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samedi 5 octobre 2013

Droit dans la nuit… À Marie Trintignant…

par Sabine Aussenac, écrivaine, poète et journaliste






Écrits d'Élaine Audet



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30 septembre 2020 : la mère de la petite Fiona reçoit les palmes académiques pour son travail en tant que professeur des écoles ; on se souvient que l’infanticide avait pourtant été victime de la vindicte populaire, après le meurtre de sa fille, en 2013.

30 septembre 2016 : le conducteur de train ayant causé la mort de plusieurs dizaines de passagers, en Espagne, devient directeur de la Renfe.

30 septembre 2008 : Marc Dutroux reçoit les clefs de l’internat mixte qu’il dirigera désormais à Liège. Certains journaux évoquent encore cependant l’affaire Julie et Mélissa, qui avait fait grand bruit peu d’années auparavant.

Je dis n’importe quoi ? Ah oui, vraiment ? Vous êtes sûrs ?

Pourtant, aujourd’hui, le 30 septembre 2013, un assassin sort un CD, et fait sa promo sur de multiples médias, encensé par une foule d’afficionados sourds, aveugles et insensibles.

Pourtant, aujourd’hui, le 30 septembre 2013, un meurtrier enchante les ondes de sa voix doucereuse, clamant « droit dans le soleil » sa vérité, sa liberté, sa soif de vivre.

Et j’entends au fil des ondes ceux qui se félicitent de ce retour en catimini de pacotille, puisque malgré un nouveau nom de groupe le chanteur explose et s’expose partout ; Anna Gavalda sur RTL, qui pense que ce retour « honore notre société », par exemple.

Madame Gavalda, non, je ne partage pas votre opinion. Elle est indécente, indigne, et manque totalement de compassion. Elle fait la part belle aux bourreaux, aux assassins d’enfants, aux maris violents, à tous ces bien-pensants qui toujours défendront le droit et la liberté aux dépens des victimes, de leurs proches, de leurs peines atroces.

Honorer Monsieur Cantat, c’est donner à nouveau le volant à celui qui, ivre, a fauché un groupe d’enfants qui riaient à la sortie de la classe.

Permettre à cet homme de chanter, mais surtout de vendre, de se vendre à nouveau, c’est permettre à un violeur de rôder à nouveau autour des forêts et des parkings.

Penser que laisser à l’art l’ultime liberté, même après un ou des crimes, fait partie des fondements du droit, cela revient à laisser se marier à nouveau un homme qui aurait battu à mort son épouse.

Car réfléchissez, Madame Gavalda : ce n’est pas simplement un homme ivre, drogué et malade qui a tué une femme, là-bas, si loin, à Vilnius. Non, c’est bien davantage. Aux confins de la Baltique, alors qu’il aurait dû couvrir d’ambre sa bien-aimée si talentueuse, c’est un chanteur, un artiste, qui depuis longtemps frôlait le borderline, expiant par son art les excès en tout genre, qui a assassiné une autre artiste, la merveilleuse comédienne Marie Trintignant.

C’était un double meurtre, car cet homme a tué une femme, une mère, mais aussi une artiste.

Alors le simple bon sens exige la décence. Certes, vous me dites qu’il a « payé », purgé sa peine, fait de la prison, mangé son pain noir. Dont acte. Et peut-être que les proches de Marie ont réussi, entre temps, à faire un travail de deuil, oubliant les douceurs de ce rire, la tendresse de cette peau, les caresses de cette voix, la finesse de cet esprit.

Mais la décence, le respect, Madame Gavalda, Monsieur Cantat, voudraient que la voix du chanteur demeure à présent confidentielle, et que ne s’expose cet indécent vague à l’âme dont vont se repaître les fans et les aveugles.

Aveuglés par le primat de l’art sur la vie, encensant un meurtrier, un compagnon violent, un chanteur aux excès funestes, oubliant que ce geste fatal, ce meurtre, sont le reflet et le symbole d’une terrible réalité, qui voit mourir des centaines de femmes par an, chez, nous, en France, et des millions de femmes, ailleurs dans le monde…

Écouter le nouveau disque de Monsieur Cantat, c’est cautionner la violence au sein du couple, c’est adhérer non pas aux valeurs d’une société « de droit », mais à celles d’une société malade, qui, dans le monde entier, et depuis les millénaires, tue, viole, exécute, dépèce, dénigre, humilie le deuxième sexe.

Et c’est faire la part belle à l’oubli.

Pour toi, Marie, ce texte écrit sous le coup d’une grande colère. Et pour vous, Nadine, Jean-Louis, tes parents.

Je le signe sans en renier aucun mot, car il n’est pas diffamatoire que de s’indigner d’un meurtrier qui, non content d’avoir bien vite recouvré la liberté, s’en va chanter sur les routes tandis que le cadavre de sa victime pourrit dans un caveau.

Et au moment où j’écris passe sur France 2 une émission dans laquelle témoignent des victimes, décentes, bouleversantes, passées, elles, à un fil de la mort. Osez donc, Monsieur Cantat, aller leur chanter que vous allez vers le soleil.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 septembre 2013



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Sabine Aussenac, écrivaine, poète et journaliste



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