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mardi 12 juin 2012

Rio+20 - Les femmes dans la lutte contre la marchandisation de la nature et de la vie !

par la Marche mondiale des femmes






Écrits d'Élaine Audet



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THEMES ABORDES :

la Marche mondiale des femmes

Les femmes et les hommes du monde entier résistent au fait que la nature soit considérée comme un ensemble de ressources au service du bénéfice lucratif des entreprises, vues comme inépuisables ou comme simples marchandises dont le prix augmente à mesure qu’elles se raréfient en raison de leur mauvaise utilisation. Les femmes sont particulièrement actives dans ces luttes. L’expérience d’invisibilité et de dévalorisation de leur travail de soin aux personnes est très similaire à l’invisibilité et à la dévalorisation de la nature. Le temps et l’énergie des femmes dédiés à prendre soin des personnes, à préparer à manger, l’affection donnée, la disponibilité d’écoute ne sont pas visibles et sont extensibles. Les femmes sont les premières à se lever le matin et les dernières à se coucher le soir dans la plupart des familles.

Le temps et l’énergie des processus de régénération de la nature sont rendus invisibles et traités comme des obstacles à surmonter pour que la machine à consommer continue de tourner à plein régime. Les femmes subissent des pressions constantes pour s’ajuster à des logiques et des temps opposés, ceux de la vie et du profit, assumant ainsi les tensions qui en découlent. Leur travail est instrumentalisé pour détourner ou occulter les injustices provoquées par les institutions multilatérales, les gouvernements et les entreprises.

La société capitaliste et patriarcale est structurée selon une division sexuelle du travail, qui sépare le travail des hommes et celui des femmes et préconise que le travail des hommes a plus de valeur que celui des femmes. Le travail des hommes est associé à la production (ce qui se vend sur le marché) alors que celui des femmes est associé à la reproduction (la production d’êtres humains et des relations entre eux). Les représentations de ce qui est masculin et féminin sont duelles et hiérarchisées, tout comme l’association entre hommes et culture et femmes et nature.

La Marche Mondiale des Femmes lutte pour dépasser la division sexuelle du travail tout en promouvant le fait que le travail reproductif est la base de la vie humaine et des relations entre les personnes au sein de leur famille et dans la société. Nous pensons qu’il est possible d’établir (et dans certains cas de rétablir) une relation dynamique et harmonieuse entre les personnes et la nature, et que les femmes, dotées de leur très longue expérience, ont beaucoup à nous apprendre sur le sujet.

À Rio+20, faire avancer la lutte contre le capitalisme vert et affirmer les alternatives des femmes

Entre le 15 et le 23 juin de cette année 2012, le « Sommet des Peuples pour la Justice Sociale et Environnementale, contre la marchandisation de la vie et de la nature et pour la défense des biens communs » aura lieu au Parc du Flamengo (Aterro do Flamengo) à Rio de Janeiro, Brésil, parallèlement à la Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable, dite Rio+20. La réunion officielle fait référence aux vingt ans de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (Rio92 ou ECO 92).

Le sommet est un espace construit par la société civile globale pour proposer une nouvelle manière de vivre sur la planète, en solidarité, contre la marchandisation de la nature et en défense des biens communs. Tandis que l’agenda officiel de Rio+20 privilégie ce que l’on appelle l’économie verte, les mouvements et réseaux internationaux organisateurs du Sommet des Peuples - dont MMF fait partie– se positionnent contre ce nouvel habit du même modèle de production et de consommation capitalistes, responsable de la crise planétaire actuelle. Plus de 30 mille personnes sont attendues pour ces actions.

Un Comité facilitateur de la Société civile brésilienne (CFSC), intégré par les mouvements sociaux, les organisations non gouvernementales, les collectifs et réseaux, s’occupe de tous les détails (comme la méthodologie, la communication et la mobilisation). Le CFSC est coordonné par le “Groupe d’Articulation”, qui réunit de nombreux mouvements sociaux et réseaux nationaux comme la MMF, la CUT, la Via Campesina, le Réseau Brésilien d’Intégration des Peuples (Rebrip), les mouvements de jeunes et environnementaux. À partir des débats dans ces instances, nous sommes arrivés à l’architecture suivante pour les activités du Sommet :

 5 juin : journée d’action globale contre le capitalisme
 15 et 16 juin : activités autogérées (organisées par des réseaux et/ou coalitions)
 17 juin : Plénières de convergences pré-assemblée
 18 juin : activités autogérées et mobilisations (matin), Plénières de convergences pré-assemblée ( après-midi)
 19 juin : activités autogérées et mobilisations (matin), Assemblée des peuples /Causes structurelles et fausses solutions (après-midi)
 20 juin : Journée de mobilisation nationale/globale. Une grande manifestation à Rio de Janeiro et dans plusieurs villes brésiliennes pour exprimer la lutte des peuples contre la marchandisation de la nature et en défense des biens communs.
 21 juin : activités autogérées et mobilisations (matin), Assemblée des peuples – Nos solutions (après-midi)
 22 juin : Assemblées des peuples – Agenda de luttes et campagnes (matin) + Activité culturelle de clôture (après-midi)
 23 juin : Évaluation du sommet

À l’intérieur du sommet, avec d’autres mouvements sociaux qui partagent notre vision anticapitaliste, anti-patriarcale et anti-raciste, nous, femmes de la MMF nous mettons l’accent sur l’Assemblé Permanente des Peuples (APP), espace où, au moyen de témoignages et d’analyses, d’échanges et de solidarité, de mobilisation et d’actions concrètes, nous devons relever le défi de renforcer les luttes actuelles et de convoquer de nouvelles actions et de nouvelles initiatives, qui créeront de nouvelles plateformes d’unité. L’APP s’organisera autour de trois axes :
 les causes structurelles de l’actuelle crise de civilisation, sans la fragmenter en crises spécifiques – énergétique, financière, alimentaire, environnementale
 l’affirmation des pratiques de résistance et des nouveaux paradigmes et alternatives construits par les peuples
 l’agenda politique/calendrier des luttes pour la prochaine période

Un groupe de travail sur la méthodologie débat actuellement sur la meilleure forme d’organiser l’APP pour rendre visible et affirmer de nouveaux paradigmes.

La MMF dans les débats pour Rio+20 : résistance au capitalisme patriarcal et raciste

Nous sommes présentes dans cette construction comme partie d’un processus global de résistance au capitalisme, qui est patriarcal et raciste et qui, aujourd’hui, se propage chaque fois plus dans toutes les sphères de la vie. Notre participation au processus vers RIO+20 a pour objectifs de parvenir, avant même le sommet, à rendre visibles les luttes qui se mènent actuellement dans nos pays contre les fausses solutions et contre le capitalisme vert ET d’un point de vue féministe (antisystème et critique), à provoquer un débat ouvert pour démasquer les intentions des transnationales et des gouvernements en matière d’économie verte et sur les effets qu’elle a sur la vie des femmes et à faire connaître les propositions alternatives des femmes pour bien vivre et vivre ensemble, grâce à notre participation active avec nos alliés. Nous partons des débats et des actions organisés tout au long de notre histoire comme mouvement, et qui sont synthétisés dans nos champs d’action, en particulier dans celui de "Bien commun et services publics" (ici).

Nous positionnons le féminisme depuis le champ de la critique des fausses solutions à la crise environnementale et pour affirmer que le nouveau discours du capitalisme, qui aujourd’hui se traduit par les vocables "Économie verte", est le même modèle de marché qui marchandise notre vie, nos corps et nos territoires. Nous disons NON ! aux fausses solutions proposées par le marché et ses agents, comme les marchés carbones, les agro-combustibles, les mécanismes de REDD et REDD++ et la géo-ingénierie. Nous n’acceptons pas des « solutions » qui ne font que générer plus de commerce et qui ne changent pas le modèle de production, de consommation et de reproduction sociale. Mais également pour affirmer que les alternatives construites et proposées à partir des peuples doivent intégrer une dimension génératrice d’égalité, en insistant sur le fait que, pour que celles-ci soient des alternatives globales véritables, elles doivent envisager l’égalité entre hommes et femmes, le droit des femmes à une vie sans violences et la juste répartition du travail domestique et des soins, entre les hommes et les femmes. Nous ne partons pas de rien, mais des connaissances accumulées dans le cadre de l’économie féministe qui veut relever le défi de la durabilité de la vie humaine.

Ce débat de critique du capitalisme et du développement d’alternatives ne se réalise pas dans le cadre institutionnel de l’ONU ou de ses espaces de dialogues avec la société civile qui, bien des fois, est réduit à l’addition de clauses de genre dans les traités, dans la même logique que celle des négociations à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Nous croyons qu’un tel débat sur les alternatives ne peut avancer qu’avec un grand travail de prise de conscience auprès des femmes et dans des espaces d’alliance avec d’autres mouvements sociaux qui luttent également contre le système capitaliste, patriarcal et raciste. Nous avons été présentes dans cette perspective dans plusieurs espaces des peuples parallèles aux sommets officiels comme la COP (Conférences de parties) de la Convention sur le Changement Climatique de l’ONU organisés à Bali (2008), Copenhague (2009), Cancún (2010) et Durban (2011). Nous participons en outre à des processus construits conjointement avec les peuples, en particulier, le Sommet des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre Mère (Cochabamba, Bolivie, 2010) et le Forum Social Thématique « Crise du Capitalisme, justice environnementale et sociale » (Porto Alegre, Brésil, Janvier 2012).

Actions déjà prévues par la MMF

Dans tous les évènements internationaux auxquels nous participons en tant que MMF (Forums sociaux mondiaux, autres sommets), nous construisons notre stratégie d’intervention en coordination avec la dynamique et l’orientation de la CN (Coordination nationale) qui accueille l’évènement. C’est ainsi qu’en plus de notre participation au Groupe de coordination, la CN-Brésil approfondit la discussion sur le sommet RIO+20 et le Sommet des peuples avec sa base, dans le cadre d’activités nationales de formation et des débats lors des réunions de la coordination nationale.

Nous coordonnons notre participation aux activités et mobilisations avec les mouvements sociaux alliés (Via Campesina, Amis de la Terre, etc). Pendant le Sommet, nous envisageons d’avoir les espaces suivants :

1. Camp de la MMF pour environ un millier de femmes : ce sera un espace de logement, organisation et échange, tant pour la délégation brésilienne que pour les délégations internationales de la MMF des autres pays qui viendront à Rio. Les comités de la MMF dans les États brésiliens organisent déjà des activités de formation, de mobilisation et de financement pour garantir la présence de leurs délégations

2. Participation aux débats organisés dans le cadre du Sommet : nous organisons nos activités de façon à mettre l’accent sur la construction des plénières de convergence et de l’Assemblée permanente des Peuples, de façon à garantir que la perspective féministe soit bien presente dans ces processus.

3. Mobilisations

Avec nos alliés, nous planifions de nombreuses actions de rue tous les jours du Sommet. Le travail est en cours pour donner de la visibilité à l’agenda féministe dans ces mobilisations. Par exemple, en ce qui concerne les luttes contre les entreprises minières (principalement la transnationale Vale), nous voulons dénoncer le fait que l’offensive du capital sur les territoires est aussi une offensive contre nos corps, le thème de la violence, de la prostitution.

Le 18 juin sera une journée de mobilisation des femmes, organisée par tous les mouvements de femmes du Brésil et les femmes des mouvements mixtes associés à la MMF, lors de laquelle nous voulons manifester fermement notre position féministe contre le capitalisme vert.

Sur le plan interne de la MMF, le Comité et le Secrétariat international ont créé un groupe de travail pour échanger les informations, élaborer les documents qui aident à la formation tournée vers l’action et l’action politique, obtenir une participation visible dans le sommet, évalué le suivi et coordonner l’action de nos militantes qui suivent le thème dans les différents pays.

Le 5 juin : Journée de Mobilisation Internationale

Conscientes de la nécessité de générer un processus plus ample de critique de l’économie verte, durant le Forum Social Thématique “Crise capitaliste, Justice sociale et environnementale”, réalisé à Porto Alegre (RS), Brésil, du 24 au 29 janvier 2012, l’Assemblée des Mouvements Sociaux a défini la construction d’une journée mondiale d’action commune le 5 juin, dans le but d’envoyer un message fort à chacun de nos gouvernements avant la conférence de l’ONU Rio+20. À cette date, qui coïncide avec la Journée Internationale de l’Environnement, nous allons mettre en évidence notre position contre les politiques qui sont au service des entreprises transnationales et qui impliquent la marchandisation de la nature, de nos vies et de nos corps et affirmer nos alternatives.

Comme partie de nos alliances, nous avons renforcé nos axes communs de lutte, décidés en 2011, à Dakar : contre les multinationales, pour la justice climatique et pour la souveraineté alimentaire, pour l’élimination des violences faites aux femmes, pour la paix et contre la guerre, le colonialisme, l’occupation et la militarisation de nos territoires.

Cliquer pour lire la déclaration de l’Assemblée des mouvements sociaux à Porto Alegre 2012.

De plus au Brésil, pendant les journées de Rio+20, nous préparons une mobilisation avec une importante présence nationale et internationale, le 20 juin.

Rio +20 : un regard sur le processus officiel

En janvier 2012, les Nations Unies ont lancé le brouillon 0 du document préparatoire des discussions officielles avec comme titre "Le futur que nous voulons". Le document pose beaucoup de problèmes : il présente l’économie verte et la participation du secteur privé comme la solution aux problèmes qu’eux-mêmes ont créés et continueront de créer ; il réaffirme le Round de Doha de l’OMC, la déclaration de Paris sur la coopération internationale et la COP-17, tous les accords qui renforcent l’intérêt des corporations.

Et, à la fin, il propose comme mesures concrètes l’établissement d’Objectifs de Développement Durable. Ceux qui suivent le thème de près attirent l’attention sur le fait que ceux-ci sont la répétition de ce qu’ont été les Objectifs du Millénium, des accords aux rabais qui mettent à la poubelle tous les accords du cycle de Conférences sociales des Nations Unies dans les années 1990.

Nous, de la MMF Brésil, nous n’avons jamais considéré réellement satisfaisants les résultats de ce cycle de conférences. Nous sommes très inquiètes de la signature d’accords largement acceptés qui jettent les bases de nouveaux négoces, comme par exemple l’Accord de Dublin et l’expansion postérieure de la privatisation de services d’eau.

Dans le processus officiel, il y a un "Major Group" de femmes. Elles ont présenté leurs contributions au brouillon 0 en novembre 2011. Dans ce document, il y a des considérations avec lesquelles nous sommes en partie d’accord, comme par exemple, la proposition de mesures concrètes pour la réduction rapide et l’élimination de substances toxiques dangereuses utilisées dans les pesticides et fertilisants ; l’élimination des subventions à des énergies non durables, comme le nucléaire et les sables bitumineux ; l’affirmation du principe de précaution ; la demande de protection des systèmes de connaissance traditionnelle des femmes indigènes vis-à-vis de leur appropriation et leur exploitation par les corporations. Le groupe est critique du terme "économie verte", et propose de le remplacer par "économie équitable et durable" et en décrit les principes.

De plus, il attire l’attention sur les limites du PIB comme mesure du bien-être et propose des indicateurs pour évaluer les impacts de genre.

Toutefois, toutes ces contributions n’apparaissent pas dans le brouillon 0 de l’ONU, qui ne fait qu’une référence générique à l’inégalité de genre, en mentionnant que le développement durable dépend de la contribution des femmes, qu’il est nécessaire d’effacer les barrières qui empêchent celles-ci de participer intégralement à l’économie et de prioriser des mesures qui promeuvent l’égalité de genre. Le brouillon incorpore également la nécessité de développer des indicateurs qui prennent en compte simultanément l’économique, l’environnemental et le social.

Nous considérons qu’une analyse réduite aux effets différenciés de genre ne peut se limiter à la description des impacts positifs et négatifs de manière fragmentée. Par exemple, à l’apogée de la globalisation néolibérale, l’augmentation du travail rémunéré des femmes dans les machines et l’agriculture d’exportation sont considérées comme des effets positifs : les femmes ont un revenu propre et en conséquence elles tendent à plus d’autonomie. Cependant, il y a également des impacts négatifs, essentiellement les conditions précaires de travail. Dans cette logique, les aspects positifs et négatifs s’équilibreraient. Mais nous, nous donnons priorité à un regard qui analyse comment le capitalisme se sert des structures patriarcales dans son processus actuel d’accumulation.

 Source : La Marche mondiale des femmes

 Plus d’info sur le Sommet : www.rio2012.org.br

Mis en ligne sur Sisyphe, le 6 juin 2012



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