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vendredi 11 avril 2003

Le PQ mise sur une politique paternaliste

par Yolande Cohen, historienne, UQAM






Écrits d'Élaine Audet



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Sollicitées de toute part, comment les Québécoises réagiront-elles aux programmes pour la famille qui leur sont proposés par les partis au cours de cette campagne électorale ? Les trois grands partis avancent tous des mesures destinées aux familles : ouvertement conservatrices pour l’ADQ (qui reprend les thèses traditionnelles sur la famille) et relativement modestes pour le PLQ (crédits d’impôt), elles sont au coeur du dispositif électoral du Parti québécois. C’est pourquoi il convient de mieux déterminer en quoi consiste l’« obsession » du PQ.

Aide à la petite enfance (garderies à 5 $ par jour), congé parental et semaine de quatre jours pour les parents d’enfants de moins de 12 ans, élimination d’une partie de la dette d’études pour les couples qui font des bébés dans un délai de cinq ans après la fin de leurs études : les mesures en faveur de la famille constituent l’essentiel de l’arsenal électoral péquiste. Assortis de nombreuses conditions et du lien peu subtil entre la natalité (qu’il faut encourager) et l’équité en emploi (qui semble acquise au PQ), ces divers programmes répondent à de nombreux objectifs. Il s’agit ici d’élucider en quoi ils aideront les femmes à concilier leur carrière (ou leur emploi salarié) et leur famille dans une perspective d’équité avec les hommes.

L’équité salariale

Le programme de conciliation travail-famille vise essentiellement les couples avec enfants qui travaillent pour un salaire et répond donc en priorité aux changements du monde du travail (amélioration de l’efficacité et du rendement des travailleurs dans un contexte de précarisation des emplois, etc.). Il répond aussi au nécessaire ajustement du marché de l’emploi au travail des femmes qui sont mères de famille. C’est pourquoi il fait partie des revendications féministes en faveur de l’équité.

Les politiques d’équité salariale, censées régler une des questions cruciales soulevées par les féministes, soit un salaire égal pour un travail équivalent, sont encore difficiles à évaluer. Les employés en grève à l’Université de Montréal font aujourd’hui encore l’expérience de résistances insoupçonnées face à l’application de ces politiques. Certes, au Québec, la mixité en emploi a progressé, entraînant une diminution des chasses gardées entièrement masculines, mais le fameux plafond de verre résiste bien. La grande majorité des femmes sont tenues à l’écart des positions enviées dans les conseils d’administration et aux postes de cadre supérieur tandis qu’elles dominent encore dans les professions liées aux soins pour les autres (caring).

Et même si plusieurs cohortes de filles ont eu accès à l’enseignement supérieur et qu’on se préoccupe désormais du décrochage scolaire des jeunes garçons, leurs chances de mobilité sociale et professionnelle dans le monde du travail ne sont pas équivalentes.

Plusieurs façons ont été suggérées pour revaloriser ce travail de soins aux autres et en faire une valeur sociale commune sans que ce soit au détriment du travail salarié des femmes.

La conciliation travail-famille tout comme les programmes de garde à la petite enfance, de congés parentaux ou d’allongement du temps scolaire apparaissent comme autant d’éléments incitatifs à une meilleure répartition des tâches entre les deux sexes pour réaliser cet objectif. Mais tout le monde ne s’entend pas sur leur efficacité. Outre les réticences à ces mesures énoncées par le patronat, certaines études réalisées aux États-Unis soulignent la difficulté de les appliquer dans un environnement de libre entreprise.

Les incitatifs à la conciliation famille-travail, comme l’usage du temps flexible ou de congés flottants, aboutissent la plupart du temps à des pratiques qui favorisent les employés les plus performants dans un contexte de compétition qui défavorise ceux et celles qui s’en réclament.

Toujours les femmes

Comment résoudre alors le dilemme de telle sorte que le travail de caring pour les enfants, les parents ou les proches ainsi que d’entretien de l’unité familiale ne revienne pas majoritairement aux femmes ? Alors qu’hommes et femmes travaillent pour un salaire dans une proportion presque égale, ce sont encore en majorité des femmes qui s’acquittent des tâches ménagères, de l’éducation des enfants et du soin des parents âgés, etc., qu’elles soient professionnelles, salariées, bénévoles ou femmes au foyer. C’est cette inégalité majeure qui marque les représentations que nous nous faisons les uns des autres ainsi que les récents énoncés de politique familiale. Tout se passant comme si ce travail de caring était également partagé par des hommes et par des femmes, les politiques familiales apparaissent alors comme un leurre, masquant l’inégalité persistante des femmes.

Si les hommes ne considèrent pas ce travail « du soin aux autres » comme étant aussi de leur responsabilité et si, en outre, ils pensent qu’ils sont la cible des groupes féministes alors qu’ils ont encore tous les attributs du pouvoir, ces politiques ne valent pas grand-chose et seront peu efficaces. En effet, leur prémisse est d’améliorer la position des femmes dans le monde du travail sur des bases d’équité et d’égalité entre les sexes. Ce sont ces mêmes principes qui guident les propositions en faveur de la parité en politique.

Les résistances opposées par les ténors du Parti québécois à ces propositions sont tangibles. Bernard Landry le dit et le répète : le programme de conciliation travail-famille proposé par son parti vise à redonner confiance aux jeunes couples afin qu’ils envisagent de procréer, même si ce n’est pas pour revenir aux familles nombreuses d’antan... Artifice électoraliste avancé par un Parti québécois qui, du même souffle, a repoussé la proposition en faveur de la parité hommes-femmes dans la vie politique.

Les groupes de femmes qui se battent depuis de nombreuses années en faveur de l’équité et de la parité ont des raisons d’être mécontents. Ces groupes, comme la Fédération des femmes du Québec, qui ont beaucoup misé sur les gouvernements souverainistes, ont toutes les raisons d’être déçus du peu de place qu’on leur accorde aujourd’hui.

Drapé de l’aura de la prétendue égalité des sexes, le Parti québécois fait comme si celle-ci était déjà réalisée. Mais toutes les statistiques le démontrent : inégalité des salaires, absence de parité en politique et d’équité en emploi. En assimilant le sort des femmes à celui des familles, la politique proposée par le parti au pouvoir n’est que de la poudre aux yeux. Elle a un nom : c’est une politique paternaliste.

Mise en ligne sur Sisyphe le 19 mars 2003



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Yolande Cohen, historienne, UQAM


L’auteure est rattachée au Département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).



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