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mercredi 4 janvier 2012

De nouveaux mythes dangereux entourant la prostitution

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine






Écrits d'Élaine Audet



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Il existe tant de mensonges et de mythes entourant la prostitution – et beaucoup d’entre eux servent à attaquer les femmes qui ont quitté le milieu et osent dire que, non, elles n’y ont pas trouvé un « pouvoir sexuel » qui les a rendues si heureuses.

Je suis épuisée de tous ces discours ; ce n’est pas de l’ignorance, et ça n’est pas que quelques personnes qui véhiculent ces mythes. II s’agit avant tout d’une attaque organisée de la part des profiteurs de l’industrie du sexe et de leurs partisans pour détruire toute voix qui remet en cause les conditions du commerce du sexe, pour détruire toute parole qui envisage d’abolir ce commerce.

J’en ai assez de leurs constantes tentatives de nous ridiculiser ; de leurs constantes dénégations de tout ce que disent les abolitionnistes ; de leur constant refus de reconnaître que bon nombre d’abolitionnistes sont des femmes qui ont vécu à l’intérieur de la prostitution, souvent dans la prostitution intérieure légale ; et de leur constante recherche d’un être légendaire : la prostituée qui a jamais été violée, n’a jamais été soumise à des prostitueurs qui lui manquaient de respect, n’a jamais été volée par les profiteurs du commerce du sexe, n’a jamais été maltraitée dans son enfance, n’a jamais été battue par un proxénète ou un prostitueur, etc., etc.

Ces voix sont bruyantes, ces voix trouvent un pont d’or dans les médias, ces voix peuvent débiter sans fin leurs absurdités puisqu’elles sont financées par l’industrie du sexe, bref même sans pouvoir cacher la vérité, ces voix peuvent la rendre vraiment difficile à trouver.

Un mythe très répandu, et qui est selon moi un mythe extrêmement dangereux, est le mythe que la prostitution est acceptable si la femme prostituée est entièrement consentante.

Cette idée présente la prostitution comme une relation d’affaires entre égaux. Il y a un acheteur et la personne achetée, qui lui est en quelque sorte rendue égale.

Mais lorsque vous êtes achetée, vous devenez une marchandise, on fait de vous moins qu’une personne humaine.

Être achetée, c’est perdre le droit de dire non à tout acte sexuel, aussi violent et dégoûtant qu’il soit pour vous.

Être achetée, c’est devenir un ensemble d’orifices et de mains que le prostitueur va consommer en s’y masturbant.

Où est l’égalité dans tout cela ?

L’acheteur a le pouvoir de faire tout ce qu’il a en tête comme violence pornographique. Il a le choix d’être aussi violent qu’il le veut, et peut même faire le choix de se montrer doux.

L’acheteur a le pouvoir d’utiliser ou non un préservatif ; la plupart n’en mettent pas.

L’acheteur a le pouvoir de vie et de mort sur la personne prostituée.

Comment peut-on considérer cela comme une situation d’égalité ?

Un autre mythe populaire veut que les prostituées qui ne sont pas heureuses dans le commerce du sexe ne sont tout simplement pas assez fortes au plan mental pour tolérer cette vie.

Je trouve cela vraiment insultant et profondément blessant. Il me suffit que quelqu’un pense cela pour que je me mette à leur crier après à tue-tête !

Les femmes vivant à l’intérieur de la violence quotidienne et de la haine que l’on désigne comme la prostitution sont probablement les femmes les plus fortes que je connaisse.

Après tout, la plupart des femmes prostituées sont brutalement violées et sexuellement torturées par des centaines sinon des milliers de prostitueurs et de profiteurs de l’industrie du sexe.

Après tout, la plupart des femmes prostituées vivent comme leur ombre avec la menace réelle d’être assassinée.

Après tout, beaucoup de prostituées sont forcées à tourner de la porno dure.

Après tout, vous devez disposer d’une force mentale extrême pour survivre dans un monde qui vous réduit à une chose sans valeur, qui fait de vous une ordure jetable.

Comment des gens osent-ils ne pas voir la force massive de la classe prostituée, et traiter ces femmes de faibles ou de malades mentales !

Envoyez ces gens passer six semaines dans l’enfer de la prostituée typique, pour voir quelle santé mentale ils conserveront.

Il y a le mythe : si c’était si terrible, pourquoi n’a-t-elle pas quitté le milieu dès son premier viol ou la première fois qu’on l’a frappée. Car la vie est aussi simple que cela.

C’est ignorer que la grande majorité des prostituées se considèrent sans valeur, croyant souvent mériter n’importe quelle violence qui leur est infligée.

C’est ignorer les véritables menaces et violences exercées par les prostitueurs et les profiteurs du commerce de l’industrie du sexe contre toute prostituée qui ose s’exposer en leur tenant tête.

C’est ignorer que la plupart des femmes prostituées ont subi tellement de violence sexuelle, mentale et physique avant d’entrer dans le commerce du sexe, qu’elles pensent que c’est leur rôle et qu’au moins elles y reçoivent des biens ou de l’argent.

C’est ignorer que la prostitution est une situation de mort vivante, alors les images de fuite ne pèsent pas lourd quand vous pensez que vous serez morte à tout moment.

Ce mythe va de pair avec le mythe que toute violence est la faute de la femme prostituée – parce qu’elle ne s’est jamais rebellée, ne s’est jamais suffisamment défendue.

La « putain » toute-puissante et vengeresse tabassant proxénètes et prostitueurs n’est souvent qu’un fantasme pornographique de plus. Et en tant que fantasme, il n’a rien à voir avec la terreur sordide de la prostitution véritable.

La plupart des femmes prostituées ne sont pas en mesure de se défendre, parce que la plupart des violences qui leur sont faites sont si rapides et si terrifiantes que le simple fait de leur survivre tient souvent du miracle.

Et il est terriblement difficile de vous défendre quand vous avez été endoctrinée à croire que vous n’avez aucune valeur.

Il est difficile de vous défendre quand on vous dit et vous répète sans arrêt que votre seul rôle dans la vie est celui de jouet sexuel pour tout homme qui vous achète.

Il est difficile de se défendre quand on est devenue une des mortes vivantes.

Le dernier de ces mythes – et le plus ridicule – est que la prostitution doit exister, sinon les hommes vont mourir ou être forcés de violer de « vraies » femmes, en l’absence d’un approvisionnement constant de la classe prostituée.

Eh bien, personnellement je pense que les hommes sont meilleurs et plus forts que cela.

Aucun homme ne mourra de ne pas avoir accès à des personnes prostituées, non, sa queue ne tombera pas s’il est incapable d’acheter du sexe.

Aucun homme ne peut utiliser l’excuse pathétique qu’il lui faudra violer n’importe quelle femme s’il n’a pas le droit de payer pour déverser cette haine sexuelle sur la prostituée.

Êtes-vous réellement en train d’affirmer qu’il est acceptable de violer et de torturer sexuellement les gens de la classe prostituée, sous prétexte que ces personnes sont à ce point des sous-humaines qu’elles ne ressentent aucune douleur, aucune terreur et que, de toute évidence, leurs blessures internes et externes sont simulées ? Est-ce là ce que vous dites ?

Parce que c’est ce qu’entendent dans votre bouche les femmes sorties de la prostitution.

Version originale en anglais.

Traduction : Martin Dufresne

Mis en ligne sur Sisyphe, le 4 janvier 2012



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Rebecca Mott, survivante et écrivaine

Je suis une écrivaine britannique, survivante d’abus sexuels dans l’enfance et de la prostitution. Une partie de la maltraitance que m’a infligée mon beau-père durant mon enfance a été la violence psychologique de me faire regarder de la pornographie hyperviolente. Combinées à la violence sexuelle qu’il m’infligeait, ces images me faisaient ressentir que je n’avais d’autre valeur que celle de servir d’objet sexuel à un homme et que le sexe était toujours associé à la violence et à la douleur. À 14 ans, je suis tombée dans la prostitution et elle était extrêmement sadique. Je ne m’en suis pas détournée pas car j’éprouvais trop de haine de moi-même pour y reconnaître de la violence et du viol - j’avais l’impression que c’était tout ce que je méritais. J’ai fait de la prostitution entre l’âge de 14 ans à 27 ans et, la majorité du temps, les hommes qui m’achetaient tenaient à m’infliger des rapports sexuels très sadiques. Je me suis habituée à des viols collectifs, du sexe oral et anal violent, et au fait de devoir jouer des scènes de porno dure - cela devint mon existence. J’ai failli être tuée à plusieurs reprises, et fait beaucoup de tentatives de suicide, mais j’ai survécu. Quand j’ai réussi à quitter le milieu, j’ai effacé durant 10 ans la plupart de mes expériences. Ce n’est qu’après avoir dépassé le souvenir des violences de mon beau-père que j’ai trouvé l’espace mental pour me souvenir. Se souvenir de la prostitution est terrible, et je souffre d’un lourd syndrome de stress post-traumatique (SSPT). J’ai créé mon blog pour explorer mon SSPT à titre de survivante à la prostitution, pour réclamer l’abolition du commerce du sexe et pour faire état des conditions terribles de la prostitution vécue à l’intérieur. J’essaie d’écrire de la prose poétique, mais je crois que mon travail est de nature politique.



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  • De nouveaux mythes dangereux entourant la prostitution
    (1/1) 12 janvier 2012 , par





  • De nouveaux mythes dangereux entourant la prostitution
    12 janvier 2012 , par   [retour au début des forums]

    Nieriez-vous le droit à chacun de disposer de son corps ? Nieriez-vous que chacun est l’unique décideur de ce qu’il veut faire pour lui ? Vous traitez les prostituées comme s’ils étaient des animaux dépourvus de jugement. Vous leur interdisez de disposer librement de leur jugement, et de leur corps. Quel mépris !

    Dans le principe du Droit, votre position est indéfendable. Vous confondez les rares cas d’esclavage avec le cas général qui autorise chacun de disposer de son corps.

    • De nouveaux mythes dangereux entourant la prostitution
      12 janvier 2012 , par
        [retour au début des forums]

      Le droit de disposer de leur corps, dites-vous. Et de rares cas d’esclavage... Si c’était si bien, la prostitution, pourquoi les Pays-Bas qui l’ont légalisée il y a 11 ans regretteraient-ils maintenant ? C’est votre discours sur la liberté de disposer de son corps comme d’un bien monnayable qui est une position indéfendable. On sait depuis longtemps que la majorité des prostituées ne sont pas libres et que de nombreuses parmi elles ont été enrôlées dans ce système d’exploitation à l’âge de 12, 13 ou 14 ans. Alors, pour la libre disposition de son corps, on repassera. En outre, l’auteure de cet article sait mieux que vous de quoi elle parle, elle a été longtemps dans la prostitution.

       Sur les Pays-Bas, lire ceci.

      [Répondre à ce message]


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