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vendredi 6 mars 2009

Réflexions d’une féministe en devenir

par Katherine Hébert-Metthé, maîtrise en Études féministes






Écrits d'Élaine Audet



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Quoi de plus fascinant que les interactions humaines ? Depuis notre naissance, nous cherchons à communiquer avec autrui. Les rapports humains nous façonnent et nous guident dans nos comportements. Au gré de nos rencontres, nous évoluons. Nous cherchons constamment à nous améliorer et à trouver la voie qui nous mènera là où nous pourrons agir de façon à faire de ce monde un monde meilleur.

Le féminisme rassemble des milliers de femmes. Tôt ou tard, je ne vois pas comment j’aurais pu éviter de devenir l’une d’entre elles. Cette année en études féministes m’a fait prendre conscience à quel point les femmes souffraient, et ce, partout dans le monde. Cette année m’a fait vivre des moments de rage, de haine et de révolte. Cette année m’a donné confiance en moi et m’a donné une raison de lutter. Moi qui, depuis l’enfance, voyais une gratification à m’identifier au genre masculin, me voilà comprenant mieux les dynamiques qui m’ont poussée à agir ainsi. Nous, les femmes, le « sexe faible », sommes marginalisées, dévalorisées et systématiquement, l’exception à la règle.

Madame Vivian Barbot a dit : « Je suis née féministe » (1). Personnellement, je crois que l’on naît à part entière. Ce sont les injustices que l’on vit et les frustrations que l’on accumule qui nous poussent à nous identifier au mouvement féministe. Nous nous inspirons des féministes d’expériences et nous les inspirons à notre tour. C’est lorsque nous commençons à se respecter que la lutte prend de l’ampleur et que les discussions s’enflamment. C’est grâce à notre vécu que nous trouvons la force de nous battre. C’est en nous repositionnant face à l’ordre social que nous remettons en question les rapports de pouvoir et que, soudainement, nous provoquons des changements dans la hiérarchie qui nous est imposée. C’est à partir de ce moment que nous devenons solidaires les unes les autres et que nous nous mettons à travailler dans un but politique commun, celui d’être reconnues en tant que personnes au même titre que les hommes.

En tant que finissante du D.E.S.S. en études féministe, je vous parlerai de ce que j’ai vécu, de mes débats intérieurs et des paradoxes que je vis en tant que féministe en devenir et ce, en deux axes. Tristesse, rage, confusion, colère, rancune, incompréhension et bonheur, mes propos seront ancrés dans une gamme d’émotions des plus variées. Je tenterai de vous livrer ce que je suis et ce que je pense en utilisant le moins possible d’euphémisme, en ne me buttant pas à l’autocensure et en restant honnête avec moi-même.

Relations homme/femme

Il n’y a pas si longtemps, je m’amusais à relire des passages d’un journal que je tenais vers l’âge de 16-17 ans. Je m’étonnai de constater à quel point j’accordais de l’importance à ce que les gars pensaient de moi. Pour avoir un chum, les filles misaient surtout sur leur apparence, soit avoir un look sexy et à la mode. Comme je n’étais pas vraiment « miss tendance », le chum arriva un peu plus tard.

Lors de mes premières relations amoureuses, je faisais tout pour plaire. Plaire, plaire, plaire, c’était tout ce qui importait pour moi. Je voulais être belle et, surtout, ne pas passer pour la fille moche et frigide auprès des amis de mon chum. À cette période de ma vie, j’étais entourée de gars qui ne parlaient sans cesse de pornographie et de performance sexuelle. En fait, je faisais passer les désirs de mon chum en premier, car c’est en plaisant que je me sentais exister.

Ce n’est que beaucoup plus tard que je devins consciente de toute la pression que j’exerçais sur moi-même. Cette pression venait en partie de ma personne, mais aussi de la culture patriarcale dans laquelle j’avais grandi. Vient un temps où je ne supportais plus cette pression, où j’en avais assez d’être quelqu’une que je n’étais pas, et ce, seulement pour avoir le mérite de plaire à un homme. En fait, je m’étais approprié les normes masculines et j’ignorais comment faire valoir mon point de vue sans passer pour quelqu’un d’anormale ou de trop sensible. Ce que je ressentais, lorsque je m’exprimais, c’est que mon expérience ne valait pas grand-chose.

Jamais il ne m’était venu à l’esprit que les relations hommes/femmes s’inscrivaient au sein de rapports inégalitaires, où les hommes bénéficiaient de privilèges qui leur étaient réservés. Je disais des gars qu’ils étaient « machos », mais sans plus. C’est vraiment avec la découverte du féminisme que je trouvai la force et les discours dont j’avais besoin pour m’affirmer en tant que personne. Je crois sincèrement qu’en vulgarisant les discours féministes ainsi qu’en les rendant accessibles aux jeunes filles, il serait plus facile pour elles de cesser d’accepter des comportements qui les rendent mal à l’aise. C’est notre devoir en tant que féministes universitaires de faire en sorte que filles et femmes aient la force de cesser d’accepter l’inacceptable.

Réceptivité aux discours féministes

Cette réflexion me ramène aux difficultés que j’ai éprouvées au cours de l’année, et que j’éprouve encore d’ailleurs, en tant que féministe universitaire, à défendre mon programme d’étude ainsi que ma position politique auprès de mon entourage. Si je parle de défense, c’est parce que OUI, il y a offensive. Le féminisme est souvent perçu comme « passé date ». Le discours comme quoi l’égalité serait atteinte est très présent et pourrait être dû au fait que « l’égalité est un concept flou, qui permet de maintenir les injustices » (2). Lorsqu’on parle d’égalité, on se réfère normalement au concept d’égalité formelle. Cette forme d’égalité est celle où « les personnes dans des situations identiques doivent être traitées de façon identique » (3). Elle comporte des avantages en ce qui a trait au droit de vote, au droit à l’éducation, etc., mais ne répond pas toujours adéquatement aux besoins des femmes. Les féministes s’intéressent davantage au concept d’égalité substantive, qui « prend en considération les conséquences indirectes des décisions, des politiques, des mesures, des lois pour découvrir les effets néfastes pour les femmes » (Louise Langevin, 2006). Par exemple, lorsque l’on crée des lois afin de réglementer le phénomène de la prostitution, ce sont généralement les « prostituées », plus visibles, et non les « clients » qui en paient le prix. Formellement, ces lois ne visent pas à discriminer qui que ce soit.

Cependant, dans les faits, ce sont les femmes qui écopent des conséquences fâcheuses de ces dernières. Ce type d’analyse se développe avec le temps, la pratique et l’expérience. Ce qui est difficile lorsque l’on discute de sujets pareils avec des amis qui ne sont pas nécessairement conscients des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes, c’est de leur démontrer que même si légalement les femmes ont les mêmes droits que les hommes, les normes sont encore définies par et pour les hommes.

Malheureusement, lorsque je m’affiche en tant que féministe, c’est comme si j’attirais les soupçons. Les gens doutent de mon analyse et me questionnent afin de vérifier la validité de mes propos. Je me retrouve donc dans la position de me justifier, où l’on essaie de me piéger juste pour le « plaisir » d’argumenter, bref, je me retrouve dans une position où je me sens attaquée plutôt qu’écoutée. Décevant ! Choquant ! Humiliant ! Dégradant… !!! Afin de réussir à s’exprimer avec assurance, nous devrions intégrer des cours d’autodéfense féministe dans le Diplôme d’études féministes. Il est primordial que les femmes développent des outils afin de regagner confiance en elles-mêmes. Pour défendre nos opinions, nous devons d’abord et avant tout commencer par croire en nous-mêmes. Si je ne m’abuse, l’estime de soi ainsi que la confiance en soi sont deux variables qui ajouteront considérablement à la validité de nos discours.

Redéfinir son rôle dans la société

La vie d’une féministe en devenir est tributaire de multiples péripéties. Analyser le monde d’un point de vue féministe est certes déconcertant. De prises de conscience en prises de conscience, je me rendis compte que le féminisme allait changer ma vie à tout jamais. Lorsque je constatai que notre société accordait aux hommes des privilèges qui nous étaient reniés, je ressentis une certaine révolte. Cependant, ce n’était pas simplement le fait de vivre dans une société qui privilégiait les hommes qui me révoltait, mais plutôt le fait que ces privilèges émanent d’un phénomène « social » et non d’un phénomène « naturel ». À partir de ce constat, je ne pouvais plus justifier la violence qui nous était faite en tant que femme, je ne pouvais plus innocenter les comportements autoritaires et dominateurs des hommes, je ne devais plus choisir entre l’amour et la liberté d’être moi-même, je ne devais simplement plus accepter d’être malheureuse. En d’autres mots, je perdis une grande partie de mes repères. Ce fut déroutant, mais certes très éducatif.

Aujourd’hui, je tente de redéfinir mon rôle au sein d’une société injuste et sexiste envers les femmes. J’essaie de comprendre pourquoi certaines femmes continuent d’exister en fonction de ce que les hommes attendent d’elles. J’essaie de m’adresser aux personnes qui m’écoutent. J’essaie de ne pas minimiser ni étouffer mes besoins en tant que femme et surtout en tant que personne. J’essaie de ne pas dire « oui » lorsque je veux dire « non ». J’essaie de perfectionner mes analyses tout en ne me demandant pas l’impossible. J’essaie d’opter pour la solidarité.
Aujourd’hui, j’aspire à un monde plus juste. Je rêve tout en étant consciente de mon utopie…Avec celles et ceux qui voudront bien m’y accompagner, je compte cependant repenser le monde afin d’y trouver des alternatives plus équitables.

Notes

1. Vivian Barbot, "Droits, justice et démocratie : pour qui et à quelles conditions ?" Conférence prononcée dans le cadre de l’Université Féministe d’Été, Université Laval, 5 juin 2006.
2. Louise Langevin, "Quelle égalité pour les femmes ? Réflexion féministe sur le concept d’égalité", Conférence prononcée dans le cadre de l’Université Féministe d’Été, Université Laval, 5 juin 2006.
3. Ibid.



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Katherine Hébert-Metthé, maîtrise en Études féministes

L’auteure a une maîtrise en Études féministes et en Développement international.



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