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jeudi 3 novembre 2011 Prostitution - Je me suis absentée
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J’ai fait une pause, parce que mes réserves de force étaient complètement épuisées. Mais je me sens aussi extrêmement bien, et j’ai l’impression d’atteindre un nouveau niveau dans mon travail pour lever le voile sur le commerce du sexe. Je me sens libre de ralentir, et de me concentrer autant que je peux l’être. Pour l’instant, je peux laisser ma famille derrière moi, et ne pas trop me soucier de son jugement ou de la sentir blessée par mon travail. Je sais que ma famille ne lit pas ce blog - et c’est une bonne chose, car c’était une censure qui jetait une ombre sur moi. J’aime ma famille pour qui et ce qu’elle est devenue. J’ai besoin que mon travail soit distinct de cette évolution. Le simple fait de savoir que j’ai leur amour et qu’ils ne me jugent pas me fortifie. Je peux maintenant me concentrer sur des problèmes plus profonds, au sujet desquels j’écrirai sans doute très bientôt. Des problèmes comme pourquoi le fait de survivre au commerce du sexe ne se limite pas à une extrémité d’un continuum de violence masculine à l’égard des femmes et des filles. Je veux écrire et explorer ces différences - et parler aussi des liens entre ces violences. Des problèmes à accepter que beaucoup, sinon l’ensemble des femmes sorties de ce milieu peuvent ne pas afficher les émotions que les autres attendent d’elles. Je veux explorer le fait que plus la torture sexuelle physique et mentale a été grave et a duré longtemps, plus il est probable que les femmes prostituées vont réagir avec torpeur, en s’affichant extérieurement robuste, en éludant ces questions par le rire. Des problèmes à parler de la réalité d’être dans cette pièce, la réalité d’être rendue invisible sous prétexte que la prostitution organisée hors de vue doit être enjolivée, pour que des hommes puissent toujours s’en tirer avec l’achat et la vente de la classe prostituée. Des problèmes que pose l’apologie constante de la prostitution vécue à l’intérieur dans les médias, par des soi-disant féministes, dans la haute culture et la culture populaire, par les gauchistes, par toutes les religions et tous les discours politiques et philosophiques des hommes, et par l’ensemble de mon environnement. Des problèmes à me faire dire de ne pas dire que la classe prostituée est réduite à l’état de marchandise, transformée en sous-hommes – et ce par les mêmes personnes qui défendent une réduction des méfaits. Alors que la réduction des méfaits est un concept qui maintient les personnes prostituées dans le statut de marchandises que l’on rafistole et renvoie en enfer. Alors je me suis absentée, mais je ne suis pas encore morte… Version française : Martin Dufresne Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 octobre 2011 |