compagnies pharmaceutiques et pétrolières qui lui ont permis d’être élu. La censure par George W. Bush du récent et volumineux rapport des inspecteurs en Irak avant de le remettre aux membres du Conseil de sécurité des Nations-Unies ne devrait-elle pas préoccuper les journalistes dignes de ce nom ? N’y aurait-il pas lieu de s’interroger également sur Colin Powell qui, pour justifier l’attaque contre l’Irak, cite un rapport des services de renseignements anglais qui s’avère être un plagiat de la thèse d’un étudiant basée sur des données d’il y a douze ans ! (7) On se demande de quel côté est " l’ignorance historique " quand on juge plus important de pourfendre les pacifistes que de dénoncer les manipulations passées et présentes pour justifier la guerre. Cultiver la paix En étant majoritaires dans le mouvement pour la paix partout dans le monde, les femmes montrent qu’elles refusent d’être des victimes impuissantes. Elles luttent, comme les mères de la Plaza de Mayo, les Femmes en Noir en Palestine, en Israël et dans la plupart des grandes villes du monde dont Montréal, les mères de soldats russes, les groupes de femmes afghanes, pakistanaises, africaines, asiatiques, les Raging Grannies au Canada pour la résolution non violente des conflits et la propagation d’une culture de paix dans la famille, les écoles, la société. Elles montrent qu’il ne suffirait que de 30% des dépenses militaires annuelles à l’échelle internationale pour résoudre les principaux problèmes humains et environnementaux dans le monde : élimination de la famine et de la malnutrition, fourniture d’abri, déminage des territoires, fourniture de soins de santé, contrôle du Sida, fourniture d’eau potable, arrêt de la déforestation et de l’érosion du sol, abolition de la dette des pays en développement, etc. (8) Dès sa fondation en 1961, les Québécoises sont actives dans l’organisation pacifiste La Voix des femmes, pendant de Voice of Women créée à Toronto en 1960, avec à sa présidence Helen Tucker. On y retrouve notamment Thérèse Casgrain, Simonne Monet-Chartrand, Léa Roback, Ghislaine Laurendeau, Solanges Vincent qui se mobilisent en faveur de la négociation lors de la crise des missiles à Cuba en 1962, contre la base atomique à La Macaza en 1964, contre les essais nucléaires et la militarisation de l’économie. Plus tard, en 1992, le Forum Pour un Québec féminin-pluriel, réunissant plus de 1000 femmes pour élaborer un projet de société féministe, prend position pour une société pacifique et se prononce pour la reconversion des industries militaires en industries utiles socialement et visant la protection de l’environnement : énergies alternatives, usines de recyclage, agriculture, dépollution. (9) De l’art aux boucliers humains Plus la guerre semble inéluctable, plus sont nombreuses les initiatives originales pour la paix. Aux États-Unis, l’art est un des moyens privilégiés par les organisations pacifistes. Deux comédiennes newyorkaises, Kathryn Blume et Sharron Bower, organisent des lectures à l’échelle planétaire de la comédie d’Aristophane, Lysistrata, une pièce racontant, 411 ans av. J.-C., comment les femmes de la Grèce refusent de faire l’amour avec les hommes tant qu’ils n’auront pas mis fin à la guerre. Elles invitent tout le monde à lire cette pièce dans des lieux publics ou avec des ami-es. On peut également trouver 100 poèmes francophones contre la guerre sur le site Internet www.nthposition.com qui incite à les imprimer et à les distribuer à loisir sans exiger de droits de reproduction. (10) D’autres cherchent à frapper les États-Unis dans la seule chose qui leur tient à cœur, les profits, en réduisant au maximum leur consommation d’essence, en boycottant les grandes pétrolières comme Shell et Esso ainsi que les produits des transnationales comme Nike, Gap, Coke, McDO, etc. Les pressions ne cessent d’augmenter auprès du gouvernement contre une éventuelle participation canadienne à la guerre. Sur l’initiative de Christy Ferguson, des parlementaires du Canada et de l’Europe s’apprêtent à prendre la tête d’un groupe " d’expert-es en désarmement " pour inspecter le Centre chimique et biologique d’Edgewood près de Washington afin de démontrer l’hypocrisie et le non-respect des États-Unis face aux traités de désarmement qu’ils ont signés. (11) Des pacifistes, dont plusieurs des États-Unis, vont en Irak pour servir de boucliers humains et tenter de faire reculer l’administration Bush. S’il est une chose que les femmes ont combattue depuis toujours et ont transmise à leur descendance, c’est l’horreur de la guerre. Elles n’ont pas mis au monde des enfants pour qu’ils soient tués dans la fleur de l’âge au nom des appétits impérialistes des compagnies et des gouvernements à leur solde. L’opinion publique internationale s’est prononcée clairement contre l’holocauste de la population irakienne. Les gouvernements ne pourront pas continuer indéfiniment à faire la sourde oreille. Vient toujours un temps où ceux et celles d’en bas ne peuvent plus supporter et où ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner. Place à la justice et à la paix. |