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lundi 23 décembre 2013

Mutilations sexuelles hors d’Afrique : nouveau rapport, nouveau déni… excepté le cas irakien

par Mireille Vallette, journaliste indépendante






Écrits d'Élaine Audet



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Le nouveau rapport de l’UNICEF n’ose toujours pas aborder la question des mutilations sexuelles au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est… Excepté pour l’Irak que l’ONG Wadi a réussi à faire inclure. Interview.

L’UNICEF a compilé des données recueillies durant 20 ans dans 28 pays d’Afrique et au Yémen. Elle en fait la synthèse dans un rapport publié en juillet 2013 (1). Son constat majeur : dans de nombreux pays, une majorité de jeunes filles et de femmes qui ont subi des mutilations n’en voient pas le bénéfice et pensent que cette pratique devrait cesser. Elle se poursuit notamment parce que les mères imaginent que les autres femmes attendent d’elles qu’elles mutilent leurs filles. Comme elles n’en parlent jamais entre elles, elles ne savent pas que beaucoup d’autres femmes y sont opposées. De nombreux hommes sont aussi en faveur de la disparition de ce fléau.

Une étape-clé de l’élimination des MGF est donc, selon le rapport, de chercher à rendre visibles les attitudes qui favorisent l’abandon de ces pratiques. Le défi est de pousser les opposants à exprimer clairement leur opposition.

Le rapport prévoit malgré tout que quelque 30 millions de filles risquent d’être excisées durant la prochaine décennie. Ce nombre ne varie pas depuis des années. Et comme je l’ai démontré (2), il exploseraitsi l’UNICEF prenait en compte les pays du Moyen-Orient et d’Asie du Sud-Est. Le rapport n’en dit mot. Pourtant, une ONG qui a révélé le cas de l’Irak, fait campagne pour que l’ONU enquête au Moyen-Orient. 

L’Irak pris en compte

Pour la première fois, le rapport 2013 inclut aussi l’Irak. L’ONG irako-allemande Wadi a joué un rôle majeur dans cette reconnaissance. Elle a commencé ses activités dans le nord du pays en 1993 et constaté qu’une majorité de femmes de cette région étaient mutilées. Le parlement kurde a voté une loi malgré une pétition de 550 islamistes et mollah opposés au projet. Le problème diminue déjà. 
 

Fin d’un cours de formation de Wadi à Halabja. Ces femmes ont signé un document stipulant
qu’elles cesseront les excisions. Leur certificat leur permettra d’être nurses et assistantes de soins de base.



Pour autant que je sache, Wadi est la seule ONG qui conteste la focalisation de l’ONU sur l’Afrique. En 2012, elle a lancé une campagne intitulée « MGF-Aussi au Moyen-Orient » avec l’ONG néerlandaise Hivos. Elle possède des indices de mutilations à Oman, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite et au Koweit. Et considère bien sûr, que le problème est très grave en Indonésie et en Malaisie, comme je l’ai démontré dans un précédent article. Tous sont des pays musulmans.

Oliver Marc Piecha est chercheur à Wadi pour la campagne « MGF-Aussi au Moyen Orient » (3). Il répond à quelques questions.

Considérez-vous que le dernier rapport de l’UNICEF représente un grand pas en avant ?

J’ai critiqué ce rapport, mais en même temps, je dois dire que oui, c’est un grand pas. Je pense que si nous poussons un peu l’UNICEF, le prochain rapport inclura d’autres régions. Nous espérons qu’il comprendra l’Indonésie et d’autres pays asiatiques. Je pense vraiment qu’un débat intéressant commence. Si vous songez à la situation qui prévalait il y a dix ans, quand personne ne parlait des MGF au Moyen-Orient et que tout lien avec l’islam était nié, la situation présente commence à apparaître sous un jour très différent. La prochaine étape est de faire pression sur les organisations internationales pour entreprendre des enquêtes comparables, centrées sur différents pays du Moyen-Orient incluant aussi l’Iran.

Avez-vous eu des difficultés à faire reconnaître le problème en Irak ?

Au début, nos découvertes ont été mises en doute, il y avait une certaine hostilité.

Twtakal, Kurdistan. Le chef de ce petit village s’est impliqué.
Les excisions ont cessé. Il y a à peine deux ans, elles étaient systématiques.

 


Mais lorsque nous avons convaincu des parlementaires de mettre en œuvre une loi, beaucoup d’autres ont suivi. Le gouvernement du Kurdistan, d’abord hésitant, coopère bien. Un département consacré aux violences domestiques a été créé, la police est formée et, beaucoup plus important, le gouvernement signale aux TV privées que diffuser nos films anti-MGF est OK. Avec un gouvernement aussi clairement de notre côté, l’UNICEF ne pouvait pas ignorer ces mutilations. En 2011, pour la première fois, elle a inclus des questions à leur propos dans une enquête. Pour tous ces pays, il s’agit d’une bataille politique, mais je suis assez optimiste.

Est-ce que l’UNICEF possède des données sur d’autres pays que l’Afrique ?

L’UNICEF utilise sa propre méthode, MICS (Multiple Indicator Surveys, enquêtes à indicateurs multiples) qui inclut de nombreux sujets à propos de la situation des femmes et des enfants, entre 120 et 130 questions. Les MGF sont l’un des modules. Pourquoi l’UNICEF ne mentionne-t-elle pas d’autres pays du Moyen-Orient ou d’Asie dans ses rapports ? Parce qu’elle n’a jamais inclus le module des MGF dans ses enquêtes ! Si vous ne questionnez jamais sur ce sujet, vous n’aurez aucun problème officiel de mutilations. À l’inverse, depuis 20 ans, l’ONU inclut ce module en Afrique, elle a donc une foule de données et elle peut affirmer que le problème est concentré sur ce continent. En ce qui concerne l’Indonésie par exemple, l’ONU sait parfaitement que les MGF sont très répandues.

Pourquoi met-elle tant de temps avant de se pencher sur ces autres réalités ?

La réponse est complexe. L’ONU a livré une vérité depuis des années à propos de l’Afrique. Pensez seulement à tous ces gens qui ont travaillé dans ce champ depuis si longtemps ! Et tout à coup, elle devrait avouer que le fléau existe aussi ailleurs. Il y a un autre obstacle : pour en savoir plus sur les MGF, l’ONU devrait revoir sa méthodologie. Dans les pays du Moyen-Orient, la sexualité est un grand tabou. Par exemple, nous avons des preuves que des hommes ne savent simplement pas que leurs filles et même leur épouse sont mutilées. Vous ne pouvez poser des questions sur les MGF dans une région où personne n’est préparé à y répondre. Nous avons besoin d’enquêtes locales qui se focalisent spécifiquement sur cette question. Nous avons aussi besoin de débats, par exemple dans les médias. Nous-mêmes sommes en contact avec des activistes et d’autres acteurs locaux pour entamer ce processus.

À votre avis, quand l’UNICEF inclura-t-elle d’autres pays ?

Un nouveau round d’enquêtes MICS commencera en 2014. Dans les deux prochaines années, des données vont être collectées dans les Émirats arabes unis, Oman, et les Territoires palestiniens. Le module MGF sera-t-il inclus ? L’UNICEF nous a informés que ce sera le cas pour Oman. Mais qu’en est-il des autres ? Les médias et les ONG doivent faire pression ! Le temps du changement est arrivé. L’UNICEF ne peut ignorer plus longtemps le Moyen-Orient. C’est un long processus, mais une fois entamé, il ne pourra plus être stoppé.

Pour l’instant, selon la liste qui nous a été fournie par l’UNICEF, le nouveau round d’enquêtes n’inclut pas l’Arabie saoudite, ni l’Indonésie et la Malaisie.
Prochaine échéance : la journée de l’ONU le 6 février 2014 : « Mutilations, tolérance zéro » (4).

Notes

1. Unicef.org.
2. Sisyphe.org.
3. WADI.
4. Les Observateurs.

 English version

Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 décembre 2013



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Mireille Vallette, journaliste indépendante



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