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samedi 7 juin 2014

L’emprise des écrans sur les enfants : la résistance s’organise

par Jacques Brodeur, consultant en prévention de la violence






Écrits d'Élaine Audet



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Parents, enseignant-es, psychologues, pédopsychiatres, philosophes et citoyen-nes refusent a complaisance devant des industries qui utilisent les plus récentes découvertes scientifiques pour capter l’attention des enfants et en faire le commerce.

Les enfants face aux écrans : le point ! (1)

Le 30 avril dernier se tenait à Paris un colloque destiné à à étudier les conséquences de l’augmentation du temps passé devant les écrans, à définir en quoi consiste la maîtrise des écrans, à débattre des moyens de réduire le temps-écrans des enfants et des adolescents, à partager les acquis en cette matière et à imaginer les façons de les propager en France et en Europe. C’est l’école 40bis Manin qui était l’hôte du colloque, une école où les parents et le personnel avaient proposé la Semaine sans écrans, chaque année depuis 2009. Plus de 200 participant-es et une quinzaine de conférenciers et conférencières se sont donc penché-es sur ce qui est devenu un enjeu majeur de santé publique.

La conférence d’ouverture avait été confiée au philosophe Bernard Stiegler, fondateur d’Ars Industrialis (2) et co-auteur de Faut-il interdire les écrans aux enfants ? (3)

Il avait intitulé sa présentation « Le massacre des innocents ». Selon lui, les écrans auquels les jeunes consacrent la presque totalité de leur temps libre possèdent des pouvoirs à la fois toxiques et curatifs. L’exposition aux écrans, mi-poison mi-médicament, requiert donc obligatoirement des prescriptions thérapeutiques issues d’études approfondies et de larges débats publics. Pour le philosophe, la démission des décideurs équivaut à abandonner les enfants et leurs parents aux seuls intérêts du marché. Cette complaisance pourra, selon lui, conduire à des dommages de plus en plus catastrophiques, d’où l’urgence d’adopter des politiques de prévention audacieuses et collectives.

En France, les enfants passent plus de 3h/jour devant un écran. Que se passe-t-il dans un cerveau inexpérimenté exposé 1200 h/année à la télé, Internet, jeux vidéo, SMS, Facebook ? C’est pas mal plus que les 900 heures de fréquentation scolaire. Les parents ont bien raison de s’inquiéter. Les contenus violents utilisés pour les garder attachés à la télé ou aux jeux vidéo les désensibilise, des centaines d’études l’ont démontré. Plusieurs enfants deviennent dépendants. On sait pertinemment que les écrans freinent leur développement intellectuel et émotionnel et influencent leur négativement leur réussite scolaire. Les dessins animés regardés le matin avant de partir à l’école sont particulièrement nocifs. Le temps-écrans des jeunes pose désormais un problème de santé publique incontournable. Pour Bernard Stiegler, les écrans sont des amis peu recommandables pour nos enfants et requièrent une mobilisation massive de la société civile et des décideurs.

Conversations familiales : dépassées ?

Faut-il s’étonner que le temps consacré aux conversations familiales diminue ? Des chercheurs du Michigan ont évalué qu’il était passé de 1h12/semaine en 1981 à 34 minutes/semaine en 1997. La diminution du temps consacré par les parents à converser avec leurs enfants a fondu dans la plupart des régions du monde.

Et inévitablement, les dommages engendrés par la hausse du temps-écrans s’étendent : des milliers d’études ont démontré que ces dommages sont (hélas) réels, nombreux, variés et profonds. Force est de constater que lorsque les jeunes sont privés d’un entraînement à la maîtrise des écrans, ce sont les écrans qui deviennent leurs maîtres. Et les écrans, comme l’argent, sont de bien mauvais maîtres.

Rétrospective

Que s’est-il passé entre 1950 et 2010 ?

En revoyant l’histoire de la progression de l’emprise des écrans sur la vie des familles et de la jeunesse, on constate que, depuis l’arrivée de la télévision, l’attention des enfants a été captée par des chaînes de diffusion qui ont rivalisé entre elles pour augmenter leur auditoire-jeunesse, qu’elles ont appelé “leur part de marché”. C’est le volume de l’auditoire qui détermine le prix versé par les agences de marketing pour y avoir accès et annoncer les produits de leurs clientèles, notamment les producteurs d’aliments et de jouets. Les écrans qu’on avait accueilli dans nos foyers en croyant que nous étions leurs clients étaient, en fait, des outils au service des industries publicitaires pour inciter nos enfants à les regarder toujours plus souvent et plus longtemps. C’était donc pour augmenter le « temps de cerveau disponible » à vendre que les diffuseurs se sont arrogés le pouvoir de choisir les contenus qui vont divertir les enfants.

Le pouvoir de séduction : financement en hausse

Cette augmentation est le fruit d’investissements publicitaires accrus pour cibler les enfants. Aux États-Unis, ils sont passés de 100 millions$ en 1980 à 17 milliards$ en 2007. Une hausse énorme quand on la compare aux coupures en éducation. Puisque le nombre d’enfants attirés devant l’écran détermine le flux de revenus publicitaires des diffuseurs, le trio des diffuseurs-producteur-publicitaires a recours aux plus récentes découvertes en psychologie et en neurologie pour capter l’attention des enfants, à un âge de plus en plus précoce. La chaise Fisher-Price (4) donne une idée de l’appétit commercial pour capter l’attention du bébé naissant.

La question qui se pose aujourd’hui à la société et aux parents se précise : l’appétit des industries médiatiques et publicitaires mérite-t-il préséance sur la protection des jeunes contre les matériels qui nuisent à leur bien-être, tel que stipulé dans la Convention internationale des droits de l’enfant ? (5)

Devant l’impuissance des décideurs publics, des chercheurs ont eu l’idée d’expérimenter les effets de la réduction du temps-écrans.

La réduction du temps-écrans

En 2010, le Gouvernement des États-Unis mettait sur pied un comité interministériel avec le mandat de neutraliser la progression de la pandémie d’obésité en moins d’une génération. La Première Dame acceptait d’y jouer un rôle de premier plan en devant porte-parole de « Lets Move » (6), un programme consacrant un volet important à la réduction du temps-écrans.

En août 2013, le Japon annonçait la mise sur pied de camps de désintoxication numériques pour adolescents : on estimait le nombre de jeunes atteints à un demi-million (7). La Chine et la Corée du Sud annoncaient qu’ils allaient faire de même.

Quelques jours plus tard, l’Université Harvard ouvrait dans un centre hopitalier de Pennsylvanie des cures de désintoxication moyennant 14 000$ pour une thérapie de dix jours (8).

Pour une portion croissante de nos concitoyens et concitoyennes, les nouvelles technologies sont faussement libératrices. C’est parce que le pouvoir de séduction des écrans conduit autant de personnes à se déconnecter de la réalité que les décideurs publics se voient dans l’obligation d’imaginer des mesures pour atténuer les impacts de cette déconnexion sur la santé.

Les dommages sont particulièrement dramatiques chez les enfants et les adolescents qui finissent par se percevoir plus comme des consommateurs et moins comme des citoyens, perception qui entraînera des conséquences négatives sur le déficit démocratique.

Réduire le temps-écrans des jeunes : possible ou illusoire ?

Lorsqu’on propose de réduire le temps-écrans des enfants, la plupart des parents jugent l’objectif louable mais irréaliste. Leur intérêt renaît lorsqu’ils apprennent qu’au cours des 12 dernières années, on a mis au point des modes de reconnexion des enfants avec la réalité qui produisent des résultats formidables. Après une décennie d’ajustements, la déconnexion des écrans peut maintenant atteindre des taux de participation qui dépassent 95%. Au moment d’écrire ces lignes, plus de 191 établissements éducatifs ont proposé aux élèves le Défi sans écrans. On verra dans un article à venir comment la réduction du temps-écrans est devenue possible et quels bienfaits elle a produits.

Notes

1. Colloque « Les enfants face aux écrans : le point ! », Paris, 30 avril 2014.
2. Ars Industrialis.
3. « Faut-il interdire les écrans aux enfants ? »
4. Fisher-Price, La chaise App-tivity avec écran.
5. Convention relative aux Droits de l’enfant.
6. « Lets Move ».
7. Camps de désintoxication numérique pour adolescents japonais.
8.
Pennsylvanie, cures de désintoxication.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 juin 2014



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Jacques Brodeur, consultant en prévention de la violence
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