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mardi 16 juin 2020


Micheline Carrier (1944-2019)
Sisyphe : l’oeuvre d’une vie

par Élaine Audet






Écrits d'Élaine Audet



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C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit.
Louis Aragon

Micheline Carrier fait partie de ces êtres qui partent sans jamais vous quitter. Elle m’est présente, dans tous mes mots, mes choix, mes actions. Dans toutes mes pensées. L’abordage du jour est difficile sans son bonjour joyeux qui claquait à l’aube comme une voile au long cours.

Je l’ai déjà écrit, ici, il y a un an (1), Micheline a créé le site Sisyphe en juin 2002, et m’a invitée à la rejoindre à l’automne de la même année. Ce site encyclopédique est devenu l’œuvre de sa vie. Elle a choisi le nom Sisyphe, parce qu’il est un symbole à la fois de liberté, de détermination, et de vigilance pour les femmes qui doivent toujours recommencer à faire valoir leur droit à l’existence et à la parole.

Dès sa création, Sisyphe devient un site de diffusion des idées et des recherches féministes. Il a bénéficié de la collaboration de chercheur-es et d’écrivain-es de grande réputation, de différentes origines et disciplines. Nous y avons publié plus de 5 550 articles (2).

En ce premier anniversaire de sa mort, je voudrais puiser pour vous dans mes souvenirs, les éléments les plus marquants de ce parcours extraordinaire d’écriture et d’actions concrètes. Sur Sisyphe, tout ce qui se passe dans le monde ; la paix, la guerre, la politique, l’environnement, l’économie, etc., concerne les femmes.

Avant de rencontrer Micheline à l’automne 2002, j’avais lu ses articles et interventions ponctuelles dans Le Devoir, ses deux livres, toujours d’actualité, sur la pornographie, ainsi que Doit-on pendre Jocaste ?, une critique du livre "Les enfants de Jocaste", de Christiane Olivier.

J’avais aussi pris connaissance de ses deux premières tentatives de créer un site, au tournant de l’an 2000. Je me souviens qu’elle y a défendu, jusqu’à obtenir justice, les droits lésés d’une employée d’un consulat montréalais qui lui avait demandé son aide. À cette époque, il n’y avait au Québec que deux sites féministes : Netfemmes et Cybersolidaires, ce dernier défendant "le travail du sexe" et le groupe Stella.

Les premiers thèmes abordés par Micheline sur son nouveau site concernaient l’antiféminisme, la misogynie, la violence faite aux femmes au Québec et dans le monde.

Femmes du monde

La rubrique Femmes du monde (3) est l’une des plus considérable sur Sisyphe. On y trouve des articles sur les conditions de vie des femmes, notamment, au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, en Amérique latine et centrale. Micheline possédait une conscience aiguë de l’instrumentalisation patriarcale des femmes par les religions. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait consacré, le 21 juillet 2002, l’un des premiers articles sur Sisyphe à la situation des femmes en Afghanistan.

Les femmes devraient être au pouvoir en Afghanistan

Persécutées et séquestrées pendant cinq ans, les femmes afghanes savent de quoi on parle lorsqu’il est question de démocratie et de droits fondamentaux ; elles sont les mieux placées pour veiller à ce que l’État et les institutions respectent ces droits. Avant que les talibans ne les empêchent de travailler et de circuler librement, plusieurs d’entre elles exerçaient des professions (enseignantes, avocates, économistes, femmes d’affaires, etc.). Ces antécédents font d’elles des citoyennes mieux préparées à administrer les affaires de l’État que ceux qui n’ont fait que tenir un fusil depuis un quart de siècle. Lire l’article

Masculinisme 2003

Je me souviens de ses luttes épiques contre les masculinistes qui revendiquaient la garde des enfants, invoquaient le syndrome d’aliénation parentale (SAP) pour faire acquitter les pères incestueux et violents (4). Et elle entreprit la critique sytématique des groupes progressistes qui les défendaient, comme le Centre des médias alternatifs du Québec (CMAQ). Les masculinistes la craignaient, la menaçaient de poursuites judiciaires, mais elle a continué à démasquer leurs manigances. Voici ce qu’elle en dit, le 14 juillet 2003.

Pourquoi le Centre des médias alternatifs du Québec publie-t-il de la propagande haineuse et antiféministe ?

Depuis bientôt deux mois et demi, le Centre des médias alternatifs du Québec (CMAQ) a diffusé presque tous les jours de la propagande antiféministe, haineuse et diffamatoire produite par des hommes masculinistes. À la suite d’une foule de protestations indignées, venues tant de l’extérieur que de l’intérieur du CMAQ, les responsables du site ont récemment annoncé leur intention de "prendre les mesures appropriées" afin d’éliminer ces abus. Ils avaient annoncé, il y a plus d’un mois, des rencontres des équipes éditoriales qui devaient se pencher sur la question. Mais la lenteur que met le CMAQ à prendre ces mesures pendant que se poursuit une attaque aussi contraire à ses principes affichés soulève bien des questions. Deux mois et demi, c’est long pour prendre conscience de cette dérive et y réagir ! Lire l’article

Polytechnique 6 décembre 1989

Chaque année, le 6 décembre, pour la commémoration de la tuerie antiféministe de 14 jeunes femmes à l’École Polytechnique de Montréal (5), Micheline écrivait un article rappelant que la lutte contre la discrimination et la violence misogynes était loin d’être finie. Elle y montrait que le pouvoir patriarcal trouve sans cesse de nouveaux moyens pour maintenir son emprise sur la vie des femmes. Voici le premier article qu’elle mit en ligne en décembre 2002.

Pour se souvenir que la misogynie peut tuer

Les jours et les semaines qui ont suivi le meurtre de quatorze jeunes filles à l’École Polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1989, figurent parmi les plus sombres de ma vie. Faute de pouvoir m’exprimer ailleurs, c’est à mon journal personnel que j’avais alors confié mon désarroi et ma colère. Comme beaucoup de femmes, en effet, j’étais devenue, le temps de le dire, persona non grata (du seul fait peut-être d’être directement concernée) aux yeux de patrons de la presse dont mes contributions sur le sujet de la violence avaient auparavant servi les intérêts. Voici des fragments de ce journal dont je n’ai pas cherché à supprimer l’émotion vive ni la révolte. Parce que je ne veux pas oublier.
Lire l’article

En 2004, nous avons commencé à lancer des pétitions contre la prostitution (6) et la décriminalisation des acheteurs et proxénètes, contre la création de tribunaux islamiques au Canada, pour une Charte de la laïcité au Québec (7 ) et pour le maintien du Conseil du statut de la femme (8). Nous écrivions souvent ces textes à quatre mains, et même à six mains, avec Diane Guilbault, collaboratrice de la première heure de Sisyphe. Après des années de lutte, ces trois objectifs ont eu gain de cause, non sans être constamment remis en question, comme on le voit encore ces jours-ci avec la contestation de la Loi 21 au Québec sur la laïcité de l’État.

Prostitution 2002-2005

À l’AGA de la Fédération des femmes du Québec
Prostitution : Un consensus à l’arraché

Lors de leur Assemblée générale annuelle, le 22 septembre 2002, les déléguées de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) sont parvenues à un consensus pour « décriminaliser les pratiques exercées par les prostituées et "les travailleuses du sexe" ». Une position qui se situe, selon un communiqué de la FFQ, « dans le cadre de la lutte contre la violence faite aux femmes". Après avoir adopté une vingtaine de propositions soumises par le conseil d’administration (C.A.) à la suite de la tournée provinciale de 2001, l’assemblée a confié au C.A. le soin de former un comité chargé de poursuivre la réflexion sur la nature de la prostitution : travail comme un autre ou forme d’esclavage et de violence envers les femmes. Lire l’article

Appel au gouvernement du Canada
OUI à la décriminalisation des personnes prostituées, mais NON à la décriminalisation de la prostitution

Le sous-comité de l’examen des lois sur le racolage déposera bientôt son rapport auprès du gouvernement canadien. Tout indique qu’il recommandera la décriminalisation totale de la prostitution et la création de bordels, en dépit des mises en garde des spécialistes qui ont étudié les conséquences désastreuses de telles mesures dans les Pays-Bas, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Allemagne, et en dépit des nombreux avis d’intervenant-es communautaires et de citoyen-nes engagé-es. Si le sous-comité s’engage dans cette voie, nous croyons qu’il dessert les intérêts des personnes prostituées, pour la plupart des femmes, des ados et des enfants, ainsi que les luttes des femmes contre la violence et l’exploitation sexuelle. Les enjeux d’un tel projet sont trop importants pour laisser quelques élu-es, davantage à l’écoute des industries du sexe que de la population, décider seul-es de la société dans laquelle nous voulons vivre. Lire l’article

Laïcité 2005-2013

Appui à la motion de l’Assemblée nationale du Québec contre des tribunaux islamiques en droit de la famille

Depuis quelque temps, certaines personnes s’en prennent publiquement à l’Assemblée nationale du Québec au grand complet et, en particulier, à la députée libérale Fatima Houda-Pepin qui a fait adopter à l’unanimité, le 26 mai 2005, une motion rejetant l’instauration de tribunaux islamiques en droit de la famille, au Québec et au Canada, tribunaux avec lesquels flirte le gouvernement ontarien dans le sillage du rapport Boyd (décembre 2004). Cette motion soutient fermement la position des femmes musulmanes qui se sont exprimées sur la question. Lire l’article

Québec - Un féminisme de plus en plus gangrené par le relativisme

Je voulais revenir sur ce sujet, ce 8 mars 2010. Mais à quoi bon ? Je répéterais ce que j’ai écrit il y a deux ans. Seuls les exemples changeraient, ils seraient beaucoup plus nombreux, et leurs conséquences, plus sérieuses. Certain-es parlent maintenant de tolérer dans des institutions publiques la burqa et le niqab, deux symboles de négation des femmes, de leur corps et de leur liberté, au nom de la "liberté de religion" (sic). Sommes-nous toujours dans ce Québec qu’on a pu un jour qualifier d’avant-gardiste en matière d’égalité hommes/femmes ?
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Charte de la laïcité

Dans le milieu multi-ethnique où je vis, je croisais de temps à autre quelques femmes portant le hidjab. Depuis que le débat sur la "charte des valeurs québécoises" a débuté, c’est par douzaine que j’en croise tous les jours. Une personne étrangère au quartier pourrait penser que la communauté maghrébine y est majoritaire, mais c’est plutôt la communauté haïtienne. Des étudiantes pré-ado d’une école privée, qui traversent régulièrement le parc voisin, ont commencé elles aussi à porter le hidjab avec leur costume scolaire. Hier, c’est une jeune femme dans la vingtaine de noir vêtue de la tête au pied que j’ai croisée dans ’autobus. Un moment, j’ai cru voir une religieuse de mon adolescence.
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CSF 2004

Appel pour le maintien du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine
Pas d’économies aux dépens des femmes du Québec

Le gouvernement Charest a adopté à toute vapeur en décembre dernier des lois qui mettent en péril les acquis des femmes, fruits de décennies de luttes et de travail acharné. Par surcroît, des rumeurs persistantes indiquent l’intention du gouvernement de démanteler le CSF et d’abolir définitivement le Secrétariat à la condition féminine. De plus, on veut éliminer au sein des ministères les comités de condition féminine dont le rôle est de s’assurer que l’élaboration des programmes tient compte de la participation et des besoins des femmes. Bref, les femmes sont clairement la cible du gouvernement Charest qui cherche à faire des économies à leurs dépens. Comment expliquer autrement cette volonté de détruire des organismes qui ont fait leurs preuves ? Lire l’article

2003-2011- Meurtre de Marie Trintignant, procès Bertrand Cantat, TNM-Cantat

Le 4 août 2003, l’actrice Marie Trintignant décédait suite aux coups reçus au visage de la part de son amant, Bertrand Cantat, le chanteur vedette du groupe Noir Désir. Ce crime souleva l’indignation dans le monde, devenant vite le symbole éclatant de la violence masculine envers les femmes.

Marie Trintignant n’est pas morte "de quelques paires de gifles" ou d’un "accident après chute" mais plutôt, selon le légiste, de "19 coups, dont 4 à la face, donnés à poings fermés, à l’origine d’une fracture du nez, de lésions internes et d’un œdème cérébral".

L’assassin de Marie Trintignant fut condamné à 8 ans de prison dont il ne purgera que quatre ans. À cette occasion, Micheline écrivit l’un de ses meilleurs textes, représentatif de sa vision radicale du féminisme. À ce jour, 52 133 personnes l’ont lu (9).

Marie Trintignant a été tuée par un homme violent : Bertrand Cantat

Les fans de Bertrand Cantat, le chanteur du groupe Noir Désir, sont consternés et incrédules. Certains ont d’abord cru à des ragots de journalistes, d’autres ont parlé d’un complot contre leur idole. Comme s’il n’y avait pas eu mort de femme... Ils inondent les forums des sites internet de leurs exhortations à comprendre et à ne pas juger leur idole. Des choses semblables peuvent arriver à des gens qui vivent de grandes passions, explique-t-on, et qui sait, lui ET elle étaient peut-être sous l’effet de stupéfiants et de l’alcool... Le drame passionnel, l’alcool et la drogue, la présumée collaboration des victimes à leur propre sort, voilà réunies les excuses masculines classique . Lire l’article

Sisyphe consacra un dossier spécial à la polémique qui a suivi l’annonce, par la direction du Théâtre du Nouveau-Monde (TNM), de la participation de Cantat à une trilogie baptisée Des femmes, regroupant trois pièces de Sophocle : Les Trachiniennes, Antigone et Électre, mises en scène par Wajdi Mouawad. Devant l’indignation générale, le TNM retira finalement Cantat de la distribution.

Cantat-Mouawad-TNM – La cérémonie du pardon

Depuis une semaine, il flotte sur le Québec un discours public aux relents de lyrisme catholique qui n’est pas sans rappeler les prêches des curés d’autrefois et n’a pas grand-chose à voir avec le théâtre et l’Art. Je veux parler des forces mobilisées en faveur du pardon et de la réhabilitation de Bertrand Cantat, qui a tué Marie Trintignant, sa compagne, en 2003, et que le metteur en scène Wajdi Mouawad a invité à participer à des pièces de Sophocle qui seront présentées au Théâtre du Nouveau Monde, l’an prochain. Lire l’article

Je pourrais continuer encore longtemps à citer les articles de Micheline qui ont contribué à changer le cours de l’histoire, tant elle fut au cœur de toutes les luttes concernant les femmes. Les thèmes abordés, dès les premiers jours de Sisyphe (femmes du monde, antiféminisme, laïcité, prostitution, pornographie et violence sexiste) restent malheureusement toujours d’actualité, et la pensée de Micheline demeure, plus que jamais, un phare dans la nuit.

Notes
1. Une perte incommensurable, le 22 juin 2019.
2. Plan du site
3. Rubrique Femmes du monde
4. Rubrique Féminisme - Rapports femmes/hommes, masculinisme, sexisme, stéréotypes
5. Rubrique Polytechnique 6 décembre 1989
6. Rubrique Prostitution
7. Rubrique Tribunaux islamiques au Canada
Rubrique Laïcité, démocratie, droits, égalité des sexes, intégrisme
8. Rubrique Avenir du Conseil du statut de la femme et Gazette des femmes
9. Rubrique Mort de Marie Trintignant

* Rubrique Micheline Carrier 1944-2019

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 juin 2020



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Élaine Audet

Élaine Audet a publié, au Québec et en Europe, des recueils de poésie et des essais, et elle a collaboré à plusieurs ouvrages collectifs. Depuis 2002, elle est l’une des deux éditrices de Sisyphe.
Ses plus récentes publications sont :
 Prostitution - perspectives féministes, (éditions Sisyphe, 2005).
 La plénitude et la limite, poésie, (éditions Sisyphe, 2006).
 Prostitution, Feminist Perspectives, (éditions Sisyphe, 2009).
 Sel et sang de la mémoire, Polytechnique, 6 décembre 1989, poésie, (éditions Sisyphe, 2009).
 L’épreuve du coeur, poésie, (papier & pdf num., éditions Sisyphe, 2014).
 Au fil de l’impossible, poésie, pdf num., (éditions Sisyphe, 2015).
 Tutoyer l’infini, poésie,pdf num., 2017.
 Le temps suspendu, pdf num., 2019.

On peut lire ce qu’en pensent
les critiques et se procurer les livres d’Élaine Audet
ICI.


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