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vendredi 16 janvier 2009

Jean Charest et Pauline Marois : les personnalités politiques les plus utiles à l’égalité des femmes en 2008

par Micheline Carrier






Écrits d'Élaine Audet



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D’un point de vue féministe, deux personnalités politiques se démarquent comme ayant le plus contribué à l’avancement des femmes québécoises en 2008 : le Premier ministre du Québec, Jean Charest, et la cheffe de l’opposition officielle, Pauline Marois.

Pauline Marois, une Première ministre en devenir

D’une certaine façon, le parcours de Pauline Marois reflète le cheminement typique de la majorité des femmes qui s’engagent hors des sentiers battus en souhaitant faire leur marque. C’est un parcours long, semé d’embûches, d’exigences de preuves sans cesse réitérées, de ces preuves qu’on ne réclame pas à des hommes parce que toutes les portes de n’importe quelle fonction leur semblent "naturellement" ouvertes. Combien d’années de vie politique Jean Charest avait-il derrière lui quand il a accédé à la direction du Parti libéral du Québec ? Pauline Marois avait une trentaine d’années d’expérience quand elle a pris la direction du Parti québécois.

Pauline Marois a franchi avec talent et persévérance toutes les étapes qui l’ont menée à la tête de son parti, il y a un an et demi, et elle est devenue, le 8 décembre 2008, la première femme cheffe de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec. On ne lui a pas fait de cadeau. C’est à elle-même qu’elle doit d’avoir atteint cet objectif. Elle a ainsi posé une nouvelle pierre à l’avancement des femmes québécoises et ces dernières, peu importe leur allégeance politique, devraient lui en savoir gré.

Il n’est pas superflu de rappeler que le Parti québécois, il y a deux ans à peine, rejetait la candidature de Pauline Marois lors d’une campagne à la direction réunissant huit candidats, dont la plupart avaient moins d’expérience qu’elle (elle a occupé la direction d’une douzaine de ministères majeurs au cours de sa carrière). Le PQ avait préféré à l’expérience et à la compétence de Pauline Marois l’image et l’espoir de changement qu’André Boisclair incarnait alors. Reconnaissons que le Parti québécois a corrigé rapidement son erreur en invitant Pauline Marois à en assumer la direction, à la suite des résultats désastreux qu’il avait obtenus à l’élection de 2007. Revenir après un tel rejet n’était sans doute pas facile pour Mme Marois, qui avait déjà quitté l’Assemblée nationale. Mais elle a relevé le défi.

Le 8 décembre dernier, Mme Marois a fait élire la plus forte opposition (51 sièges) à l’Assemblée nationale depuis la Révolution tranquille, dans les années 60. Le Parti québécois a accru le pourcentage des suffrages qu’il avait obtenu avec les prédécesseurs de Mme Marois, Bernard Landry (2003) et André Boisclair (2007). Espérons qu’il s’en souviendra s’il arrive à des militant-es de contester la cheffe pour un oui, pour un non, ou de vouloir servir les ambitions de certains stratèges en mal de pouvoir.

La résistance de Pauline Marois face à la critique bêtement sexiste des médias est une autre victoire à porter à son crédit. Faute de s’y habituer, on s’endurcit devant ce genre de bêtise, mais elle est toujours un boulet que seules les femmes doivent traîner. Comme dans le cas de la campagne à l’investiture démocrate aux États-Unis, certain-es nieront que la couverture médiatique de la campagne électorale au Québec ait connu des épisodes sexistes : le sexisme est si bien intégré qu’on ne sait plus le reconnaître. En voici deux exemples.

Dans les premières semaines de la campagne, les médias ont fait toute une histoire de la "fuite" d’un document interne du PQ, qui présentait Pauline Marois comme "snob", froide et distante. Il n’y avait pourtant rien de nouveau dans ce portrait de Mme Marois tracé par des membres de son parti (belle loyauté !) : lors de la course à la direction du PQ, on nous en avait rebattu les oreilles pendant des mois. Mais les médias, prompts à exploiter les mésententes réelles ou apparentes, ont fait pendant des jours leurs choux gras du mythe d’une Pauline Marois "snob" et peu parlable. Pauline Marois est une femme élégante et bien mise, elle vit à l’aise et est heureuse. Ce n’est pas là une preuve de snobisme. Le penser et le répandre relève plutôt de l’envie. Avons-nous jamais vu les médias accorder autant d’importance à ces descriptions d’hommes politiques (en dépit du fait que certains méritaient les épithètes « snob » et « distant ») ?

Le deuxième exemple de sexisme dans les médias concerne la santé soi-disant fragile de la cheffe péquiste. Pauline Marois a subi une intervention chirurgicale mineure à l’été 2008. Au milieu de la campagne électorale, quelques journalistes se sont mis à trouver qu’elle avait l’air fatiguée… L’impression de quelques-uns a rapidement fait le tour de la "confrérie » pour devenir rumeur et, s’amplifiant, quasiment un fait certain. On s’est alors demandé si la cheffe péquiste était complètement rétablie et, en sous-entendu, si elle pouvait gagner une élection ou même terminer la campagne électorale. Il a fallu qu’elle entraîne une meute de journalistes dans une marche rapide sur le Mont-Royal, à 6h du matin, pour qu’ils se rendent compte que la plus fatiguée n’était pas celle qu’ils pensaient. Et pour que la rumeur s’éteigne comme elle était née.

Les médias n’ont pas servi la même médecine au ministre et député sortant Claude Béchard, qui a surmonté un cancer pendant de longs mois de maladie l’ayant éloigné de ses fonctions à l’Assemblée nationale. Au cours de la campagne électorale, les médias n’ont pas spéculé sur l’aptitude de M. Béchard à remplir ses fonctions de député ou de ministre, advenant qu’il soit réélu. Au contraire, M. Béchard a bénéficié d’un immense capital de sympathie, qu’il méritait sans doute, quoique le fait de combattre une maladie n’ait jamais ajouté à la compétence d’un aspirant à la réélection, pas plus que le fait de se faire enlever l’appendice n’a jamais rendu une femme politique impotente. Les médias ont réagi comme si une intervention chirurgicale mineure représentait un risque d’incapacité chez Pauline Marois alors que surmonter une maladie grave faisait de Claude Béchard quasiment un surhomme.

La femme politique Pauline Marois a changé au cours des années. Elle a pris de l’assurance, défend mieux ses points de vue en évitant les combats de coqs auxquels les hommes politiques nous ont trop souvent habitués. Elle est la première femme cheffe de l’opposition à siéger à l’Assemblée nationale du Québec, et il lui revient de trouver la manière et le ton d’exercer cette fonction selon sa personnalité, son expérience, sa propre conception de l’administration de l’État. Elle y réussira mieux sans doute en n’écoutant pas trop certains de ses conseillers. Elle connaît mieux ses dossiers que ne les connaissait Jean Charest quand il a accédé à la même fonction, et, si elle avait été un homme, elle serait peut-être déjà Première ministre.

Même si le Parti québécois ne s’est pas encore complètement défait de ses tendances à faire des crocs-en-jambe à ses chefs, ni de ses "beaux-pères" qui n’acceptent pas que leurs successeur-es puissent réussir mieux qu’eux, Pauline Marois semble avoir réussi pour le moment à calmer les piaffeurs qui veulent tout, tout de suite, peu importe que la population n’en veuille pas. Le mariage de l’idéal et du réalisme ne fera pas de tort au PQ et, pour peu qu’il comprenne où se trouve son avenir et qu’il laisse sa cheffe faire son travail sans vouloir lui imposer un style et une nouvelle personnalité, Mme Marois sera une excellente cheffe de l’opposition. Si elle devient un jour cheffe de gouvernement, elle écrira une autre page d’histoire pour les femmes du Québec et même de l’Amérique du Nord.

Jean Charest, un Premier ministre sous (bonne) influence

Quand la Gazette des femmes, le magazine du CSF, a qualifié de féministe le Premier ministre du Québec, l’an dernier, plusieurs ont sourcillé. Il faut dire que l’argument avancé pour soutenir l’affirmation était un peu faible : en résumé, Jean Charest partageait les tâches domestiques avec sa femme et il avait nommé un conseil des ministres paritaire. Dans mon for intérieur, je doutais que Jean Charest délaisse ses responsabilités politiques pour cuisiner ou passer l’aspirateur, alors que son épouse donnerait des cours à l’université ou des conférences aux quatre coins du pays. Pour ce qui est du premier conseil des ministres paritaire mis en place par M. Charest, je pensais qu’il n’était que stratégie post-électorale d’un gouvernement minoritaire et que la parité ne ferait pas long feu. Je me trompais : ce conseil des ministres est resté paritaire et la plupart de ses membres féminins se sont avérés les meilleurs atouts du cabinet Charest. Ce qui plus est, réélu, Jean Charest a choisi une seconde fois la parité en décembre dernier.

On l’a dit et répété : le Premier ministre a déclenché une campagne électorale inutile après seulement 18 mois au pouvoir, dans le but d’obtenir une majorité. Il l’a obtenue, cette majorité, mais elle est un peu courte (66 sièges, alors qu’il lui en fallait au moins 63). Cette élection, dont la majorité de la population ne voulait pas, est responsable d’un des plus faibles taux de participation à un scrutin dans l’histoire du Québec. Le peuple trouve toujours le moyen de s’exprimer. En dépit de ce fait - et l’on ne va pas le lui reprocher pendant quatre ans - Jean Charest mérite de partager avec Pauline Marois la palme de la personnalité politique la plus marquante en 2008. Il a écrit, lui aussi, une page d’histoire pour l’avancement des femmes.

En présentant à nouveau un conseil des ministres composé à parts égales d’hommes et de femmes, M. Charest a démontré qu’il se souciait de la contribution des femmes ainsi que de leur représentation dans les affaires de l’État. Les médias ont fait courir l’idée que la parité au conseil des ministres représentait de la discrimination à l’égard des hommes ! « Il y a plus d’hommes élus que de femmes ! Avec la parité, ces hommes n’auront jamais la chance de devenir ministres », ont clamé des journalistes sur tous les tons. Comme si les postes de ministres revenaient de droit à des hommes ! Plusieurs semblent oublier que les femmes composent la moitié de la population (et peut-être même une légère majorité), il est donc normal que cette réalité se traduise à l’Assemblée nationale.

Des journalistes ont prétendu que les femmes accédaient au conseil des ministres seulement parce qu’elles étaient des femmes ! Un ancien président de l’Assemblée nationale a même déclaré à la radio d’État que le fait d’instaurer la parité créait un précédent dangereux : présentement, les femmes nommées sont compétentes, a-t-il dit, mais un jour, ce pourrait ne pas être le cas. Pareil argument vaut aussi pour les hommes nommés au conseil des ministres. On n’a jamais prétendu dans le passé que des hommes étaient nommés ministres parce qu’ils étaient des hommes. Pourtant, ce fut souvent le cas. Et qui peut affirmer sans rire que, dans l’histoire du Québec, tous les hommes nommés à des conseils des ministres étaient d’égale compétence ?

M. Charest n’a pas écouté les sirènes médiatiques et a maintenu la parité. Il a même affirmé, devant près de 2 millions de spectateurs et spectatrices lors de sa participation à une émission populaire, que les femmes nommées l’étaient pour leur compétence. Il est faux, a-t-il dit, qu’elles aient été choisies parce qu’elles étaient des femmes. D’ailleurs, depuis quand choisit-on des femmes pour des postes de responsabilité parce qu’elles sont des femmes ? Il s’agit encore d’un mythe qui a la vie dure. Voyez-vous beaucoup de femmes maires, cheffes d’entreprises, présidentes de conseils d’administration, à la tête d’organismes publics ou des médias ? Si on favorise un sexe, c’est plutôt le masculin, et je soupçonne qu’à compétence égale on choisit plus volontiers un homme qu’une femme. Cette longue tradition est difficile à changer.

La parité hommes-femmes au conseil des ministres n’est pas le seul geste de Jean Charest en faveur d’une meilleure représentation des femmes au sein de l’appareil d’État. Il a fait adopter La Loi sur la gouvernance des sociétés d’État en 2006, une mesure qui oblige les sociétés d’État à modifier la composition de leur conseil d’administration pour qu’y siègent au moins 50% de femmes d’ici l’an 2011 (1). Par ailleurs, les politiques élaborées par la ministre de la condition féminine, notamment celles qui touchent la violence faite aux femmes, n’auraient pas survécu sans l’appui du Premier ministre. Il faut aussi souligner que M. Charest a toujours défendu ses ministres quand les médias et l’opposition les prenaient à partie (à tort ou à raison). C’est aussi pendant le deuxième mandat du gouvernement Charest qu’on a amendé la Charte québécoise des droits de la personne pour y renforcer le principe d’égalité des sexes. Rappelons aussi que le gouvernement Charest a su résister aux pressions, qui s’exercent encore d’ailleurs, pour transformer le Conseil du statut de la femme ou carrément l’abolir.

Enfin, Jean Charest n’a pas que des mérites en matière de condition féminine. Il y a cinq ans, il a fait preuve de discrimination sexiste envers des groupes de travailleuses des services de garde et des soins de santé en faisant adopter deux lois, la Loi 7 et la Loi 8, que la Cour supérieure du Québec a invalidées, le 31 octobre dernier (2). À tout le moins ne s’est-il pas avisé, en novembre dernier, de faire appel de cette décision qui donnait raison à ces 25 000 travailleuses auxquelles son gouvernement avait injustement et illégalement retiré des droits en 2003. Certes, la campagne électorale se prêtait mal à un tel appel. Mais d’autres dirigeants auraient fait fi des arguments de la Cour supérieure et de l’électorat féminin, tant ils sont certains de posséder la vérité (3).

Avec du recul, je me demande si Jean Charest n’a pas subi l’influence bénéfique des femmes dont il s’est entouré en 2007 à l’Assemblée nationale... Plusieurs ont noté que le Premier ministre avait changé en 18 mois. De l’entêté vindicatif qui n’écoutait que lui-même en 2003, il s’est peu à peu transformé, selon plusieurs, en un chef d’État plus serein et réceptif, qui semble chercher à rallier plutôt qu’à diviser. Il laisse aux femmes qu’il a nommées la latitude nécessaire dans l’exerce de leurs fonctions et ne semble pas craindre qu’elles lui portent ombrage. Le devrait-il ? Quelques-unes auraient la compétence et les qualités voulues pour lui succéder…

L’avenir nous dira si ce choix en faveur de l’égalité des femmes et de leur place dans les affaires de l’État correspond à une tendance de fond. En tout cas, il n’est pas anodin que, par son exemple, le chef du gouvernement du Québec lance le message que la contribution des femmes est nécessaire aux instances les plus élevées pour gouverner la société.

Notes

1. L.R.Q., chapitre G-1.02, LOI SUR LA GOUVERNANCE DES SOCIÉTÉS D’ÉTAT : « …que les conseils d’administration soient, pour l’ensemble des sociétés, constitués à parts égales de femmes et d’hommes à compter du 14 décembre 2011. » Ch. XIII, art. 43, 2e.
2. Voir le résumé de ce jugement sur le site du Conseil du statut de la femme.
3. Je pense, par exemple, à l’individu obtus et partisan qui dirige le gouvernement du Canada et qui a mis à mal tous les programmes destinés à aider les femmes à combattre la discrimination systémique. Avant de proroger le Parlement en décembre dernier, il projetait même de leur retirer le droit de poursuite devant les tribunaux en matière d’équité salariale, un droit que leur a reconnu la Cour suprême du Canada. L’ONU a d’ailleurs souligné le recul du Canada en matière d’égalité, notamment dans le domaine de la violence.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 janvier 2009



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Micheline Carrier
Sisyphe

Micheline Carrier est éditrice du site Sisyphe.org et des éditions Sisyphe avec Élaine Audet.



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