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dimanche 23 mai 2010

Projet de loi 94 : "Sous aucun prétexte, l’égalité entre les femmes et les hommes ne doit être soumise à d’autres droits et libertés"
Les auteures demandent le retrait du projet de loi

par Un groupe de professeures de l’Université Laval






Écrits d'Élaine Audet



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Dans un mémoire présenté à la Commission des institutions qui étudie le projet de loi 94 à l’Assemblée nationale, un groupe de professeures associées à La Chaire Claire-Bonenfant - Femmes, Savoirs et Sociétés demande le retrait du projet de loi 94 qu’il estime non conforme à la Charte des droits et libertés et ne réglant en rien la question fondamentale de la position de l’État eu égard aux religions. "Sous aucun prétexte, l’égalité entre les femmes et les hommes ne doit être soumise à d’autres droits et libertés", disent les auteures qui réclament notamment un débat sur la laïcité large et inclusif. Voici des extraits de ce mémoire.

Résumé

Professeures et chercheures féministes venant de différents horizons disciplinaires et gravitant autour de la Chaire Claire-Bonenfant - Femmes, Savoirs et Sociétés de l’Université Laval, nous travaillons dans nos milieux respectifs à l’atteinte de l’égalité réelle pour les femmes, objectif qui
n’a pas encore été atteint au Québec et au Canada.

Nous demandons le retrait pur et simple du projet de loi 94 sur la Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements et nous réclamons que se tienne incessamment un débat public sur la laïcisation de l’État. À notre avis, le projet de loi 94 ne règle en rien la question fondamentale de la position de l’État eu égard aux religions. Il n’affirme pas l’importance fondamentale de l’égalité entre les hommes et les femmes, vis-à-vis toutes coutumes et pratiques culturelles patriarcales.

La société québécoise ne peut plus faire l’économie d’un véritable débat, large et inclusif, sur la question de la laïcisation de l’État. Le projet de loi 94 ne répond aucunement à ce besoin.

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, que le Québec a ratifiée, impose une hiérarchisation des droits : le droit des femmes à l’égalité a préséance sur les pratiques culturelles et religieuses qui portent atteinte à leur pleine citoyenneté. Tout en reconnaissant que les traditions et la culture ne soient pas statiques et
qu’elles changent, nous dénonçons l’argumentaire de « défense de la culture », lorsqu’il contraint les femmes et les prive de leur autonomie, de leur dignité et limite leur intégrité. Le Québec doit respecter ses engagements internationaux à cet égard.

En somme, nous désirons :

  • Réaffirmer l’importance fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la société québécoise ;
  • Rappeler que l’égalité réelle pour les femmes n’est pas un fait accompli dans la société québécoise ;
  • Rappeler que l’égalité réelle pour les femmes dans la société québécoise passe notamment par l’accès à l’éducation, des emplois de qualité et des programmes sociaux adaptés aux besoins des femmes ;
  • Donner la parole aux femmes plutôt que d’assumer que leurs élites communautaires parlent en leur nom ;
  • Donner préséance au droit à l’égalité pour les femmes sur les pratiques culturelles, dont les pratiques religieuses ;
  • Interpréter la liberté de religion pour qu’elle ne porte pas atteinte au droit à l’égalité pour les femmes dans la société québécoise ;
  • Contrer les conservatismes religieux qui constituent des menaces au droit à l’égalité pour les femmes ;
  • Débattre de la question de la laïcisation de l’État québécois. Rappelons que ce débat constitue un préalable à tout projet de loi visant à établir les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements.

    (...)

    Introduction

    Professeures et chercheures féministes venant de différents horizons disciplinaires et gravitant autour de la Chaire Claire-Bonenfant - Femmes, Savoirs et Sociétés de l’Université Laval, nous travaillons dans nos milieux respectifs à l’atteinte de l’égalité réelle pour les femmes, objectif qui n’a pas encore été atteint au Québec et au Canada (1). En 2009, le Canada figurait au 73e rang selon l’indice des disparités entre les sexes de l’ONU. Nous nous inquiétons de la fâcheuse tendance à considérer qu’au Québec, l’égalité entre les femmes et les hommes est déjà un fait accompli, alors que persistent des inégalités en emploi importantes entre les femmes et les hommes, qu’il
    n’y a toujours pas de politique d’ensemble concernant la violence masculine dans les rapports conjugaux et que les femmes autochtones et immigrantes sont soumises à toutes sortes de traitements injustes et délétères. Nous nous inquiétons des effets des intégrismes religieux et du néolibéralisme sur les droits des femmes. L’égalité pour les femmes passe nécessairement par
    l’accès à l’éducation, à des emplois de qualité et à des programmes sociaux adaptés à leurs besoins.

    Les débats sur les pratiques religieuses dans l’espace public mettent de nouveau à l’avant-scène des normes culturelles patriarcales qui visent à contrôler les femmes. Sous le couvert de la liberté d’expression et de la liberté religieuse, des groupes minoritaires tentent de nier le droit à l’égalité
    pour les femmes. Ces débats soulèvent les passions parce qu’ils touchent notamment la vie privée, la famille et les pratiques traditionnelles, c’est-à-dire le lieu par excellence où s’exerce et se maintient le patriarcat (2). Ces débats tiennent rarement compte du point de vue des premières concernées et cherchent peu à cerner leurs intérêts. Des hommes parlent au nom des femmes et leur dénient le droit à l’autonomie.

    Conclusion

    En regard du processus historique de la laïcisation entrepris par la société québécoise et d’une plus grande diversité de la population immigrante, nous réclamons un véritable débat sur la laïcisation de l’État québécois, large et inclusif, où toutes les tendances existant au sein même du mouvement féministe, mais aussi dans la société québécoise, pourront être représentées.

    Nous considérons que le projet de loi 94 sur la Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements ne règle en rien cette question et surtout, qu’il n’affirme pas l’importance fondamentale de l’égalité
    entre les hommes et les femmes, vis-à-vis toutes coutumes et pratiques culturelles patriarcales. Ce projet de loi ne respecte pas la Charte des droits et libertés de la personne. Nous en demandons le retrait.

    (...)

    Notes

    1. Voir Alliance canadienne féministe pour l’action internationale (AFAI), Confrontation avec la réalité : les femmes au Canada et la Déclaration et Programme d’action de Beijing après 15 années, réponse de la société civile, 22 février 2010.
    2. Le patriarcat constitue une formation sociale où les hommes détiennent le pouvoir sur les
    femmes.

     Source de la version intégrale : site de l’Assemblée nationale, la page des mémoires déposés.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 20 mai 2010



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