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vendredi 23 octobre 2009

Polytechnique - Devoir de mémoire

par Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico






Écrits d'Élaine Audet



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L’auteure a écrit cet article alors qu’elle était présidente du Conseil du statut de la femme.

25 février 2009. L’hiver n’a pas dit son dernier mot. Le soleil peine à réchauffer l’air glacial de la place D’Youville, à Québec. La salle où je me dirige réunit des employées du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine venues assister à une projection privée du film Polytechnique, suivie d’une période d’échanges. Du 6 décembre 1989, dorénavant, je me souviendrai en toute conscience. Se taire une fois, c’est bien assez ! Notre devoir à toutes est de nous souvenir…

Il aura fallu plusieurs minutes pour que le silence, qui pesait lourd après la représentation, fasse place à la discussion. Les premiers élans ont porté sur les lieux qui avaient servi de théâtre à ce drame dans la vie de chacune. Commencer par se souvenir. Ensuite, toucher le noyau des émotions enfouies que l’on croyait oubliées. Le visionnement du film Polytechnique a permis de lever le voile sur mes propres souvenirs et de laisser émerger beaucoup d’émotions. Je me suis rendu compte à quel point on avait fait taire les femmes ce jour-là. Et j’étais de celles-là.

À l’époque députée et adjointe parlementaire du ministre de l’Environnement, je participais ce soir-là aux travaux du Parlement, alors en session intensive à l’Assemblée nationale. Rapidement informés de la nouvelle, nous étions sous le choc. Des images de mai 1984 et de la tuerie survenue au parlement nous revenaient douloureusement à la mémoire. Était-ce là l’acte d’un fou de la même espèce ? Probablement. Je ne pouvais me résoudre à croire que ce drame avait fait 14 victimes, des jeunes femmes, simplement parce qu’elles étaient des femmes. Je n’arrivais pas à admettre que l’on pouvait poser un tel geste volontairement, ici au Québec, à l’aube du 21e siècle. J’étais dans l’erreur. Le motif de cette affreuse tragédie était l’antiféminisme. Ce geste n’avait pas été commis par un tireur fou. C’était un geste démesuré, signe d’une détresse humaine, certes, mais antiféministe. De la bouche même de l’auteur du drame.

Il est faux de dire que cet événement a été récupéré par les féministes. Mais il aura fallu deux décennies et un film pour le comprendre et en être totalement convaincues.

Ce que je me suis rappelé également, c’est que personne d’entre nous n’était autorisé à faire de déclaration publique, hormis la ministre déléguée à la Condition féminine, la vice-première ministre ou le ministre de l’Éducation. La raison ? Danger de récupération des événements au profit de... Mais de quoi au juste ? De reconnaître et de dénoncer la haine des femmes ? De voir révélés au grand jour les propos haineux de l’époque à l’endroit du féminisme et de plusieurs féministes ? Le Conseil du statut de la femme n’a diffusé aucun communiqué de presse après la tragédie de Polytechnique, pas plus que la Gazette des femmes n’a fait mention ou n’a traité du drame dans ses pages. Silence. Nous avons été muselées sans trop nous en rendre compte. Il est donc faux de dire que cet événement a été récupéré par les féministes. Mais il aura fallu deux décennies et un film pour le comprendre et en être totalement convaincues.

Partagée entre la peine et la colère, j’en veux à ce courant antiféministe et je souffre encore de penser que 14 jeunes ont perdu la vie parce qu’elles étaient des femmes. Que des familles ont été brisées par ce crime abject. Existe-t-il un terreau fertile pour qu’une telle tragédie se produise de nouveau ? Je souhaiterais affirmer que non. Mais lorsque j’entends ou qu’on me rapporte les propos de certains animateurs de radio – celle que l’on qualifie de « radio poubelle » –, je crains qu’ils ne constituent le germe potentiel de la haine et de la violence à l’endroit des femmes. Raison de plus pour dénoncer toute prise de parole, notamment sur la place publique, contenant des propos discriminatoires ou violents envers les femmes.

Le colloque international et multidisciplinaire organisé à l’Université du Québec à Montréal en décembre prochain, sous l’égide de l’Institut de recherches et d’études féministes, permettra entre autres d’évaluer la signification qui a été attribuée à ce drame, au Québec et ailleurs, et de discuter de la problématique des violences faites aux femmes et aux féministes. Je souhaite sincèrement que cette action en soit une de plus pour diminuer, voire éliminer, la haine à l’endroit des femmes du monde entier.

Source : « Mot de la présidente », Gazette des femmes, NOV.-DÉC. 2009.

Site du Conseil du statut de la femme.

Mis en ligne dans Sisyphe, le 23 octobre 2009

Suggestion de lecture de Sisyphe

Élaine Audet, Sel et sang de la mémoire. Polytechnique, 6 décembre 1989, Montréal, 2009, Les éditions Sisyphe.



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Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico
Conseil du statut de la femme

L’auteure a écrit cet article alors qu’elle était présidente du Conseil du statut de la femme.



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