Montréal, 1er mars 2016 – Suite aux propos de la ministre de la Condition féminine, Lise Thériault, à savoir qu’elle ne se considère pas féministe, le groupe des Treize, un collectif composé de 21 groupes et regroupements féministes qui œuvrent à l’échelle provinciale et régionale à la défense des droits des femmes, désire réagir.
Cet aveu s’accompagne, selon nous, d’une vision stéréotypée et péjorative du féminisme. En effet, la ministre dépeint le féminisme comme une lutte passée et préfère se dire « égalitaire », plutôt que féministe. Est-il utile de rappeler à Mme Thériault que le féminisme dans sa plus simple définition est « l’attitude de [celles] ceux qui souhaitent que les droits des femmes soient les mêmes que ceux des hommes » ? Il est inquiétant de penser que la ministre, responsable de la Condition féminine, possède une si grande méconnaissance du mouvement féministe et du rôle important qu’il a joué et qu’il continue de jouer aujourd’hui pour assurer l’égalité effective pour toutes les femmes. « Chaque femme a la liberté de se dire féministe ou non, cela va de soi. Toutefois, on s’attend à ce que la ministre de la Condition féminine reconnaisse les réalisations et les immenses pas que les femmes du Québec ont fait grâce et avec le mouvement des femmes », souligne Diane Matte, de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle.
Le mouvement féministe, un moteur de transformation sociale
Le mouvement féministe porte depuis des années des demandes collectives pour ouvrir le chemin à plus de femmes. Pensons aux luttes pour le droit à l’avortement libre et gratuit, pour contrer les violences envers les femmes, pour l’équité salariale et l’accès à des emplois bien rémunérés, pour contrer le sexisme ou le racisme présent dans les institutions et les lois ou pour obtenir un réseau de CPE universel, entre autres.
Le mouvement féministe que nous représentons est présent à travers tout le Québec, nous sommes des espaces d’engagement pour de nombreuses féministes, nous sommes des lieux d’accueil et d’écoute pour plusieurs d’entre elles, nous sommes des espaces d’organisation et d’action collective. Des lieux par et pour, où nous confrontons nos visions, nos idées et où nous agissons pour transformer la société. Nous sommes un mouvement actif et fort qui s’oppose aux mesures d’austérité qui produisent, reproduisent et créent des inégalités. Nous sommes derrière les campagnes #AgressionNonDénoncée et #OnVousCroit, nous sommes au cœur des enjeux, comme cela l’a été récemment lorsqu’il a été question d’exploitation sexuelle des adolescentes. Notre pertinence est largement démontrée.
Le féminisme pour le bénéfice de l’ensemble de la société
Au « Let’s go, vas-y » de la ministre Thériault, nous lui répondons « tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous serons en marche ». S’il est important de reconnaître que les mouvements féministes ont permis des avancées et que l’on retrouve des femmes dans des sphères de la société dont elles étaient auparavant exclues, il est essentiel de poursuivre notre action, puisque nous ne laisserons pas des femmes derrière. Nous n’acceptons pas une société qui propose l’égalité seulement pour certaines.
« L’action gouvernementale doit considérer la situation des femmes dans toute leur diversité et prendre en compte les inégalités vécues par ces dernières en fonction notamment de leur origine ethnique, de leur revenu, de leur scolarité, de leur âge, de leurs orientation et identité sexuelle, de leur limitation fonctionnelle et de leurs réalités régionales », ajoute Mélanie Sarazin, présidente de la Fédération des femmes du Québec
Le rôle du gouvernement est de mettre en place dans sa vision politique, économique et sociale, une vision dont l’objectif est d’éliminer les barrières systémiques qui empêchent la participation pleine et entière de toutes les femmes. Mettre quelques femmes dans des postes de commande, dire aux femmes « toi aussi, tu le peux » et rejeter du revers de la main les analyses féministes en prétendant que les politiques économiques sont neutres et technocratiques, ce n’est pas abattre des barrières. C’est être en faveur du statu quo, c’est laisser les inégalités se creuser, c’est nier les droits des femmes.
Nous invitons Madame la Ministre à nous rencontrer. Nous sommes disponibles pour lui expliquer comment le féminisme nous aide à comprendre les impacts néfastes des mesures d’austérité sur les femmes, comment les compressions imposées au Conseil du statut de la femme, aux groupes communautaires, aux programmes et aux services publics nuisent à l’atteinte de l’égalité. « Nous sommes des expertes pour reconnaître les discours haineux envers les femmes. Des modèles féministes qui nous inspirent, nous en avons plein la tête et nous en côtoyions au quotidien. Nous sommes disposées à l’inspirer dans son nouveau rôle de ministre de la Condition féminine », conclut Mme Sarazin.
Le Groupe des 13 formé en 1986, est une coalition de 21 groupes et regroupements qui œuvrent à l’échelle provinciale et régionale à la défense des droits des femmes, dans des domaines aussi variés que l’emploi, l’immigration, la santé, le handicap, l’hébergement des victimes de violence conjugale ainsi que des femmes violentées vivant de multiples problématiques sociales, le soutien aux femmes aux prises avec la prostitution, l’accès aux droits, la place des femmes en politique, la justice, etc. Agent actif de transformation sociale, le G13 constitue un lieu d’échange et a pour objectifs la circulation de l’information, le soutien aux membres et la prise de position commune.
Signataires :
Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale
Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES)
Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF)
Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT)
Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)
Fédération des femmes du Québec (FFQ)
Fédération des maisons d’hébergement pour femmes
L’R des centres de femmes du Québec
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
Regroupement québécois des CALACS (centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel)
Relais-femmes
Réseau des lesbiennes du Québec (RLQ) - Quebec Lesbian Network
Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec