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jeudi 8 octobre 2009

Le Conseil du statut de la femme demande à la ministre d’amender le projet de loi 16

par Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico






Écrits d'Élaine Audet



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Notes pour une allocution de Mme Christiane Pelchat, présidente Conseil du statut de la femme lors de sa comparution devant la Commission des relations avec les citoyens au sujet de l’étude du Projet de loi no 16, Loi favorisant l’action de l’administration à l’égard de la diversité culturelle le mercredi, 7 octobre 2009. (La version lue fait foi.)

Le Conseil du statut de la femme est un organisme de consultation et d’étude créé en 1973, à la demande du mouvement des femmes du Québec, par M. Robert Bourassa, premier ministre de l’époque. Il a le mandat de conseiller le gouvernement pour l’égalité des femmes. Le Conseil a été au cœur des changements qui ont fait avancer cette égalité. Malheureusement, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est toujours pas accomplie.

D’abord, le Conseil est heureux d’avoir l’occasion d’être entendu sur cette question de la gestion de la diversité culturelle et donc des accommodements raisonnables au sein de l’Administration publique, une question qui touche évidemment le droit des femmes.

En 2007, le Conseil a rendu public un avis où il dressait un portrait de la situation des droits des femmes par rapport à la liberté religieuse, particulièrement lorsque vient le temps d’accorder un accommodement raisonnable en vertu de cette dernière. Il soulevait notamment la délicate question de savoir comment doivent s’articuler le droit à l’égalité et la liberté religieuse lorsque surgit la discrimination envers les femmes. Au terme d’une analyse historique, sociale et juridique, cet avis faisait six recommandations au gouvernement pour renforcer le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes.

L’une d’elle a trouvé écho dans l’adoption du projet de loi no 63, qui a modifié la Charte québécoise, afin d’y inclure nommément le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le Conseil a soutenu que le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes devait être respecté et qu’on ne devait pas y porter atteinte au nom de la liberté de religion. Nous considérons toujours qu’un accommodement qui porte atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes est un accommodement déraisonnable et qu’il irait à l’encontre de la Charte telle qu’elle a été modifiée le 10 juin 2008.

Dans cet avis, le Conseil faisait aussi les recommandations suivantes :

« Que les représentantes et les représentants ou les fonctionnaires de l’État ne puissent arborer ni manifester de signes religieux ostentatoires dans le cadre de leur travail. »
« Que le gouvernement se dote d’une politique de gestion de la diversité religieuse dans les institutions de l’État et que cette politique intègre de façon claire et non équivoque la dimension fondamentale de l’égalité entre les sexes. »

La recommandation concernant les agents de l’État donnait suite au constat que la neutralité de l’État est une valeur commune, partagée par l’ensemble des Québécoises et des Québécois. Pour nous, il coulait donc de source que les agents de l’État doivent véhiculer cette valeur fondamentale.

Le projet de loi no 16 semble faire un pas dans le sens de la deuxième recommandation. En effet, il est réjouissant de constater que le gouvernement embrasse son rôle de chef d’orchestre de la fonction publique en manifestant le désir de la doter d’une politique cohérente et coordonnée en matière de diversité culturelle et d’accommodement raisonnable. Nous voyons dans ce geste une tentative de donner suite à cette question délicate, qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a mobilisé de nombreuses personnes, notamment lors de la commission Bouchard-Taylor.

Néanmoins, le projet de loi no 16 appelle plusieurs commentaires et soulève de grandes inquiétudes.

D’abord, le Conseil se demande depuis quand une politique gouvernementale précède une loi. Il est curieux, en effet, que le projet de loi no 16 réfère à la Politique et non l’inverse.

Ensuite, le projet de loi manque de balises claires qui devraient nécessairement encadrer la gestion de la diversité culturelle et religieuse. Par exemple, pour les signes religieux, il y a plusieurs messages dont certains sont contradictoires.

Nous ne voyons pas où sont affirmées ces valeurs communes dans le projet de loi no 16. Tout au plus, le premier considérant du projet de loi fait référence au préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, en mentionnant que « le respect de la dignité de l’être humain, l’égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix ».

De plus, on n’y retrouve nulle mention de la neutralité de l’État, cette valeur collective fondamentale, le socle sur lequel doit nécessairement reposer toute politique québécoise de la gestion de la diversité culturelle et religieuse. De la même façon qu’un enfant apprend à marcher avant de courir, l’État doit se définir et s’affirmer collectivement avant de s’ouvrir à l’autre.

Or, en matière de laïcité, le Québec en est à ses balbutiements en ce qui concerne son affirmation. La laïcité québécoise n’est pas le fruit d’une longue tradition, comme aux États-Unis ou en France par exemple. À l’occasion, le gouvernement québécois réaffirme cette laïcité comme l’a fait le premier ministre du Québec lors de la création de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements reliés aux différences culturelles.

Cependant, en termes strictement juridiques, le Québec et le Canada ne sont pas des États laïcs. Cette laïcité n’est proclamée nommément ni dans la Charte ni dans aucun document quasi constitutionnel, il est donc fondamental de l’affirmer haut et fort dans toute loi et politique traitant de la diversité religieuse ; c’est la base, la pierre d’assise qui permet l’ouverture à l’autre.

Dans une société marquée par d’importantes mutations sociales, dont un apport migratoire significatif, le partage d’un socle commun de valeurs citoyennes est nécessaire au maintien de l’équilibre sociétal, tout autant qu’un vecteur d’intégration des nouveaux arrivants.

Pour le Conseil, le projet de loi no 16 ne peut être adopté sans qu’il énonce clairement les valeurs collectives dont il est issu.

Dans l’élaboration des lois et des politiques de l’État, il est impératif que les valeurs d’égalité et de laïcité soient clairement affirmées. Personne n’ignore que, globalement, les religions ne font pas l’apologie des droits des femmes. Il en est de même pour plusieurs cultures également. Si l’État québécois n’affirme pas clairement les valeurs collectives qui sont les siennes, les valeurs d’égalité entre les sexes et de laïcité, au même titre qu’il le fait par exemple lorsqu’il s’agit de préserver le fait français, il existe un danger réel que les valeurs qui nous définissent soient bafouées.

Le projet de loi no 16 ignore des questions qui sont inextricablement liées à la gestion de la diversité culturelle. Comment l’État va-t-il gérer les demandes d’accommodement basées sur la religion ? Le port de signes religieux par les fonctionnaires va-t-il être permis, voire encouragé, afin de favoriser l’intégration des personnes immigrantes dans la fonction publique ? Et si oui, sur quelles bases ? Quelle place occupe la laïcité dans l’esprit du gouvernement québécois ? À cet égard, le projet de loi est muet. Les politiques et les mesures qui seront adoptées en vertu de cette loi interdiront-elles le port de la burka chez les fonctionnaires, mais autoriseront le port du hidjab, comme des membres de ce gouvernement l’ont déjà affirmé en Chambre ? Où se retrouvent les balises claires qui guideront les décideurs ?

Depuis le dépôt du rapport de la commission Bouchard-Taylor, la Commission des droits de la personne offre un service-conseil en matière d’accommodement raisonnable. Ce service est réservé aux situations où la demande d’accommodement correspond à la définition juridique d’un accommodement raisonnable. La Commission procède à l’examen de la demande faite par les gestionnaires sur le plan des faits et à un examen du cadre légal et de la jurisprudence applicables.

Son service-conseil veille au respect des droits et des valeurs de la Charte :

« La Commission s’assurera que les solutions proposées respectent les valeurs fondamentales à la base de la Charte des droits et libertés de la personne, tels que [sic] le respect de la dignité et de l’égalité de toutes les personnes, notamment le respect de l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que l’obligation de neutralité religieuse de l’État. »

Il est heureux que la Commission, dans ses documents administratifs, prenne soin de mentionner qu’elle portera une attention particulière au respect de ces deux valeurs collectives, la laïcité et l’égalité entre les sexes, lorsqu’elle dispensera ses services.

Pour le Conseil, il s’agit là d’un indicateur patent, d’abord de la place qu’occupent ces valeurs dans notre société, mais aussi de leur fragilité lorsque vient le temps de juger de la raisonnabilité d’un accommodement.

Plus encore, n’est-il pas extrêmement étonnant que la Commission précise nommément qu’elle attachera une grande importance au respect de ces valeurs, alors qu’elles ne figurent nulle part dans une loi ou une politique traitant de la gestion des accommodements raisonnables ?

En fait, le gouvernement laisse le soin à la Commission de gérer les accommodements sans lui donner d’indications législatives. La Commission est chargée d’appliquer une création jurisprudentielle, sans balises claires du législateur.

Est-il plus facile pour le gouvernement d’adopter des politiques d’ouverture et d’intégration plutôt que d’affirmer juridiquement quelles sont les valeurs de notre société ?

Si l’État doit aussi permettre l’expression des croyances religieuses et culturelles et favoriser l’intégration des personnes issues des communautés culturelles, il doit absolument, au nom des valeurs collectives et du respect de la dignité humaine, en favoriser l’expression. Nous ne trouvons pas les bases de ces valeurs fondamentales dans le projet de loi no 16.

En terminant, nous proposons que le projet de loi no 16 soit amendé :

  • Que les valeurs communes telles qu’elles figurent dans la brochure du MICC Affirmer les valeurs communes de la société québécoise soient partie intégrante de toute politique découlant du projet de loi no 16.

    Source : Site du Conseil du statut de la femme.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 8 octobre 2009



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  • Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico
    Conseil du statut de la femme

    L’auteure a écrit cet article alors qu’elle était présidente du Conseil du statut de la femme.



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