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mercredi 4 février 2015

Le blasphème, c’est sacré !
La liberté d’expression n’a de sens que dans la controverse

par Léon Ouaknine






Écrits d'Élaine Audet



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La manifestation du 11 janvier à Paris était digne d’une caricature de Charlie Hebdo. Elle vit les chefs d’États du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite ou leurs émissaires marcher côte-à-côte avec leurs homologues occidentaux en faveur de la liberté d’expression. Quelle farce ! Mais cette triste collusion des tenants d’une religion liberticide avec les héraults de la liberté nous force à rappeler succinctement ce qu’est la liberté d’expression.

La liberté d’expression, ce n’est pas la liberté de redire ce sur quoi tout le monde est d’accord. Où est l’intérêt à le faire, où est le courage, où est la liberté dans ce cas ? Un musulman clamant tout haut à la Mecque que le coran est un livre merveilleux ne sera pas condamné à mille coups de fouet, mais s’il exprime un doute sur sa prétendue origine divine, malheur à lui.

La liberté d’expression n’a de sens que dans la controverse, les évènements le prouvent. En France, les cadavres étaient encore chauds que François Hollande et l’ineffable Dalil Boubaker s’empressaient de déclarer que les assassins n’avaient rien à voir avec l’islam, que cette religion était une religion de paix. Idem avec Georges Bush (attentat des Twin Towers 2001), Tony Blair (attentat dans le métro de Londres), José Maria Aznar (gare centrale de Madrid), Jacques Chirac, etc. à de nombreuses reprises. Ces leaders ont le droit d’exprimer leur opinion bien qu’ils mentent délibérément en déclarant que, puisque l’immense majorité des musulmans en Occident n’a pas de sang sur les mains, c’est donc la preuve que l’islam est une religion de paix. Ou bien, soyons charitables, pensent-ils poser un geste performatif – le simple fait de dire une chose la rend réelle, comme lorsque un officier d’état civil dans le cadre de ses fonctions déclare deux personnes unies par le mariage.

Certes la majorité des musulmans n’ont rien à voir avec les assassinats, mais les assassinats ont tout à voir avec l’islam. La liberté d’expression, ici, consiste à contredire les mensonges officiels, tant de nos gouvernants que des dirigeants musulmans.

La liberté d’expression part d’un principe simple : aucun tabou qu’il soit religieux, politique, idéologique, social, artistique, scientifique ou moral, bref aucune idée ne peut prétendre être à l’abri du pouvoir inquisiteur de la raison ou tout simplement de l’opinion, informée ou non, de tout être humain. La seule limite est la diffamation d’individu ou l’appel à la haine à l’encontre de groupes précis de personnes. En démocratie depuis les Lumières, il ne peut exister de dépôt sacré, c’est-à-dire interdit d’examen. C’est pourquoi, je suis contre les lois mémorielles sur la Shoah. La vérité ne se légifère pas !

La liberté d’expression, jamais un état naturel dans aucune société humaine, ne fut acquise en Occident au cours des siècles qu’à la suite de batailles souvent sanglantes et de révolutions. Son statut demeure précaire aujourd’hui comme hier, toujours menacé même dans nos démocraties, même aux États-Unis où elle jouit de la plus haute protection constitutionnelle. Mais voilà, la liberté d’expression peut être limitée au nom de l’intérêt public. Tous les États démocratiques se sont servis à un moment ou un autre de leur histoire de cette échappatoire pour bloquer la libre diffusion d’informations qu’ils voulaient garder secrètes, empêchant du coup le libre examen démocratique.

Par essence, aucun pouvoir, du plus simple au plus absolu, pouvoir familial, pouvoir religieux, pouvoir politique, n’aime réellement la liberté d’expression car celle-ci introduit une autre parole que la sienne, nécessairement contestataire, car sinon elle ne relèverait pas de la liberté mais serait soit un simple écho, soit de la flagornerie. Historiquement, les pouvoirs politique et religieux, revendiquant le monopole de la force militaire et celui des injonctions célestes (l’alliance du sabre et du goupillon), ont violemment réprimé cette force plus subtile mais étonnamment efficace, la parole libre. Lorsqu’une parole divergente s’exprime, le pouvoir est forcé de se justifier, les idées de changer, les mœurs d’évoluer, la morale de se transformer. Mais ce n’est jamais facile.

En France, pays de la liberté, un ministre de l’éducation nationale eut l’audace de tancer le professeur de philosophie Redeker, pour avoir publié dans Le Figaro un article sur la nature violente de l’islam, l’accusant « d’irresponsabilité » parce que son opinion dérangeait les fous d’Allah et qu’il devait dès lors être sous protection policière continue.

Un autre ministre Laurent Fabius eut l’outrecuidance d’accuser Charlie Hebdo de mettre de l’huile sur le feu par ses caricatures, oubliant qu’un des fondements de la République n’était autre que le droit inaliénable de tout citoyen et de toute citoyenne de dire crument ou pas ce qu’il ou elle pense. Mais, c’est un fait, les pouvoirs en place, politique ou religieux, attendent de tous et chacun une parole « responsable » dans l’arène publique, une parole qui ne dérange pas. Quel oxymore, car que signifie une parole « responsable » si elle ne remet pas en question, au besoin brutalement, la doxa du moment, si elle ne conteste pas par exemple les fondements coraniques meurtriers des pratiques de l’islam, dont la virulence ne s’est pas atténuée a contrario des pratiques du judaïsme et du christianisme. Il n’y a pas de liberté d’expression sans le pouvoir d’offenser, sans le pouvoir de blasphémer. Tous ceux qui contestent cette nécessaire « irresponsabilité » sont en fait objectivement des ennemis de la liberté d’expression.

Nos droits et libertés dépendent de notre liberté d’être informé et celle-ci dépend à chaque époque du courage de quelques individus risquant leur vie et leur réputation pour informer et démentir au besoin les discours officiels, l’opinion commune ou les vaches sacrées du politiquement correct, le cancer de nos démocraties. On pourrait même avancer que la liberté d’expression est la condition de toutes les autres et que, sans elle, la déclaration universelle des droits et libertés ne serait que virtuelle.

Le droit au blasphème

La liberté d’expression, qui inclut le droit de blasphémer est un acquis merveilleux des Lumières et personne ne songe vraiment à la museler, sauf les leaders musulmans partout dans le monde. Le délit de blasphème n’existe plus en droit depuis belle lurette, les seuls qui redemandent année après année à l’ONU sa criminalisation, sont, quelle surprise, les 57 pays musulmans de l’OCI. Pourquoi une telle dissonance de la part non seulement des pays de mouvance islamique mais aussi d’une très large fraction des musulmans dans nos pays vis-à-vis d’un droit ancré dans nos traditions ? Comment expliquer l’intensité de la rage musulmane face aux caricatures et plus généralement face au blasphème ?

Ici, pour faire simple, rappelons deux vérités élémentaires. La première est qu’il n’y a pas de société sans mouvements, sans contradictions, sans conflits. Pour continuer d’exister les sociétés ont besoin de repères fixes, des choses qui ne bougent pas, des certitudes absolues qui ne seront jamais remises en question, ce sera le rôle du sacré, essentiellement religieux mais pas seulement, ainsi en est-il de la sacralité d’une mère. Le sacré est la garantie d’un ordre immuable, à l’épreuve du temps et de toutes les vicissitudes de l’existence, à partir duquel on ordonne et réglemente la vie. La deuxième vérité, autre itération de la première, est que la psyché humaine ne peut exister sans structures. Lorsque celles-ci disparaissent, nous sommes déboussolés, apeurés.

Pour donner un exemple simple, lorsqu’on est sur un balcon au 20ème étage d’un immeuble, on peut se tenir à 5 cm du vide sans appréhension, parce qu’on voit la balustrade. Enlever la balustrade sans modifier votre position et la plupart d’entre nous serons saisis d’un sentiment irrépressible de panique face au vide. Notre psychisme est ainsi fait, on a besoin de balustrades, d’encadrement, de structures visibles et de structures invisibles (inconscientes) qui nous rassurent face au chaos, aux dilemmes du présent, aux imprédictibilités de l’avenir, incluant pour les esprits les plus inquiets, des garanties sur l’au-delà spirituel. Ces structures maintiennent l’intégrité du psychisme en faisant sens du monde. Mais ces structures, qui se forgent durant l’enfance, reposent dans les sociétés traditionnelles presque toutes sur des énoncés sacrés, donc interdits d’examen. L’identité se construit ainsi en grande part sur le religieux.

En Occident, la religion demeure toujours chez beaucoup une dimension de l’identité mais elle n’est plus son cœur vital depuis que l’usage de l’esprit critique a réduit l’influence des traditions. Par contre, pour l’immense majorité des musulmans, la religion - et notamment la figure de Mahomet comme messager de l’absolu - demeure un impensé catégorique, car le doute est spécifiquement interdit par les textes. Attaquer Mahomet, c’est comme arracher la balustrade du balcon lorsque vous êtes au 20ème étage. Toute critique de la religion musulmane est dès lors perçue comme un coup de poignard, une négation de ce qui fonde l’identité et même l’être du musulman, d’où une rage incontrôlable et folle, de surcroît antisémite sans complexe.

Mais doit-on toujours excuser un comportement meurtrier, en le qualifiant de dérangement mental d’individus, alors que sa logique est si évidente, alors que ses effets de sidération des esprits sont manifestes ? Sommes-nous responsables de l’incapacité de l’islam à se réformer, à accepter enfin le droit de tout individu à s’exprimer librement ? L’erreur mortelle de l’Occident est de chercher l’apaisement sous prétexte que toute défense de soi pourrait être perçue comme islamophobe. Quelle folie.

Peut-être est-il temps de prendre acte qu’un ennemi aux ambitions messianiques veut vraiment nous dicter sa loi. « Si vis pacem, para bellum », Manuel Valls, le premier ministre français n’a pas dit autre chose dans son dernier discours.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 février 2015



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Léon Ouaknine

Léon Ouaknine est diplômé en administration publique et a une scolarité de doctorat en science politique. Après avoir dirigé des organisations de la communauté juive, Léon Ouaknine a œuvré dans les réseaux de la santé et des services sociaux comme directeur général de CSS, CLSC et Institut universitaire pendant 22 ans ; à ce titre, il a créé un important centre de recherche universitaire sur le vieillissement. Il a ensuite travaillé pendant 5 ans comme « principal » du consulting santé de la firme Ernst & Young pour la France. Parallèlement à ses activités de consultant en administration de la santé, il dirige le « Qualité en Santé » à la faculté de médecine de Kremlin-Bicêtre de l’Université Paris-Sud en France de 2000 à 2005. En 1994, il a obtenu le prix d’excellence en leadership et management de l’Association des Directeurs Généraux de Santé et de Services Sociaux du Québec.



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