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vendredi 22 mai 2009 Condamnation des bombardements de l’OTAN Afghanistan - « Ce massacre permet au monde d’entrevoir les horreurs auxquelles notre peuple fait face »
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THEMES ABORDES :
Afghanistan, Malalai Joya, Karzaï
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La députée afghane Malalai Joya condamne les bombardements de l’OTAN et demande le départ des troupes étrangères.
En tant que représentante élue pour Farah, Afghanistan, j’ajoute ma voix à celles qui condamnent le bombardement de l’OTAN qui a fauché la vie de plus de 150 civils dans ma province, plus tôt ce mois-ci. Ce dernier massacre permet au monde d’entrevoir les horreurs auxquelles notre peuple fait face. Cependant, tel que je l’ai expliqué lors d’une conférence de presse le 11 mai à Kaboul, les autorités militaires étasuniennes ne veulent pas que vous voyez cette réalité. Comme d’habitude, elles ont tenté de minimiser le nombre de victimes civiles, mais l’information que j’ai obtenue confirme que 164 civils ont été tués dans ces bombardements. À la conférence de presse, un homme du village de Geranai, accablé de douleur, est venu expliquer qu’il avait perdu 20 membres de sa famille dans le massacre. D’autre part, la commission du gouvernement afghan semble avoir omis de sa liste les enfants tués de moins de trois ans. Cette commission, qui est allée au village trois jours plus tard - une fois toutes les victimes enterrées par les villageois dans des fosses communes - refuse de rendre sa liste publique. Comment peut-on afficher un tel manque de respect envers la vie précieuse des Afghans et des Afghanes ? Les nouvelles de la semaine dernière faisaient état du remplacement du principal commandant militaire étasunien en Afghanistan, mais je pense qu’il s’agit là d’un simple subterfuge pour tromper notre peuple en faisant porter à une seule personne la responsabilité de leur désastreuse stratégie d’ensemble en Afghanistan. Dans une entrevue avec Al Jazeera, l’ambassadeur afghan aux États-Unis a déclaré que si « des excuses appropriées » étaient faites, « le peuple comprendrait » les morts civiles. Mais le peuple afghan ne veut pas seulement entendre « nous sommes désolés », nous demandons la fin de l’occupation de l’Afghanistan et de ces crimes de guerre tragiques. Les manifestations étudiantes et autres contre les plus récents bombardements, tout comme les protestations de centaines de femmes le mois dernier à Kaboul, montrent au monde la voie vers une réelle démocratie en Afghanistan. Confrontées au harcèlement et aux menaces, les femmes ont pris la rue pour exiger l’abandon de la loi qui légaliserait le viol au sein du mariage et codifierait l’oppression des femmes chiites de notre pays. Tout comme les attaques aériennes des États-Unis n’ont pas apporté la sécurité aux Afghans et aux Afghanes, l’occupation n’a pas apporté la sécurité aux femmes afghanes. La réalité indique le contraire. Cette loi infâme n’est que la pointe de l’iceberg de la situation catastrophique des droits des femmes dans notre pays occupé. Le système en entier, en particulier le système judiciaire, est infecté par le virus du fondamentalisme ; ainsi, en Afghanistan, les hommes qui commettent des crimes contre les femmes le font en toute impunité. Les taux d’enlèvement, de viols collectifs et de violence domestique sont aussi élevés qu’auparavant, de même que le nombre de femmes qui s’immolent et qui se suicident par d’autres moyens. Tragiquement, des femmes préfèrent s’immoler par le feu plutôt que d’endurer l’enfer de leur vie dans notre pays « libéré ». La Constitution afghane contient des clauses concernant les droits des femmes – j’étais l’une des nombreuses déléguées à la Loya Jirga de 2003 qui ont poussé fort pour leur inclusion. Mais le document fondateur du « nouvel Afghanistan » a aussi été marqué par la forte influence des fondamentalistes et des seigneurs de guerre, avec lesquels le président Karzai et l’Occident ont fait des compromis depuis le début. En fait, je n’ai pas vraiment été surprise par la plus récente loi contre les femmes. Quand les États-Unis et leurs alliés ont remplacé les Talibans par les tristement célèbres seigneurs de guerre et fondamentalistes de l’Alliance du Nord, je savais que le seul changement que nous allions connaître serait de passer de la poèle à frire au feu. Au cours des dernières années, il y a eu toute une série de lois et de décisions de cour scandaleuses. Par exemple, il y a eu la loi dégoûtante qui accordait, sous prétexte de « réconciliation nationale », l’immunité contre toute poursuite aux seigneurs de guerre et autres criminels de guerre bien connus, dont plusieurs siègent au parlement afghan. Au moment de son adoption, les grands médias du monde et les gouvernement ont fermé les yeux. C’est, entre autres raisons, parce que je me suis opposée à cette loi en tant que députée élue de la province de Farah, que j’ai été expulsée du parlement au mois de mai 2007. Plus récemment, il y a eu la condamnation scandaleuse à 20 ans de prison de Parvez Kambakhsh, un jeune homme dont le seul crime a été d’avoir prétendument distribué un article dissident à son université. On nous dit que des troupes supplémentaires des États-Unis et de l’OTAN s’en viennent en Afghanistan pour aider à rendre la prochaine élection présidentielle plus sécuritaire. Mais franchement, le peuple afghan ne fonde aucun espoir dans cette élection – nous savons qu’il ne peut y avoir de démocratie réelle sous les fusils des seigneurs de guerre, de la mafia du traffic de la drogue et de l’occupation. À l’exception de Ramazan Bashardost, la plupart des autres candidats sont les mêmes visages connus et discrédités qui ont déjà fait partie intégrante du gouvernement raté, de type mafieux, d’Hamid Karzai. Nous savons qu’on peut remplacer une marionnette par une autre et que le gagnant de cette élection sera très certainement choisi derrière des portes closes à la Maison Blanche et au Pentagone. Je dois conclure que cette élection présidentielle n’est qu’une mise en scène en vue de légitimiser la prochaine marionnette des États-Unis. Tout comme en Irak, la guerre n’a pas apporté la libération à l’Afghanistan. Ni l’une ni l’autre de ces guerres ne visaient vraiment à apporter la démocratie et la justice ou à déraciner des groupes terroristes ; elles visaient plutôt - et visent toujours - l’avancement des intérêts stratégiques des États-Unis dans la région. Comme les Britanniques et les Soviétiques l’ont appris au siècle dernier, nous, les Afghans et les Afghanes n’avons jamais aimé être des pions dans le « Grand Jeu » impérial. Il est honteux qu’une si grande part de la réalité de l’Afghanistan ait été voilée par un consensus des médias occidentaux en appui à la « bonne guerre ». Peut-être que si les citoyens et les citoyennes de l’Amérique du nord avaient été mieux informées concernant mon pays, le président Obama n’aurait pas osé envoyer plus de troupes et dépenser l’argent des contribuables pour une guerre qui ne fait qu’ajouter aux souffrances de notre peuple et entraîner la région dans des conflits plus profonds. Cet « accroissement soudain » de troupes en Afghanistan et la poursuite des bombardements ne contribueront en rien à la libération des femmes afghanes. Leur seul résultat sera d’accroître le nombre de victimes civiles et la résistance à l’occupation. Pour vraiment aider les femmes afghanes, les citoyens et les citoyennes des États-Unis et d’ailleurs doivent dire à leurs gouvernements de cesser de soutenir et de couvrir un régime de seigneurs de guerre et d’extrémistes. Si ces brutes étaient enfin traduites en justice, les hommes et les femmes de l’Afghanistan seraient tout à fait capables de s’occuper d’eux-mêmes. Élue en 2005 pour représenter la province de Farah, Malalai Joya était la plus jeune députée au Parlement afghan. Au mois de mai 2007, elle a été injustement suspendue du Parlement. Ses mémoires, A Woman Among Warlords : The Extraordinary Story of an Afghan Who Dared to Raise Her Voice, seront publiés plus tard cette année chez Scribner. Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 mai 2009 |