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jeudi 23 octobre 2014

Prostitution - Les luttes féministes à l’origine du "modèle nordique" : un exemple pour le Canada

par Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme






Écrits d'Élaine Audet



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THEMES ABORDES :

modèle nordique

prostitution
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Le 12 octobre, marchons avec Rosen pour l’abolition de l’esclavage sexuel !


Préface au livre Elles ont fait reculer l’industrie du sexe ! Le modèle nordique, chez M éditeur, 2014.

Depuis quelques années, de nouvelles expressions ont fait leur entrée dans la discussion entourant la prostitution au Québec : « modèle suédois » et « modèle nordique ». C’est bon signe. Les pays scandinaves sont connus pour leurs politiques progressistes, et la notion d’égalité femmes-hommes apparaît ancrée dans leurs moeurs. C’est au nom de cette égalité entre les sexes que la Suède est devenue une pionnière en 1999 en interdisant l’achat de services sexuels, car aux yeux du législateur, la prostitution est une violence faite aux femmes.

Ce modèle a ceci d’unique qu’il pénalise les clients plutôt que les personnes – surtout des femmes – qui vendent des services sexuels. On estime que le nombre de personnes prostituées a diminué au moins d’un tiers dans les rues des grandes villes suédoises. Surtout, les mentalités ont évolué puisque les deux tiers des Suédois croient qu’il n’est plus acceptable d’acheter des services sexuels.

D’autres pays scandinaves – notamment la Norvège, l’Islande et la Finlande – ont emboîté le pas en adoptant cette approche dite abolitionniste. Le livre Elles ont fait reculer l’industrie du sexe !, dirigé par Trine Rogg Korsvik et Ane Stø, ne prétend pas à l’objectivité. Il s’agit d’un recueil de points de vue de militantes féministes résolument abolitionnistes.

Ce qui fait l’intérêt de cet ouvrage collectif, c’est qu’il nous plonge au coeur des luttes qui ont secoué les pays scandinaves. Là-bas comme ici, le point de vue légitimant la prostitution comme un choix éclairé et un travail comme un autre a des appuis importants parmi les féministes et les groupes de pression. Là-bas, l’approche abolitionniste n’allait donc pas de soi ; elle est le résultat de combats intenses dans le mouvement des femmes et dans les partis politiques. Alors qu’en Suède, la loi interdisant l’achat de services sexuels fait partie d’un arsenal de mesures pour contrer la violence des hommes envers les femmes, au Danemark, le libéralisme sexuel et les groupes de pression favorables au travail du sexe ont contribué à maintenir le statu quo.

Plusieurs réalités sont donc présentées dans ce livre. Parmi celles-ci, la fascinante histoire du district de Tana, dans le nord de la Norvège, à la frontière de la Russie. Dans les années 1990, un bordel a été installé
dans un camping, la prostitution s’est répandue, le regard des hommes sur les femmes a changé. Marie Smuk Solbakk raconte qu’en dépit des menaces et de la propagation de fausses rumeurs, il a fallu dix ans de luttes citoyennes, dix ans de militantisme pour gagner la bataille contre les proxénètes. Ces manifestations ont préparé le terrain pour un débat national sur la prostitution en Norvège et l’adoption d’une loi abolitionniste en 2006.

Ces luttes illustrent l’importance de ne pas baisser les bras devant cette forme d’exploitation qui est décrite par les adeptes du statu quo comme « le plus vieux métier du monde ». Un cliché qui, en plus, est faux, puisque dans la préhistoire, les hommes ont sans aucun doute chassé et pêché pour nourrir leur communauté, bien avant de payer pour des services sexuels.

Ce débat est brûlant d’actualité au Canada, où le gouvernement fédéral s’apprête à légiférer* pour encadrer différemment la prostitution, après l’invalidation par la Cour suprême en 2013 de trois articles du Code criminel interdisant le proxénétisme, la communication (sollicitation) et la tenue d’une maison de débauche.

Ce jugement retentissant était la dernière d’une série de décisions juridiques, basées sur le droit à la sécurité des personnes prostituées, garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. Mais pendant que les juges protègent les droits individuels, que fait-on de la dignité humaine et du droit à l’égalité entre les sexes ? « La Cour ne s’est pas occupée du problème de fond, du problème de la violence, ce qui pousse finalement les femmes dans la prostitution. On fait comme si c’était strictement une question de choix individuel (1). »

Dans l’avis publié en mai 2012, La prostitution : il est temps d’agir, le Conseil du statut de la femme écrit qu’il est urgent d’agir pour contrer la prostitution et formule les recommandations suivantes : freiner la demande pour des services sexuels en organisant une vaste campagne de sensibilisation auprès des clients, afin que le recours aux personnes prostituées ne soit plus considéré comme un acte banal et sans conséquence ; pénaliser les clients et les proxénètes, mais décriminaliser les personnes prostituées ; mettre en place des services spécialisés pour aider véritablement les personnes prostituées et les victimes de la traite qui le veulent à quitter ce milieu.

Bien que certaines femmes puissent tirer profit de ce commerce lucratif et affirment en faire le choix (5 à 20%), tous les faits démontrent qu’une grande majorité des femmes se retrouvent dans des situations de violence qu’elles n’ont pas choisies, et dont elles peuvent difficilement se libérer sans aide extérieure.

Le Conseil estime que le rôle de l’État est de veiller à la protection des membres les plus vulnérables de la société, d’autant plus que la prévention de l’exploitation sexuelle fait partie du plan d’action du gouvernement du Québec pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

Le Conseil du statut de la femme du Québec espère que le Canada s’engagera dans la voie tracée par la Suède*. Ce modèle n’est certes pas parfait, mais c’est le seul qui a le potentiel de faire diminuer la demande des clients pour cette forme d’exploitation humaine et d’ancrer dans les esprits le fait que le corps des femmes n’est pas une marchandise.

* NDLR - Depuis la publication du livre, la Chambre des Communes à Ottawa a adopté la loi C36 qui pénalise les clients et décriminalise les personnes prostituées. Cette est à l’étude au Sénat.

. Préface de Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme du Québec. Le titre donné ici à ce texte est de Sisyphe.

Note

1. Une survivante de la prostitution, dans Conseil du statut de la femme, Avis – La prostitution : il est temps d’agir, Québec, mai 2012, p. 58.

Elles ont fait reculer l’industrie du sexe ! Le modèle nordique, sous la direction de Trine Rogg Korsvik et Ane Stø. Préface de Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme du Québec – postface de Claudine Legardinier. Plus d’information.

. En librairie : 8 octobre 2014. Prix : 18,95 $ ; 192 pages, format : 12,7 x 20,32 cm, ISBN : 978-2-924327-18-0. Collection : Mobilisations

Mis en ligne sur Sisyphe, le 20 octobre 2014



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Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme


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