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dimanche 2 mai 2004


Le marché mondial du sexe au temps de la vénalité triomphante
Rarement un choix, la prostitution n’a pas que des causes économiques

par Richard Poulin, sociologue






Écrits d'Élaine Audet



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Bibliographie générale : Le marché mondial du sexe au temps de la vénalité triomphante







Ce texte fait partie d’un article intitulé « Prostitution, crime organisé et marchandisation » qui a été publié par l’auteur dans la Revue Tiers Monde, (Paris, PUF, vol. XLIV. n° 176, octobre-décembre 2003 : 735-769). Sisyphe présente le dossier en cinq parties ou chapitres afin d’en faciliter la lecture sur Internet. Un lien à la fin de cet article permet d’accéder à la bibliographie générale.

*****


Il existe aujourd’hui prétendument deux formes de prostitution et de traite des êtres humains : les unes seraient volontaires, les autres ne le seraient pas. Cette opposition entre volontaire et forcée permet d’expliquer, entre autres, que la prostitution est causée essentiellement par des conditions économiques déplorables et, en conséquence, certaines personnes, femmes et hommes confondus, décident en connaissance de cause d’exercer le « métier » du fait qu’il rapporte plus que beaucoup d’autres emplois.

Prostitution, pauvreté et vulnérabilité

Pour la prostitution de « plein gré », il est donc question de choix personnel lié à une rationalité économique. Aussi, pour nombre d’auteurs, la pauvreté est une condition préalable, sinon le moteur essentiel de l’entrée dans la prostitution. Pour Scambler et Scambler (1995), le sous-emploi, le chômage et la pauvreté sont les raisons principales expliquant le recrutement dans la prostitution. Un document de la Commission européenne intitulé Traite des femmes, le miroir aux alouettes : de la pauvreté à l’esclavage sexuel (2001:2) explique que les causes sous-jacentes au trafic des êtres humains sont la pauvreté, le chômage, le manque d’éducation et d’accès aux ressources. Il soutient que, d’un côté, les gens sont prêts à prendre le risque de tomber aux mains de trafiquants pour améliorer leur vie, et de l’autre, il y a une tendance chez les pays industriels à employer de la main-d’œuvre bon marché, non déclarée, et d’exploiter sexuellement les femmes et les enfants dans l’industrie de la prostitution et de la pornographie. Toujours selon ce document, les femmes sont dans une position de vulnérabilité particulière en raison de la féminisation de la pauvreté, de la discrimination génériciste et de l’absence d’occasions éducatives et professionnelles dans le pays d’origine. Certains n’expliquent la prostitution que par la seule contrainte économique, plus particulièrement par la précarité sociale et l’absence de moyens alternatifs d’existence.

Selon Lilian Mathieu (2003:6) les contraintes économiques impliquent que « l’engagement dans la sexualité vénale n’est jamais un acte volontaire et délibéré ». Par ailleurs, il explique que la « prostitution représente […] une des rares voies d’accès à un niveau de vie auquel une origine sociale modeste et un faible niveau de compétence ne permettent pas d’arriver ». L’argumentation de Mathieu s’appuie sur deux enquêtes qui montrent que « ce sont les femmes de la classe ouvrière et du lumpenprolétariat qui sont recrutées pour la prostitution » (Høigård et Finstad, 1992:15) ou des « personnes issues de milieux sociaux modestes, parfois marginaux » (1) (Ingold, 1996:54). Le sociologue prétend en outre que les chercheurs qui soutiennent l’existence d’autres raisons que les seules causes liées à la vulnérabilité économique pour expliquer la prostitution, se trompent et, en conséquence, considèrent les prostituées comme des « inadaptées nécessairement victimes de traumatismes psychologiques ».

Certains vont plus loin et affirment que les femmes se risquent dans la prostitution essentiellement pour s’enrichir (Carr, 1995 ; Lancet, 1996 cité dans Farley et Kelley, 2000). Puisqu’ils défendent l’idée que les femmes sont dans la prostitution pour des raisons essentiellement d’enrichissement, McCaghy et Hou (1994), dans leur étude sur la prostitution à Taiwan, considèrent les prostituées comme des entrepreneures (2), ce que Robinson (2002) fait également dans son article déjà cité. Une autre recherche postule que les jeunes hommes se prostituent selon un rational decision-making : " Pour James, [la prostitution] répond à un besoin financier et il a apparemment décidé que le haut rendement monétaire pour un investissement minimal de temps est préférable à un emploi légitime et même aux conséquences négatives d’une arrestation. " (Calhoun et Weaver, 1996 : 218. Notre traduction.)

Déterminisme social et psychologique dans la prostitution

Nul ne peut nier que la misère économique est le terreau fertile dans lequel se développe l’industrie de la prostitution. La prostitution, qui sévit massivement dans les pays du tiers-monde, de l’Europe de l’Est, de l’ex-URSS et les Balkans, est l’un des résultats de la catastrophe sociale et de la ruine économique qu’impliquent les politiques d’ajustement structurel, les privatisations, le libre échange à sens unique, bref la mondialisation et ses effets sur l’accroissement des inégalités sociales au sein des pays et entre les pays, ainsi que par l’aggravation fulgurante des pauvretés. Cette prostitution, dont le visage ne cesse d’évoluer - qui profite des femmes et des enfants du tiers-monde et des anciens pays « socialistes », devenus « le cheptel » de la misère mondiale - est organisée par des bandes criminelles : les femmes et les enfants sont dupés, enlevés, vendus par leur famille, razziés, violentés et exploités. Ce n’est pas nécessairement le cas pour les femmes prostituées occidentales (Europe de l’Ouest et Amérique du Nord). Les personnes qui se prostituent ne le font pas dans les mêmes conditions. Elles ne sont pas des sans-papiers. Elles ne connaissent pas nécessairement la même précarité économique. Pour une certaine partie de ces personnes, la prostitution représente « une solution provisoire ou prolongée aux difficultés financières » (Chaleil, 2002:12-13). Une telle prostitution alimentaire est, bien sûr, pour nombre d’occasionnelles, une conséquence de la situation économique et sociale (3).

Mais cela n’explique pas pourquoi certaines personnes se prostituent et d’autres se refusent à le faire. Autrement dit, l’argent semble être le moteur de tout et, pourtant, il ne constitue pas une explication satisfaisante. D’autres causes expliquent l’entrée dans la prostitution, car ce n’est pas n’importe quelle femme, ni n’importe quel homme qui accepte de faire « volontairement » ce « métier », qui réussit à passer à l’acte, à (sur)vivre dans un autre monde, même si l’argent constitue un attrait et le désir d’échapper aux piètres conditions sociales d’existence, une motivation. S’il y a des causes alimentaires et de survie à la prostitution, il existe aussi un déterminisme social et psychologique qui prédispose certaines personnes à la prostitution. Nombre de chercheurs refusent la dichotomie volontaire et forcée, car ils veulent comprendre les conditions sociales et psychologiques d’entrée dans la prostitution. Ils soutiennent que l’engagement dans la prostitution est la conséquence de facteurs multiples, d’un enchevêtrement de raisons économiques, personnelles, sociales et psychologiques. La fabrication de cette marchandise particulière a une histoire préalable, une histoire qui se déroule en amont. C’est le poids de cette histoire qui permet à une personne d’envisager de se prostituer, de vendre son sexe.

Violence et abus sexuels antérieurs

Nombre de recherches vont dans ce sens : les personnes prostituées ont un lourd passé traumatique et une histoire d’abus sexuels chroniques (Burgess, Hartman et McCormack, 1987 ; Giobbe, Harrigan, Ryan et Gamache, 1990 ; James et Meyerding, 1977 ; Silbert et Pines, 1981, 1982, 1983 ; Simons et Whitbeck, 1991 ; Widom et Kuhns, 1996). Entre 60 % à 90 % des personnes qui se prostituent ont été sexuellement abusées dans leur enfance (Murphy, 1993 ; Silbert et Pines, 1983). Judith Trinquart précise qu’en France on « recense entre 80 et 95 % d’antécédents de violences sexuelles chez les personnes prostituées originaires du pays » (citée dans Chaleil, 2002:11). Au Brésil, Gilberto Dimestein (1992), qui a interrogé 53 fillettes et adolescentes « venues d’elles-mêmes à la prostitution » soutient que 95 % d’entre elles étaient issues de familles dysfonctionnelles. Ces violences sont la raison de la fugue d’adolescent-es qui sont attendu-es par des recruteurs dans les gares de train et d’autobus des grandes villes (Poulin, 1994 : chapitre II). L’enfance des personnes prostituées a été marquée par l’abus sexuel et physique (Farley et al.,1998). Quelque 62 % des prostituées interviewées par Bagley et Young (1987) ont avoué une histoire d’abus physique dans leur enfance. Une autre étude révèle que 90 % des femmes prostituées avaient été physiquement agressées dans leur enfance ; 74 % de ces mêmes interviewées ont été sexuellement abusées dans leurs familles et 50 % ont été sexuellement abusées par une personne étrangère à leur famille (Giobbe, Harrigan, Ryan, et Gamache 1990). Selon le Council for Prostitution Alternatives de Portland, des 123 survivants de la prostitution interviewés, 85 % ont souffert d’inceste, 90 % d’abus physique et 98 % d’abus émotionnel (Hunter, 1994). Selon Widom et Ames (1994), l’enfant survivant aux abus sexuels risque beaucoup plus d’être arrêté, adulte, pour prostitution que le survivant aux abus physiques. Les survivant-es de traumatismes sexuels vécus dans l’enfance risquent de vivre des dysfonctionnements importants : ils développent souvent des idées et des comportements auto-destructeurs, un mépris de soi, un sentiment de honte, des désordres alimentaires, l’abus de drogues, etc. (Herman, 1992 ; Morin 1984) Pour le psychothérapeute Bernard Lempert (2001) :

    Toutes les violences tiennent ensemble. La violence produit la violence […] Il y a une cohérence. Ainsi, la relation entre inceste et prostitution me semble flagrante. Je ne dis pas que c’est son seul mode de production - la misère a son rôle à jouer, la criminalité également. Mais l’inceste est pour moi un des principaux fournisseurs de la prostitution. En écoutant les gens, leurs rêves, j’ai compris que la prostitution est un des symptômes de l’inceste, et/ou des agressions sexuelles extra-familiales mais avec un système d’exposition à l’intérieur de la famille.

Certains chercheurs expliquent l’existence d’un état de dissociation émotionnelle comme un élément nécessaire à la survie au viol ainsi qu’à l’inceste et aux agressions sexuelles dans l’enfance (Giobbe, 1991). La dissociation est le processus psychologique qui permet d’enfouir les événements traumatiques au plus profond de la conscience (Herman, 1992). Les états de stress post-traumatique (ESPT) sont des réactions émotionnelles intenses de longue durée. Elles apparaissent suite à un événement traumatique, hors du commun. La personne revit régulièrement, éveillée ou lors de cauchemars, la situation traumatique initiale. Elle évite ce qui pourrait rappeler le traumatisme. Sa réactivité générale est amoindrie : la personne est apathique, et morose par rapport à son avenir. Une hyperactivité physiologique (insomnie, irritabilité, difficultés de concentration) complète le trouble. L’ESPT est causé par un stress extrême chez les prisonniers de guerre qui sont torturés, chez les enfants qui sont sexuellement agressés et chez des femmes battues ou violées… Et chez les prostituées. Pour Vanwesenbeeck (1994), la dissociation émotionnelle est une conséquence de la violence subie dans l’enfance ainsi que de la violence vécue dans la prostitution. La dépression aussi bien que des symptômes de l’ESPT sont communs chez les personnes prostituées. Farley, Baral, Kiremire et Sezgin (1998), qui ont interviewé 475 prostitué-es dans cinq pays (Afrique du Sud, Thaïlande, Turquie, États-Unis et Zambie), ont constaté que 67 % de ces personnes souffraient du syndrome ESPT. Ce n’est donc pas sans raison que, chez les femmes prostituées des États-Unis et de la France, le taux de suicides et de tentatives de suicide est parmi les plus élevés du corps social (Chaleil, 2002:105).

Peut-on toujours prétendre qu’il existe une prostitution « volontaire » quand d’autres données significatives démentent cette prétention : l’âge moyen de l’entrée dans la prostitution aux États-Unis est de 14 ans (Silbert et Pines, 1981 ; Giobbe, 1992). Selon Fleishman (2000), des fillettes de 12 ans font le trottoir en Italie (elles doivent rapporter 500 dollars US par nuit).

Si la prostituée ne doit pas être considérée comme une victime, mais comme une personne autonome pouvant faire ses propres choix, comment comprendre et expliquer un âge d’entrée aussi jeune ? Cela ne veut pas dire que les prostituées sont inertes face au proxénète et au client, mais cela implique que les rapports sociaux de domination masculins et marchands structurent la prostitution pour le bénéfice d’un système proxénète ramifié et mondialisé dont les activités tendent à être, de plus en plus, normalisées. Est-ce qu’au nom de l’autonomie, on peut tout accepter ? Y compris une prétendue entrée « volontaire » dans la prostitution à l’âge moyen de 14 ans ? Cela ne représente-il pas la fin de la liberté, la réduction de l’individu à une chose, son anéantissement en tant que sujet, bref sa réification ? Peut-on concevoir, à la suite de Georg Simmel (1988:11-12) « que ce soit un délice, soir après soir et par tous les temps, de courir par les rues pour offrir une proie et servir de mécanisme éjaculatoire au premier individu, aussi répugnant soit-il ? […] Croit-on que cette vie puisse être choisie avec […] libre arbitre ? » Derrière un choix apparemment autonome se cache donc une situation, comme nous avons tenté de le démontrer, qui oblige à faire un tel choix. Aussi ce choix n’en est pas un !

Conclusion : la vénalité triomphante

La mondialisation capitaliste implique aujourd’hui une " marchandisation " inégalée des êtres humains dans l’histoire. Depuis trente ans, le changement le plus dramatique du commerce sexuel a été son industrialisation, sa banalisation et sa diffusion massive à l’échelle mondiale. Cette industrialisation, qui est à la fois légale et illégale et qui rapporte des milliards de dollars, a créé un marché d’échanges sexuels, où des millions de femmes et d’enfants ont été transformés en marchandises à caractère sexuel. Ce marché a été généré par le déploiement massif de la prostitution, par le développement sans précédent de l’industrie touristique, par l’essor et la normalisation de la pornographie, ainsi que par les besoins de l’accumulation du capital.

Cette industrie est désormais une puissance économique incontournable. L’industrialisation du commerce sexuel et sa transnationalisation sont les facteurs fondamentaux qui rendent la prostitution contemporaine qualitativement différente de la prostitution d’hier. La prostitution fait partie désormais de la stratégie de développement de certains États. Sous l’obligation de rembourser la dette, de nombreux États du tiers-monde ont été encouragés par les organisations internationales, comme le Fonds monétaire internationale (FMI) et la Banque mondiale - qui ont offert à ces occasions des prêts importants - à développer leurs industries du tourisme et de divertissement. Dans chacun des cas, l’essor de ces secteurs a permis l’envolée de l’industrie du commerce sexuel.

L’industrie du commerce sexuel est de plus en plus considérée comme une industrie du divertissement, et la prostitution comme un travail légitime. L’industrialisation de la prostitution s’accompagne d’une libéralisation ; depuis le début de ce siècle l’Allemagne et les Pays-Bas ont légalisé la prostitution (5). Au cours des années quatre-vingt-dix, les organisations internationales ont adopté des positions qui, malgré un discours dénonçant les pires effets de cette mondialisation des marchés du sexe, tendent à la libéralisation de la prostitution et des marchés sexuels (6). En quelque sorte, ce que défend l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en faveur de la mondialisation néo-libérale est actuellement relayé par divers organismes européens et internationaux, dont l’ONU, dans le domaine de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants. L’officialisation institutionnelle (la légalisation) des marchés du sexe renforce les activités de l’organisation proxénète et du crime organisé.

L’industrialisation actuelle dévaste de façon massive des femmes et des enfants. Ils sont gérés comme des bêtes à plaisir, des machines à sous, et organisés pour que leur rendement sexuel soit maximal. Leur commerce embrigade des populations colossales et génère de fastueux bénéfices recyclés dans l’économie mondiale. Et ce n’est pas sans raison qu’elle touche surtout des femmes et des enfants. L’argument « économique » de Mathieu (2003) minimise le fait que cette industrie fonctionne au profit d’hommes et d’un système de domination masculine. Tout ce qui relève du fonctionnement discriminatoire de la société est amplifié par cette industrie. Les femmes et les enfants sont le groupe cible ; les personnes qui sont l’objet de la prostitution proviennent davantage de couches sociales défavorisées, aux revenus précaires et limités, de minorités ethniques, de groupes indigènes, de réfugiés, d’immigrants clandestins, du tiers-monde, des pays déstructurés par leur transition catastrophique vers l’économie capitaliste ; elles sont également davantage des personnes à bas niveau d’éducation, des fugueuses, des individus abusés physiquement, psychologiquement et sexuellement dans leur enfance ; au moment de leur recrutement, elles sont souvent jeunes (et de plus en plus jeunes).

Puisque le sexisme se conjugue aux relations marchandes dans l’industrie mondiale du commerce sexuel, toute femme ou tout enfant est potentiellement une proie. C’est précisément leur condition de femme et d’enfant qui rend leur commerce profitable (7) et non le fait qu’ils sont démunis économiquement, bien que cela soit un facteur prédisposant à l’embrigadement dans la prostitution. Il faut toutefois insister sur le fait que pour transmuter une personne en marchandise, c’est-à-dire en une personne apte à subir et à vivre une constante aliénation, il faut créer, en aval et/ou en amont, les conditions nécessaires à son fonctionnement comme corps qui ne s’appartient plus et utiliser les moyens contraignants à sa fabrication en tant qu’objet d’échange.

Ce texte est le dernier d’une série de cinq.

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 Bibliographie générale

 Rubrique du dossier intégral.

Notes

1. Plus précisément, cette enquête d’Inglod (1993) portait sur 241 femmes et hommes prostitués de la région parisienne ; 41 % des interviewés étaient issues des milieux sociaux modestes et marginaux, ce qui laisse tout de même 59 % des interviewés issus d’autres milieux que ceux mentionnés par Mathieu.
2. Selon Barry (1995 : 139), à Taiwan, 40 % des prostituées sont d’origine aborigène, vraisemblablement l’objet d’une traite. Elles sont vendues à un bordel et obligées à se prostituer. Pour de nombreuses femmes autochtones, ces violations de leurs droits les plus élémentaires ne sont sans doute pas considérées comme les risques intrinsèques de la liberté d’entreprise !
3. Leur destin est quand même différent de la prostituée à temps plein, dans la mesure où, rappelle Chaleil (2002 : 493), « les prostituées à temps partiel […] continuent à participer à deux mondes, alors que la professionnelle, en plongeant corps et biens dans la prostitution, a perdu tous ses repères » ; la prostituée évolue dans un milieu social particulier, à la marge de la société, et la stigmatisation sociale dont elle est l’objet renforce cette appartenance au « milieu ». Les biographies de prostituées et de « hardeuses » montrent bien cet aspect des choses. Voir, entre autres, l’autobiographie de Raffaëla Anderson, Hard, Paris, Grasset, 2001.
4. Effets de la chosification, Monto (1999) a constaté l’existence d’une forte corrélation chez les clients entre la sexualité tarifiée, les mythes sur le viol, la violence sexuelle et l’utilisation moins fréquente de préservatifs.
5. Cette légalisation s’effectue dans le cadre d’un système réglementariste qui légitime non seulement la prostitution, mais également le proxénétisme (Fondation Scelles, 2002 : 83 et suivantes).
6. Voir sur cette question, l’interview de Marie-Victoire Louis (2000) dans les Cahiers marxistes.
7. Bien que la prostitution se soit développée depuis quelques décennies chez les jeunes hommes, il n’en reste pas moins qu’elle se fait, là aussi, au profit avant tout d’autres hommes (Dorais, 2003 : 18) et elle est « en grande partie sous la coupe du crime organisé » (Dorais, 2003 : 27).

Mis en ligne sur Sisyphe, le 20 avril 2004.

LA REVUE TIERS MONDE

La Revue Tiers Monde publie, depuis 1960, les résultats de recherches récentes sur les problèmes que soulève le développement économique et social différencié des États du monde. Complexité du système mondial, diversité des réactions régionales, politiques et expériences de développement sont étudiées par des spécialistes des sciences économiques et sociales, le plus souvent du point de vue théorique ; des études de cas, fondées sur des travaux de terrain originaux, viennent enrichir ces analyses. La Revue Tiers Monde est interdisciplinaire et internationale, par son public et l’origine de ses collaborateurs. Deux à trois numéros par an sont consacrés à un thème, sous la responsabilité d’un spécialiste, les autres sont constitués d’articles divers. Pierre Salama, économiste, en est le directeur.
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Richard Poulin, sociologue


Sociologue, l’auteur est professeur titulaire à l’université d’Ottawa et associé à l’Institut d’études et de recherches féministes de l’UQÀM, auteur de plusieurs ouvrages sur la prostitution et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle dont : Enfances dévastées, l’enfer de la prostitution (Ottawa, L’Interligne, 2007), Abolir la prostitution. Manifeste (éditions Sisyphe, Montréal 2006), co-auteur avec Yanick Dulong de Les meurtres en série et de masse, dynamique sociale et politique (éditions Sisyphe, 2009), La mondialisation des industries du sexe (Ottawa, L’Interligne 2004 et Paris, Imago, 2005), et il a coordonné le numéro d’Alternatives Sud, Prostitution, la mondialisation incarnée (Paris, Cetri et Syllepse, vol. XII, n° 3, 2005). Voir plus d’information sur les publications de l’auteur sur le site du Département de sociologie, Université d’Ottawa.



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