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dimanche 19 juin 2016 Le double combat de Sakine Cansiz : abolition du patriarcat et autonomie du Kurdistan
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Sakine Cansiz est une combattante féministe laïque kurde connue pour son charisme, son courage, sa combativité, sa constance et son aura au sein de la communauté kurde. Son apport à la cause politique de l’autonomie du Kurdistan force le respect et lui ont valu d’être tour à tour emprisonnée, torturée, exilée puis assassinée en France par les services secrets turcs (MIT) dont l’implication ne fait nul doute. « Sara » est son nom de guerre car elle fut une figure emblématique de la résistance kurde contre la répression turque : elle avait un rôle de premier plan dans la lutte armée que lui conférait le statut de co-fondatrice à part entière du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui a été créé en 1978 par Sakine Cansiz et Abdullah Öcalan est une organisation assimilée à un mouvement de « guérilla » ou de « rebelles » revendiquant l’indépendance des territoires de la population kurde répartis entre la Turquie, la Syrie, l’Iran et l’Irak. Le combat de Sakine Cansiz fut double, en l’occurrence celui de la lutte féministe pour l’abolition du patriarcat et l’émergence d’une société égalitaire sans distinction de genre et respectueuse des droits humains ainsi que celui du mouvement séparatiste pour l’autonomie du Kurdistan réclamant une place dans le concert des nations. Sakine Cansiz est une figure de proue pour les femmes kurdes mais aussi pour tout un peuple. Elle a donc combattu toute sa vie durant, contre une double oppression – celle du système patriarcal ainsi que celle des états de la région refusant le droit à l’autodétermination aux kurdes. Dès sa jeunesse, elle s’est engagée dans la lutte armée pour la cause kurde sans jamais renoncer à son engagement pour l’émancipation des femmes et des filles que cela soit au sein de la famille, des institutions, de la société civile ou dans l’exercice du pouvoir. En effet, Sakine Cansiz a très tôt compris qu’il ne fallait surtout pas céder à la hiérarchisation des luttes et encore moins oublier de se battre pour sa propre survie dans ce système oppresseur qu’est le patriarcat, c’est pourquoi elle a pris le commandement de plusieurs unités militaires de défense féminine et de bataillons mixtes. Les femmes sont une classe de sexe qui doit se battre pour sa sécurité au sein même de sociétés patriarcales subissant par ailleurs l’autoritarisme de tel ou tel État. « Toute ma vie a été une lutte » Sakine Cansiz est née 1958 dans la province de Tunceli située à l’Est de la Turquie, où la population est majoritairement kurde et alévie. Sakine Cansiz fut arrêtée par la police turque en 1979 pour avoir implanté le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) dans la province d’Elazig puis condamnée à 24 années de détention. Elle fut incarcérée dans la prison de Diyarbakir située dans le sud-est anatolien pour y être torturée par les autorités turques – un sort systématiquement réservé aux prisonnier-ère-s politiques. Sakine Cansiz était une combattante féministe qui faisait déjà partie de l’inconscient collectif du peuple kurde à cause de sa bravoure lors des combats militaires menés dans les montagnes, de sa résistance héroïque face à la torture, n’hésitant pas à cracher au visage de ses tortionnaires ou à leur tenir tête. Son frère, Metin Cansiz a également été fait prisonnier dans les geôles de Diyarbakir. En 1984, le PKK avait décidé d’opter pour la lutte armée contre Ankara, ce qui se solda par plus 40 000 morts essentiellement parmi les fractions rebelles. L’insurrection du PKK avait donc débuté en août 1984 dans la Région de l’Anatolie du sud-est de la Turquie (avec la proclamation d’un état d’urgence élargi à plusieurs provinces environnantes) et finit dans un bain de sang mais le conflit reprit en 2015. Sakine Cansiz fut la première membre du PKK à prononcer une plaidoirie politique lors des « procès » organisés par le régime ayant perpétré un coup d’État militaire en Turquie. En 1988, lors d’un de ses simulacres de procès, elle fut condamnée à 76 années d’emprisonnement pour avoir eu l’audace de parler kurde dans l’enceinte du tribunal, ce qui était vécu comme un véritable affront aux yeux du pouvoir turc qui du coup tripla sa peine de prison. « Sara » : cheffe de file féministe de la cause kurde Tout d’abord, le féminisme de Sakine Cansiz fut en corrélation avec le rejet de l’oppression envers les femmes kurdes qu’elle percevait bien entendu comme une classe de sexe et par le fait qu’elle bénéficiait d’une conscientisation politique par le biais du marxisme. Ensuite, Sakine Cansiz mettait un point d’honneur à rendre la voix des femmes audibles et à leur donner plus de visibilité, plus d’autonomie et plus de poids politique n’hésitant pas à monter au créneau si cela était nécessaire et ceci malgré le fait qu’elle fut un temps la seule femme présente devant une assemblée exclusivement masculine. Sakine Cansiz a entretenu très tôt des liens avec les milieux révolutionnaires, dès les années 70 contre l’avis de sa famille et avant de partir s’installer à Ankara. Ainsi, elle s’engagea dès son plus jeune âge dans la lutte pour l’autonomie du Kurdistan et participa activement à la création du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) en novembre 1978 à l’aube de ses vingt ans, à Lice non loin de sa ville natale. Par ailleurs, ce fut dans la capitale turque qu’elle entra en contact avec Abdullah Öcalan et qu’ils eurent plus tard l’idée de fonder conjointement le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Abdallah Öcalan convoqua alors une vingtaine de militants à Lice, dans le sud-est de la Turquie majoritairement kurde, pour co-fonder le PKK avec « Sara » devint alors le nom de guerre de Sakine Cansiz à sa sortie de prison et elle continua à avoir un rôle de premier plan dans la cause kurde. « Sara », dans sa réflexion féministe, sut montrer sa détermination au sein de l’appareil très masculin du parti et faire avancer la cause des droits et libertés des femmes : il s’agit d’une véritable révolution. Suite à d’importantes pertes humaines masculines et à une volonté des femmes de s’engager dans la lutte armée, la formation idéologique des militant-e-s devint alors une priorité. Le camp d’entraînement libanais fut reconverti en académie militaire et en 1988 la libération des femmes s’inscrivait clairement comme la préoccupation première du mouvement. Le PKK sous l’impulsion de sa cofondatrice a mis en place des ateliers de « jinéologie » consistant à jeter les bases d’une « Science des femmes » pluridisciplinaire qui analyse de manière concrète le vécu des femmes victimes de violences machistes étant centrée sur leur propre expérience personnelle. L’objectif est de réfléchir à l’élaboration de concepts philosophiques féministes en dehors des institutions via des associations et des centres éducatifs non-mixtes par exemple afin de créer une dynamique émancipatrice pour les femmes et pour transmettre le savoir de cette science des femmes. À l’origine le PKK était issu des milieux universitaires avec des intellectuel-les de tendance marxiste, mais dans les années 80 l’arrivée de nombreux militants analphabètes ou peu éduqués originaires de différentes régions rurales ou des villages rasés par l’État turc avait fait surgir l’urgence de faire entendre les voix des femmes pour un Kurdistan (vraiment) « libre » sans opprimer la moitié de sa population. Le mouvement de libération des femmes kurdes soutenu par « Sara » a pour objectif de défendre un projet d’émancipation des femmes pour que l’égalité femmes/hommes soit une norme tant dans la société civile que sur le champ de bataille. « Sara » fut tuée à un moment où les kurdes commencèrent à retranscrire leur vision politique à Rojava (Kurdistan syrien) consistant à mettre en place une démocratie directe ou participative et évidemment laïque dans le respect d’une égalité de traitement entre les citoyen-nes peu importe leur genre, leur religion, leur ethnie, leur orientation sexuelle avec le souci de la préservation de l’environnement et d’installer un système d’auto-gestion (anticapitaliste) et d’auto-défense de la zone. À Rojava, les femmes kurdes ont obtenu des garanties importantes telles que la présence de femmes à au moins 40% au sein des commissions et que toutes les organisations de la société civile et politique soient co-présidées de manière paritaire. Les femmes ont contribué à cette « autonomie démocratique » et en furent même un pilier ; leur pouvoir de décision n’était donc pas remis en cause dans les différentes instances de l’administration, contrairement à la configuration des régimes politiques de la région du Moyen-Orient. Les femmes kurdes ont à plusieurs reprises affirmé que les avancées constatées furent le fruit d’une trentaine d’années de lutte révolutionnaire pour le peuple kurde et de combat féministe au sein du mouvement de libération. Les féministes kurdes ont mis en exergue l’importance d’organisations non-mixtes tout au long de ce processus. Le fait d’avoir une féministe convaincue telle que Sakine Cansiz au sein même de la Direction du PKK a permis aux femmes kurdes ne plus être réduites au silence, d’obtenir d’un statut politique digne de ce nom mais ceci fut le résultat d’une lutte permanente car les droits et libertés des femmes n’ont jamais été donnés mais toujours arrachés au patriarcat. Les femmes kurdes sont confrontées à des oppressions de types additionnelles dans des sociétés patriarcales et imprégnées de la mouvance islamiste tout en étant membres d’une nation sans État ce qui les a tout particulièrement sensibilisées à la notion de la Liberté, qu’elles sont déterminées à atteindre et non pas seulement dans le sens abstrait ou empirique du terme. En 1987, les femmes kurdes d’Europe avaient également initié un mouvement féministe depuis l’étranger avec la création de l’Association des Femmes Kurdes Patriotes du Kurdistan qui joua un rôle important dans la lutte contre les violences masculines. Cependant, les politiques colonialistes d’assimilation niant leur culture ont été un facteur de mobilisation des femmes kurdes sur le terrain de la politique et de la prise de conscience du caractère systémique des violences qu’elles subissaient – et de leur refus d’établir une frontière entre le « public » et le « privé ». Les femmes du mouvement de libération organisaient des rencontres d’éducation populaire féministe destinées aux hommes afin de les sensibiliser sur les rapports sociaux de sexe inégalitaires établis par le patriarcat et de faire un travail de terrain contre le conditionnement social. « Sara » fut une figure de proue de la lutte des droits et libertés des femmes kurdes au Kurdistan et au sein de la diaspora puis elle lança au milieu des années 90 les premières organisations non-mixtes kurdes avant de s’exiler en Europe. Ainsi, « Sara » en tant que féministe lutta tout naturellement contre la domination masculine y compris dans les instances de son propre parti. En 1995, Sakine Cansiz fut également la cofondatrice de l’Union des Femmes Libres du Kurdistan. Le mouvement des femmes décida de se constituer en parti politique en 1999 : le Parti des Femmes Travailleuses du Kurdistan, qui par la suite deviendra le Parti de la Libération des Femmes Kurdes car les femmes kurdes ont vraiment l’ambition d’offrir un nouveau contrat social axé sur leur émancipation et leur sécurité et pour une société plus humaniste. Leur but est d’éradiquer les violences conjugales ou les féminicides dans une société sécularisée afin de changer les mentalités et de se préserver des dangers du fondamentalisme religieux. « Sara » participait aux combats militaires dans le milieu hostile des montagnes et appelait les kurdes à se révolter. Le PKK arriva ainsi à infliger de sérieux revers à l’armée turque. « Sara » avait un parcours militaire plus qu’exemplaire et elle se déplaçait dans les différentes régions kurdes de Turquie, de Syrie, d’Irak et d’Iran. En 1997, les États-Unis puis d’autres pays de l’Union Européenne placèrent le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) dans la liste des organisations terroristes en raison de son ambition de créer un Kurdistan indépendant par la lutte armée. Étant donné que la plupart des pays occidentaux acceptèrent d’étiqueter le PKK comme mouvement terroriste, celui-ci se subdivisa alors en quatre entités : le PRD pour la Turquie, le PYD pour la Syrie, le PÇDK pour le Kurdistan irakien et le PJAK pour l’Iran (ainsi que d’autres entités) afin de brouiller les pistes. En outre, le PKK fut aussi soupçonné de trafic de stupéfiants par les États-Unis pour pouvoir financer leur « guérilla » contre la Turquie. – Lire la suite de l’histoire de Sakine Cansiz sur le site Révolution féministe : exil en France jusqu’à son assassinat. Sources et photos incluses. Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 juin 2016 |
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