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dimanche 24 mai 2009 C’est dans le Coran ! Lettre ouverte à Djemila Benhabib
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J’avoue que j’ai mis du temps avant de lire Ma vie à contre-Coran. C’est probablement à cause du titre que j’ai trouvé inutilement provocateur pour les musulmans, pratiquants, non-pratiquants et même athées (En principe on ne peut pas être contre un livre). En le lisant je trouve que les musulmans sont plus concernés par votre témoignage que les non-musulmans. Mais ils ne vont pas le lire à cause d’un titre mal choisi qui a érigé une barrière infranchissable entre eux et vous. Dommage, parce que vous aimez votre peuple. Votre témoignage est plein d’amour, d’estime pour le peuple algérien et en particulier pour la femme algérienne (la première dans le monde arabe qui a participé activement à une lute pour l’indépendance), la première victime de l’intégrisme et de l’islamisme. Pour justifier l’application de la Charia, consacrer la discrimination entre homme et femme, les châtiments corporels, etc., les islamistes disent : « C’est dans le coran. » Ainsi ils clouent le bec à ceux qui les contredisent. Vous dites aussi : « C’est dans le coran » pour prouver que l’islam défavorise la femme. Ainsi, consciemment ou inconsciemment, vous contribuez à favoriser un tel argument et à contredire Mohammed Arkoun, Malek Chebel, Soheib Bencheikh, et d’autres musulmans éclairés qui travaillent à réformer l’Islam en replaçant les règles coraniques dans leur contexte social et historique. Vous favorisez même la thèse de Tarik Ramadan, qui dans son dernier livre : L’islam, la réforme radicale, confirme l’orthodoxie islamiste, basée sur la sacralisation du texte et les avis des docteurs de la foi, en la maquillant avec un vernis moderne occidental. Dans sa réforme « radicale », il ne déclare même pas que la lapidation de la femme adultère doive être abolie (d’autant plus que ce jugement n’est pas dans le Coran). Il demande simplement un moratoire sur cette question ! Pourtant, le Coran est le seul texte religieux qui consacre, sur le plan humain, l’égalité entre l’homme et la femme. C’est même un principe islamique de base. C’est aux musulmans de l’appliquer en fonction de l’évolution et des spécificités de chacune des sociétés musulmanes constitutives de la oumma (la communauté des croyants). Si les musulmans étaient fidèles à l’esprit de l’islam, ils auraient été les premiers à décréter les lois qui consacrent l’égalité entre homme et femme et à abolir l’esclavage. Déjà le calife Omar, quelques années seulement après la mort du Prophète, a refusé d’appliquer deux règles malgré l’existence de versets clairs du Coran*. Vous avez le droit de critiquer l’islam. Comme vous avez aussi le droit absolu d’être athée. Mais prendre un texte daté de 1500 ans comme référence, alors qu’il est sujet à interprétation, dont l’application erronée est responsable des horreurs commises par les islamistes, c’est donner raison aux islamistes. Puisque « c’est dans le Coran. » ! Le marxisme a donné naissance à deux courants politiques : le communisme et la sociale-démocratie. Les deux courants ont été inspirés du même livre de Marx : « Le Capital ». Ce n’est pas le livre qui est responsable du communisme, ce sont ceux qui ont transformé le marxisme en idéologie totalitaire sanguinaire. La sociale-démocratie s’est servie du même livre pour créer des sociétés plus justes, plus égalitaires et plus respectueuses des droits de l’homme. Le communisme est mort. La sociale-démocrate est encore vivante et de plus en plus actuelle. L’islam connaîtra le même sort. Et c’est aux musulmans de choisir entre deux visions de l’islam : le message libérateur universel ou l’idéologie politique. Lisons le texte suivant : « Fille de Babylone…heureux qui saisira tes nourrissons pour les broyer sur le roc » (Psaume 136). David abattit parmi les Philistins deux cents hommes. David apporta leurs prépuces dont on fit le compte devant le roi pour que David devienne le gendre de Saoul. » Ces passages de la Bible ne sont jamais lus à la messe. De tels épisodes sanglants font pourtant partie des écritures chrétiennes ! Le même problème se pose avec les versets violents du Coran. Mais aussi avec les versets qui favorisent l’homme et nuisent à la femme. Le jour viendra, j’en suis persuadé, où aucun imam n’osera les lire pendant la prière du vendredi. Comme dans le cas du marxisme et du christianisme, c’est le courant islamique, humaniste, progressiste, égalitaire et pacifique qui triomphera pour que les musulmans puissent vivre pleinement leur spiritualité. Ce sera le retour de l’islam paisible, tolérant, rituel et spirituel. Celui de mes parents et de mes grands-parents. Ceux qui cherchent un tremplin pour accéder au pouvoir devront le chercher ailleurs. Revenons à votre livre. J’ai aimé votre témoignage sur votre vie, celle de vos parents, de vos amis, sur la montée de l’intégrisme, sur toutes ces victimes innocentes de l’horreur au nom de l’islam, sur la lâcheté des politiciens, sur la trahison de ceux qui ont dirigé la lute pour l’indépendance et surtout sur la femme algérienne. Dommage que votre livre ne se soit limité qu’à cela. *Durant la vie du Prophète Mohammed, les chefs de tribus et les notables fraîchement convertis à l’islam recevaient une part de la zakat, l’aumône légale. Le but de cette pratique était d’amadouer ces puissants dignitaires et de les intégrer à la société musulmane. Quelques années après la mort de Mohammed, le calife Omar refuse d’appliquer la règle, malgré sa pratique et, surtout, malgré l’existence d’un verset du Coran qui pour le Prophète la dicte. Pour Omar, derrière le verset coranique, il y avait un contexte politique précis dont il était le témoin. Un nouveau contexte, une nouvelle loi. Le même calife Omar a refusé d’appliquer la peine d’amputation de la main qui sanctionnait les voleurs, lors d’une période de famine. Même si le Coran ne précisait pas les conditions d’application de ce châtiment et les motifs de sa suspension, Omar a estimé, dans sa sagesse et son audace intellectuelle, que cette peine n’était pas toujours réalisable. Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 mai 2009 – Lisa-Marie Gervais, L’Entrevue - L’espoir d’un Magreb pour les femmes", Le Devoir. 3 août 2009. |