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dimanche 17 mai 2009 La FFQ fait fausse route
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Le Mouvement Laïque québécois (MLQ) réprouve la position de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) qui s’est prononcée contre l’interdiction du port de signes religieux au sein de la fonction et des services publics québécois. La formule choisie par la FFQ ne clarifie rien. L’expression « s’opposer à l’interdiction » est en soi ambiguë. Cela peut signifier que la FFQ est en faveur du port des signes religieux au sein de la fonction publique et pourrait éventuellement faire la promotion de cette pratique. Cela peut aussi signifier que la FFQ est satisfaite de la situation actuelle et comme aucune règle précise (lois, normes du travail ou charte de la laïcité) n’est encore établie au Québec, il n’y aurait donc nul besoin de légiférer pour clarifier la situation. La position de la FFQ embrouille d’autant plus qu’elle reprend à son compte les pires lieux communs qui, depuis la publication du mémoire de la Commission Bouchard-Taylor, encombrent le débat public sur la laïcité des institutions publiques. Plus déplorable encore, la FFQ justifie sa position en ayant recours au concept fumeux de « laïcité ouverte ». Comment la FFQ peut-elle, à son tour, faire référence à un soi-disant « modèle québécois de laïcité ouverte » si la laïcité n’a encore aucun statut officiel au Québec ? À quelle disposition légale ou charte la FFQ fait-elle référence ? L’emploi de cette expression a été dénoncé par les plus grands experts de la laïcité. Citons seulement, pour l’exemple, Henri Pena-Ruiz ou Catherine Kintzler qui ont pourtant bien démontré que cette expression n’est qu’un stratagème rhétorique mis au point par des militants pro-religieux dans le but de discréditer toute mise en oeuvre effective et conséquente de la laïcité qui ne consentirait plus de privilèges ou de passe-droits aux religieux et qui serait alors qualifiée de « fermée ». La position de la FFQ doit cependant être dénoncée sévèrement parce qu’elle reproduit l’un des préjugés des plus nuisibles à l’intégration des communautés culturelles. Le Mouvement Laïque Québécois a toujours affirmé que le débat sur la laïcité des institutions civiles ne doit pas être lié aux phénomènes d’immigration ou de diversité ethno-culturelle. La Commission Bouchard–Taylor, loin d’écarter le préjugé tenace voulant que les immigrants soient nécessairement plus religieux et plus en demande d’accommodements de nature religieuse que l’ensemble des Québécois, a au contraire irrémédiablement lié la problématique des accommodements religieux aux immigrants et de surcroît aux immigrants arabes. Or, une étude de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (1) dément radicalement ce préjugé voulant que les immigrants récents fassent preuve d’une plus grande ferveur religieuse que les québécois. On apprend dans cette étude que les immigrants d’origine maghrébine sont ceux dont le taux de ferveur religieuse est le plus similaire à la moyenne québécoise. De plus, la Commission Bouchard-Taylor a dans la conclusion de son rapport écarté la nécessité d’encadrer de manière rigoureuse les devoirs et obligations respectives des employés et des employeurs concernant les demandes d’accommodements religieux. Pourtant, une clarification des normes du travail aurait su rassurer les employeurs et les gestionnaires aux prises avec des demandes abusives ou répétées. Les commissaires ont au contraire envoyé un message inquiétant ; selon un soi-disant « modèle québécois de laïcité ouverte », un employeur devra désormais s’attendre à honorer les demandes d’accommodements religieux au nom de la tolérance envers les immigrants et de l’ouverture à la diversité culturelle. Il est alors légitime de supposer que, dans ce contexte, un employeur évite d’embaucher des personnes dont il pourrait soupçonner (à tort) qu’elles puissent multiplier les demandes d’accommodements religieux, et comme ce sont les Maghrébins qui ont (faussement) la réputation d’être de fervents religieux, ce sont eux qui par « prudence » seront plus souvent qu’à leur tour écartés lors de l’embauche. Nous sommes convaincus que les commissaires, croyant donner des leçons de tolérance à tout le monde en prenant fait et cause en faveur des accommodements religieux sur demande et pensant naïvement travailler à l’intégration des immigrants, n’ont fait qu’aggraver les inquiétudes présentes dans le monde du travail et ont objectivement nui à l’intégration de ceux qu’ils prétendaient aider. La FFQ, par la position adoptée cette fin de semaine, reproduit en tout point les prémisses erronées mises de l’avant par les commissaires. Tant que l’embauche d’un immigrant sera associée faussement dans l’esprit de tout un chacun à un risque accru d’obligation d’accommodement religieux, nous ne pourrons que craindre des reculs dans le taux d’emplois des immigrants et par conséquent déplorer la persistance de nombreux cas de discrimination. En adoptant sa position contre l’interdiction du port de signes religieux au sein de la fonction et des services publics québécois la FFQ souhaitait favoriser l’intégration des immigrantes dans la fonction publique alors qu’en réalité, elle ne fait qu’entretenir la confusion générale au sujet du principe de laïcité, conforte dans la population les préjugés les plus tenaces envers les immigrants et aggrave ainsi les discriminations qui en découlent dans l’ensemble de la société. Le Mouvement Laïque Québécois pense plutôt que l’intégration des immigrants et des immigrantes passe par l’instauration d’une véritable laïcité des institutions publiques et réaffirme l’importance d’un contrat social faisant état des droits et des obligations de tous les citoyens envers les institutions communes. Note (1) Paul Eid, La ferveur religieuse et les demandes d’accommodements religieux : une comparaison intergroupe, CDPDJ, Document PDF. Marie-Michelle Poisson, présidente du Mouvement Laïque Québécois Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 mai 2009 |