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lundi 3 novembre 2014

Quelle grosseur de bâton est acceptable pour battre sa femme ?
La réduction des méfaits au 18e siècle en Angleterre

par Marie Savoie, collaboratrice de Sisyphe






Écrits d'Élaine Audet



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L’expression anglaise "rule of the thumb" (littéralement : "la règle du pouce") signifie de nos jours une règle empirique généralement admise qu’on peut appliquer dans la vie courante. Autrement dit, une ligne de conduite pragmatique dont on peut s’inspirer dans certaines situations. (1)

Cette expression tirerait son origine d’une règle de la common law anglaise qui avait cours jusqu’au 18e siècle en Angleterre : un homme avait le droit de frapper sa femme, pourvu que le diamètre du bâton qu’il utilisait ne soit pas plus gros que son pouce. (2)

Il s’agit du premier exemple connu de l’approche fondée sur la réduction des méfaits.

On peut penser que ceux (les femmes n’avaient certainement pas voix au chapitre) qui ont édicté cette règle étaient animés par de bonnes intentions.

N’était-il pas préférable de limiter la grosseur de l’instrument utilisé, pour épargner à la femme de pires souffrances ou des blessures plus graves ?

Après tout, devaient se dire les juristes anglais de l’époque, comme on ne pourrait jamais empêcher certains hommes de battre leur femme, aussi bien limiter les dégâts.

Pourquoi ce raisonnement d’apparence logique et cette règle qui avait pour but de protéger les femmes nous choquent-ils aujourd’hui ?

Parce qu’à présent, nous comprenons que réglementer une forme de violence, c’est la consacrer.

La société a évolué et ne trouve plus acceptable ni inévitable qu’un homme batte sa femme. Certes, la violence conjugale existe toujours, mais collectivement, nous la condamnons.

Et cette réprobation sociale s’exprime par une loi qui criminalise la violence conjugale.

La même logique devrait s’appliquer à la prostitution, de plus en plus reconnue comme une forme de violence. La légaliser ou la décriminaliser, sous prétexte qu’elle existera toujours, est une attitude défaitiste qui revient à la consacrer.

On ne balise pas une violence, on la combat.

Quoi qu’en disent les apologistes de la "libre" prostitution et les esprits naïfs qui prêtent foi à leurs arguments aussi fallacieux qu’intéressés, la prostitution est un marché entre hommes dans l’immense majorité des cas.

De nombreuses études ont montré que la majorité des femmes prostituées sont contrôlées par un homme auquel elles remettent la quasi-totalité de leurs gains.

La femme n’est pas la bénéficiaire de ce commerce, mais bien la marchandise échangée.

Elle n’est, somme toute, que l’instrument dont un homme se sert pour soutirer de l’argent à un autre homme.

Ces femmes sont doublement exploitées : par le client, qui viole leur intégrité physique [en "achetant" l’accès à leurs orifices corporels], et par le proxénète, qui leur prend l’argent ainsi obtenu. Elles subissent plusieurs types de violence : violence physique (pénétrations non désirées et brutalité), violence psychologique et violence économique.

Les partisans de la décriminalisation font valoir que, comme la prostitution existera toujours, il vaut mieux la réglementer pour en réduire les conséquences dommageables (par exemple, en exigeant le port du condom pour prévenir la transmission du sida). C’est exactement le raisonnement des juristes anglais du 18e siècle au sujet de la violence conjugale.

La décriminalisation de la prostitution, assortie ou non d’une supposée réduction de ses méfaits, fait la partie belle aux clients et aux proxénètes tout en renforçant le système prostitutionnel aux dépens des femmes qu’il broie. (3)

C’est ce qu’exprime le message-choc lu sur une pancarte lors d’une manifestation contre la prostitution : Legalize prostitution - Make the streets safe for pimps and johns. (4)

En matière de prostitution, il y a mieux à faire que d’abandonner à leur sort des femmes souvent marginalisées et maltraitées depuis l’enfance en consacrant le droit des hommes à les exploiter, pourvu qu’ils le fassent selon certaines règles.

Au 21e siècle, Il me semble qu’on peut réclamer une approche plus civilisée.
 
Notes

1. "A rule of thumb is a principle with broad application that is not intended to be strictly accurate or reliable for every situation. It is an easily learned and easily applied procedure for approximately calculating or recalling some value, or for making some determination." "Rule of tumb.
2. "In the 18th Century, English common law gave a man permission to discipline his wife and children with a stick or whip no wider than his thumb." ("Origins of Violence Against Women"). Cette étymologie est contestée de nos jours mais elle n’en est pas moins très connue dans le monde anglophone. (Voir ici)
3. "Vouloir aménager des droits aux prostitueurs (ceux de pouvoir acheter une violence) et affirmer l’existence d’une « prostitution choisie », c’est blanchir leurs délits et leurs crimes au nom du consentement de la victime." "Abolir le système prostitueur pour réaffirmer les droits humains"
4. (Traduction) "Légalisons la prostitution - rendons les rues plus sécuritaires pour les proxénètes et les clients."

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 novembre 2014



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Marie Savoie, collaboratrice de Sisyphe


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