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vendredi 23 mars 2012

États-Unis - Scrutin et guerre politique contre les femmes

par Frédérick Gagnon, professeur de sciences politiques et directeur de l’Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM






Écrits d'Élaine Audet



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Au lendemain de la présidentielle américaine de 2008, les parcours d’Hillary Clinton et de Sarah Palin ont incité des auteures comme Rebecca Traister et Leslie Sanchez à écrire que ce scrutin « a tout changé » pour les femmes et leur a permis de faire « beaucoup de chemin » vers l’égalité. Malheureusement, on sait qu’elles avaient tort.

La présidentielle de 2008 a non seulement illustré la persistance de nombreux stéréotypes sexistes, mais elle a aussi été suivie d’un nouvel élan dans la guerre que la droite livre aux femmes depuis que la Cour suprême a consacré le droit à l’avortement en 1973. Mince consolation pour les Américaines : le scrutin de novembre pourrait être une reprise de l’élection « historique » du 3 novembre 1992.

Historique, vraiment ?

Ce soir-là, la victoire de Bill Clinton à la présidentielle coïncida avec l’élection de quatre nouvelles démocrates au Sénat (Barbara Boxer, Dianne Feinstein, Carol Moseley-Braun et Patty Murray). On parla alors d’une « année de la femme » (year of the woman), mais l’expression était exagérée, car 94 des 100 membres du Sénat étaient des hommes ! La sous-représentation féminine au sein des institutions politiques américaines était tout aussi évidente au lendemain du scrutin de 2008 : elles détenaient 18 % des sièges du Congrès (Chambre des représentants et Sénat) et seulement huit des cinquante postes de gouverneurs d’États (l’équivalent des premiers ministres provinciaux au Canada).

2008 a également illustré que les politiciennes luttent toujours contre une perception dénoncée par des féministes comme Susan Faludi : l’idée que les femmes devraient se camper dans leur rôle « acceptable » d’objet sexuel ou de mère/épouse/génitrice. Bill Maher, animateur de l’émission Real Time with Bill Maher sur le réseau de télévision HBO, avait notamment qualifié Sarah Palin de « MILF » (Mother I’d like to f*ck), acronyme désignant une femme sexuellement attirante âgée de 30 à 49 ans, possiblement mère.

Larry Flynt, propriétaire du magazine pornographique Hustler, avait produit un film pour adultes intitulé Qui baise Paylin ? (Who’s Nailin’ Paylin ?), dans lequel la gouverneure de l’Alaska était dépeinte comme une plantureuse dame aux moeurs dissolues qui n’hésite pas à s’adonner aux plaisirs de la chair avec Condoleezza Rice ! Hillary Clinton avait pour sa part été la cible d’électeurs la qualifiant de bitch ou lui suggérant de « repasser leur chemise » (iron my shirt).

Guerre contre les femmes

Les trois dernières années n’ont guère été plus roses pour les femmes. En février, pendant que les républicains tentaient de forcer Obama à exclure la contraception des soins pouvant être remboursés par les assureurs dans la cadre de la réforme de santé adoptée en 2010 (Obamacare), l’un des principaux contributeurs financiers de Rick Santorum, candidat républicain à la présidentielle de 2012, disait regretter l’époque où les femmes prévenaient les grossesses en se mettant de l’aspirine entre les jambes !

Le même mois, lors d’une audience publique organisée par les républicains de la Commission de la Chambre des représentants sur les réformes gouvernementales, seuls des hommes étaient invités à témoigner sur les subventions fédérales pour la contraception, dont un évêque catholique, un révérend luthérien et un rabbin y étant farouchement opposés. Quand les démocrates ont finalement invité une femme à participer aux discussions, l’animateur radio conservateur Rush Limbaugh l’a qualifiée de « traînée » (slut).

Au même moment, la guerre contre les femmes se poursuivait ailleurs au pays. Un législateur de la Georgie proposait de modifier les lois de l’État traitant de la question du viol pour que les femmes y soient décrites non pas comme des « victimes », mais comme des « accusatrices » (accusers). À Washington, des membres du Congrès voulaient permettre aux hôpitaux opposés à l’avortement de refuser d’offrir ce service aux femmes devant interrompre une grossesse pour sauver leur propre vie.

Au Texas, une loi appuyée par le gouverneur Rick Perry visait à obliger les patientes demandant un avortement à subir au préalable l’insertion d’une sonde dans leur vagin, pour capter des images du foetus (l’équivalent d’un « viol d’État » (state rape), selon plusieurs féministes, qui estiment que cette mesure vise également à décourager les femmes de demander une interruption de grossesse).

Retour des femmes de gauche ?

Alors que le scrutin de 2010 s’était soldé par l’élection de plusieurs conservatrices appuyées par Sarah Palin (Michele Bachmann, Nikki Haley, etc.), cette guerre contre les femmes aidera sans doute les candidates de gauche en novembre. À ce titre, l’organisation féministe Emily’s List a lancé une campagne visant à appuyer onze femmes démocrates à des élections au Sénat, dont Elizabeth Warren, qui tentera de vaincre le tea partier Scott Brown au Massachusetts, et Shelley Berkley, qui se mesure au républicain Dean Heller au Nevada. Si toutes ces femmes gagnent leurs courses, le caucus démocrate du Sénat comptera bientôt dix-sept femmes, dont cinq recrues, alors qu’elles n’étaient que cinq, dont quatre recrues, au lendemain de l’élection « historique » de 1992.

Barack Obama pourrait également profiter du jusqu’au-boutisme des conservateurs : un récent sondage illustre que son taux d’approbation a augmenté de 10 points auprès des femmes depuis le mois de décembre. Le virage à droite des républicains, exigé par le Tea Party au lendemain du scrutin de 2008, finira donc peut-être par se retourner contre eux. Il n’est effectivement pas simple de gagner une élection présidentielle sans courtiser une proportion importante de modérés (qui comptent pour 35 % de l’électorat) en plus des membres de votre parti. Plusieurs républicains le savent et appuient actuellement Mitt Romney, même s’ils ne le trouvent pas suffisamment conservateur. Les autres semblent préférer poursuivre la guerre contre les femmes plutôt que de reprendre la Maison-Blanche dès 2012.

 Article publié dans Le Devoir, le 17 mars 2012, et sur Sisyphe avec l’autorisation de l’auteur.

 Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM.

NOTA BENE

Le 22 mars prochain, l’Observatoire tient un colloque international intitulé « Élections américaines 2012 : en route vers le duel de novembre ».

Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 mars 2012



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Frédérick Gagnon, professeur de sciences politiques et directeur de l’Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM



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  • États-Unis - Scrutin et guerre politique contre les femmes
    (1/1) 24 mars 2012 , par





  • États-Unis - Scrutin et guerre politique contre les femmes
    24 mars 2012 , par   [retour au début des forums]

    Je suis avec attention le déroulement de la campagne électorale américaine. Le comportement suicidaire des Républicains est véritablement mystifiant : ils multiplient les mesures anti-femmes—Santorum remet même en question l’accès à la contraception—, et ils réussissent parfois à en faire passer dans certains états, en agissant subrepticement et quand les femmes ne se sont pas assez mobilisées.

    En fait, ils font tout ce qu’ils peuvent pour devenir un parti exclusivement réservé aux hommes blancs.

    Or les hommes blancs sont maintenant une minorité aux US ; c’est donc une stratégie perdante à terme : les femmes américaines sont, dans leur majorité, indignées et révoltées par ce backlash d’un patriarcat en perte de vitesse.

    Résultat de cette politique suicidaire : le "gender gap" (la différence entre vote féminin et masculin ) qui était que, en 2008, il y avait eu 8% de femmes de plus que d’hommes qui avaient voté en faveur d’Obama, serait, d’après de récents sondages, passé à + 20% de votes féminins de plus en faveur d’Obama.

    Rappel aux leaders masculins du GOP : on ne peut pas devenir président contre les femmes, et sans les femmes.
    Apparemment, ces leaders préfèrent donner libre cours au ressentiment que suscite chez eux le déclin de leurs privilèges patriarcaux et à leur haine des femmes plutôt que de gagner les élections.

    C’est un comportement imbécile, auto-destructeur, et un symptôme de la folie qui règne dans ce parti, depuis que les modérés en ont été exclus et que les extrémistes religieux y font la loi.


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