| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






mercredi 9 août 2017

Une éthique féministe pour penser la maternité de substitution

par Ana-Luana Stoicea-Deram, formatrice à l’Institut de Recherche et de Formation à l’Action Sociale de l’Essonne (IRFASE)






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Qu’en est-il de la dignité humaine, mais aussi de la démocratie ?
L’utérus aux œufs d’or. Une dystopie
Non à la marchandisation du ventre des femmes et à la vente des enfants
Le débat international sur les mères porteuses et les droits des enfants
GPA : Non au marché de la personne humaine
L’éthique de la parole donnée : condition de l’engendrement de l’être et du savoir
Le Conseil de l’Europe doit travailler pour les droits des femmes
Le Conseil de l’Europe et la Conférence de La Haye sont-ils en train de légaliser la GPA ?
Pour l’arrêt immédiat du commerce d’enfants et de la location du ventre des femmes pauvres
Gestation pour autrui (GPA) - Rupture avec l’éthique et fausse notion de l’altruisme
Pour une société émancipatrice : ni prostitution, ni gestation pour autrui (GPA)
PDF Québec dénonce la position du CSF sur le recours aux mères porteuses
Conseil de l’Europe et maternité de substitution (GPA) - Une rapporteure en conflit d’intérêt
Sortir en douce de l’espèce humaine...
Mères porteuses - gestation pour autrui. Pour ou contre ?
GPA - Attention ! Une image peut en cacher une autre
Mère porteuse ou GPA – ‘Proxénètes de l’utérus’ et ’exigence d’une mère absente’
Du désir d’enfant au blanchiment d’enfant
Protégez les femmes de l’achat et de la vente des bébés et des mères
En Inde, la gestation pour autrui est loin de profiter aux femmes comme on le prétend
Bioéconomie - La vie elle-même, au coeur d’une nouvelle phase de la globalisation capitaliste
Pourquoi nous sommes contre la Gestation pour autrui (GPA) ou le recours aux mères porteuses
Le remboursement des mères porteuses ? Du délire !
La maternité de substitution, une industrie grandissante
La légalisation de la gestation pour autrui
Québec - Commentaires sur la réglementation entourant la procréation assistée
Un débat public sur la procréation assistée est nécessaire
Le commerce des organes n’est pas un problème mathématique
Breveter l’humain
Le projet de loi sur les NTR pourrait être encore retardé
Y a-t-il un bon clonage et un mauvais clonage ?
Le projet de loi sur la procréation assistée, une porte ouverte aux abus ?
L’enjeu du biopouvoir, c’est le contrôle du monde
Glossaire de la biotechnologie







Peut-on accepter d’oublier les femmes ? De les rendre invisibles ?

De plus en plus de médias parlent aujourd’hui de la "GPA", mettant en avant l’urgence qu’il y aurait à réglementer pour résoudre la situation administrative des enfants nés de mères porteuses, à l’étranger.

Parler d’emblée et exclusivement des enfants c’est vouloir faire oublier qu’ils sont mis au monde par des femmes. Il n’y a pas d’enfant tant qu’il n’y a pas une femme pour lui donner naissance. Il faut le rappeler, pour contrecarrer l’invisibilisation des femmes organisée par les promoteurs de la "GPA".

La maternité de substitution, dite "gestation pour autrui" (GPA), existe depuis plus de trente ans. Depuis une décennie, en prenant de l’ampleur, elle s’est mondialisée et rapporte chaque année plusieurs milliards d’euros à l’industrie de la reproduction humaine. Parler des risques encourus par les mères porteuses pour leur santé, pour leur vie, pour leur sécurité, n’est pas une priorité médiatique (l’exploitation, l’abus que beaucoup d’entre elles subissent ne sont pas vendeurs). En revanche, évoquer les enfants nés de mères porteuses, les présenter comme des victimes, devrait en interdire toute critique, et susciter la compassion.

Peut-on accepter d’oublier les femmes ? De les rendre invisibles, pour le profit d’une industrie mondialisée qui gagne d’autant plus que les femmes sont réduites à des corps en miettes ?

Pour comprendre la "GPA", il faut commencer par celles qui mettent au monde les enfants. Le féminisme offre une perspective très éclairante pour cela.

En tant qu’humanisme, le féminisme nourrit l’analyse de pratiques sociales impliquant les personnes en tant que femmes ou hommes. Les inégalités entre les femmes et les hommes sont présentes dans toutes les sociétés. Malgré les stratégies et les dispositifs mobilisés pour les combattre, de nombreuses pratiques sociales sont bâties sur ces inégalités, qu’elles prolongent ou intensifient.

La "GPA" est une pratique sociale dont le développement est rendu possible par l’accroissement des inégalités en défaveur des femmes. Dans les pays où la pratique est légale, les mères porteuses sont (à de très rares exceptions près) dans des situations économiques et sociales inférieures à celles des personnes commanditaires. Dans les démarches internationales, la différence de revenus et de statut est flagrante, quel que soit le pays où se trouvent les mères porteuses. Le recours à des femmes migrantes comme mères porteuses augmente (y compris en France) – profitant de la vulnérabilité des femmes.

Une approche éthique féministe permettrait d’analyser cette pratique, pour en saisir la signification et les enjeux, non seulement pour les mères porteuses, mais pour toutes les femmes ainsi que pour les relations entre les femmes et les hommes.

L’approche que j’envisage repose sur les travaux de la philosophe féministe roumaine Mihaela Miroiu. L’éthique qu’elle élabore consiste à partir, dans la production de normes et règles sociales, de la prémisse que nous sommes à la fois des êtres mortels, l’enfant de quelqu’un, et des (potentiels) parents. Cette situation universelle et intrinsèquement plurielle permet de porter le regard aussi bien sur soi-même (en tant qu’être mortel et confronté à la finitude) que sur le monde environnant, comme héritage dont nous bénéficions de la part de nos parents, et que nous laisserons à nos (éventuels) enfants.

Éthique féministe

C’est pour ce monde, dans lequel vivra notre possible descendance, que nous devons établir les normes et les règles qui nous semblent convenir. Il s’agit de penser ce qui est convenable en rapport avec soi-même (en se posant la question de savoir si j’aimerais être traité(e) selon telle norme, si je me trouvais dans telle situation), ainsi que de l’appréhender de manière plus large. Pour savoir "ce qui convient le mieux", chacun(e) devrait répondre à la question portant sur les biens premiers (notamment sur les libertés) dont ses descendants devraient bénéficier pour bâtir la vie qui leur conviendrait le mieux, quelles que soient par ailleurs leurs qualités et leurs spécificités.

Choisir ce positionnement éthique permet de s’adapter au fonctionnement des sociétés contemporaines, caractérisées par la fluidité et l’incertitude. Fonder son éthique sur ce qui nous paraît nous convenir le mieux, présenterait ainsi l’avantage d’intégrer, en les croisant, les aspects relevant du déterminisme (se rapporter à soi comme descendant-e de ses parents) et du contrat rationnel (assumer sa capacité d’agir, et les conséquences de ses actes dans l’avenir), tout en plaçant l’individu dans le monde et dans la société, par son inscription généalogique réelle et/ou symbolique.

La maternité étant une expérience spécifique des femmes, je propose de réfléchir à la maternité de substitution à titre personnel et en tant que parent (potentiel) d’une fille. L’éthique féministe, basée sur le critère de "ce qui convient le mieux", s’appuierait sur un double questionnement : si je me trouvais dans la même situation que cette femme qui agit comme mère porteuse, souhaiterais-je être traitée comme elle l’est ? et souhaiterais-je que ma fille soit traitée comme cette mère porteuse l’est ?

La réponse à ces deux questions constituerait une base compréhensive et empathique à partir de laquelle la maternité de substitution pourrait être appréhendée, aussi bien sur le plan des principes que dans sa matérialité.

Des mères porteuses indiennes, interrogées par des chercheuses françaises "(...) sur la possibilité que leur propre fille puisse devenir un jour gestatrice à son tour, (...) y voyaient le signe d’un échec de leur propre GPA à changer la vie de leur famille".

Une éthique féministe qui amènerait à se projeter dans une expérience de mère porteuse – à titre personnel et en tant que parent potentiel-le d’une fille -, permettrait de réfléchir aux modalités que revêt cette pratique à travers le monde. Réfléchir aux possibilités de choix qui s’offrent aux femmes, à leurs conditions de vie et à leurs chances de les voir changer. Réfléchir aux responsabilités collectives et politiques engagées pour améliorer la vie des femmes. Réfléchir au rapport entre les conditions réelles d’émancipation et d’autonomie des femmes, et les intérêts économiques nourris par leurs activités, notamment des plus démunies, souvent migrantes, surtout dans les domaines où les ramène le discours essentialiste : le soin et le « don de soi ». Est-ce en faisant ce « choix » (le plus souvent contraint), qu’elles trouvent ce qui leur convient le mieux ?

Est-ce en faisant ce choix, si vous étiez à la place de cette femme, que vous trouveriez ce qui vous convient le mieux ?

L’auteure

Ana-Luana Stoicea-Deram, militante féministe et Présidente du Collectif pour le Respect de la Personne. Formatrice en politiques sociales, Institut de Recherche et de Formation à l’Action Sociale de l’Essonne (IRFASE)

* Publié aussi le 8 mars 2017 dans Le Huffington Post France. Merci à l’auteure de proposer ce texte à Sisyphe.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 9 mars 2017



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Ana-Luana Stoicea-Deram, formatrice à l’Institut de Recherche et de Formation à l’Action Sociale de l’Essonne (IRFASE)



Plan-Liens Forum

  • Une éthique féministe pour penser la maternité de substitution
    (1/1) 27 avril 2017 , par





  • Une éthique féministe pour penser la maternité de substitution
    27 avril 2017 , par   [retour au début des forums]

    Bonjour Madame,

    J’adhère totalement à vos analyses quand à la domination des femmes par l’argent et au fait que certaines louent leur corps pour permettre l’accès au désir d’enfant d’autres ainsi que le parallèle entre louer un utérus et louer un vagin.
    Sans nier les droits de l"enfant né de GPA ( qui n’a rien demandé et constitue une des victimes de ce marché humain), il me semble qu’une des mesures dissuasive pourrait être d’inscrire dans le droit français le parallélisme entre proxénétisme gestationnel et proxénétisme sexuel ( car il s’agit d’une même traite des femmes). La sanction pour les parents serait pénale avec inscription sur le casier judiciaire de la faute ( les deux parents légaux) et sanction financière suffisamment dissuasive pour les parents, proportionnée aux revenus du couple ( en général les couples sont riches , notamment les couples homos hommes qui ont recours au don d’ovocyte plus GPA par exemple). De plus, les parents devraient visionner un film sur les effets indésirables d’une grossesse notamment la perte de l’utérus ou l’hémoragie suivi du décès, afin de comprendre la gravité de contraindre une femme a porter l’enfant d’autres. Il faut ensuite indiquer qu’il n’ y a pas de droit à l’enfant car l’enfant n(est pas un objet désirable mais un sujet.

    Bien cordialement,

    N Masson

    modération a priori

    Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

    Qui êtes-vous ?
    Votre message

    Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.


        Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

    © SISYPHE 2002-2017
    http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin