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jeudi 10 mars 2005 Pourquoi je ne suis pas un écrivain
Quarante ans, et déjà si vieux ronchon ! Frédéric Beigbeder intitule sa chronique dans le magazine Lire « Mon premier article réac »*. Il s’y déchaîne contre le mot écrivaine. Ce n’est même pas réac, c’est ringard ! On se croirait revenu au 20e siècle, au temps où ministre, polytechnicien, académicien ou directeur n’avaient pas de féminin ; pire, au 19e siècle, au temps où les parents de Camille Claudel interdisaient à leur fille de faire un métier qui n’existait qu’au masculin : sculpteur. « Je ne supporte pas les ‘’écrivaines’’, déclare Beigbeder, c’est physique. J’attrape une éruption cutanée dès que je lis ce terme immonde. » Immonde ! Comment un mot peut-il devenir dégoûtant, infect, répugnant… quand il est mis au féminin ? Comment l’ajout d’un simple e peut -il rendre ignoble le si noble écrivain ? Réveillez-vous, cher confrère ! Nous sommes au 21e siècle : le mot écrivaine est admis et utilisé. Vous déplorez que le milieu culturel l’ait assimilé et que la polémique se soit éteinte : « Des journalistes sérieux, des critiques respectés, écrivez-vous, tombent dans ce panneau pseudo-féministe importé du Québec. » C’est en effet du Québec, de Suisse et de Belgique que provient le bon sens francophone : écrivaine est aussi correctement formé que souveraine ou châtelaine. Il ne s’agit nullement de « pseudo-féminisme », mais d’authentique langue française, celle que partagent tous les francophones, celle que font vivre les écrivaines comme les écrivains, et qui évolue avec les réalités du monde moderne. Pourquoi ne suis-je pas un écrivain ? Parce que je suis une femme de mon temps. Un temps où toutes les professions sont ouvertes aux deux sexes. Un temps où on appelle un chat un chat, une chatte une chatte, et une femme comme moi une écrivaine. Signataires : Florence Montreynaud, Benoîte Groult, Annie Ernaux, Maryse Wolinski, Christiane Collange, Xavière Gauthier, Geneviève Brisac, Juliette Mincès, Olympia Alberti, Maud Tabachnik (écrivaines françaises) Thérèse Moreau, Maryse Renard, Janine Massard, Silvia Ricci Lempen (écrivaines suisses) Élaine Audet, Louise Cotnoir, Micheline Dumont, Gloria Escomel, Lise Harou, Hélène Pedneault, Claire Varin, France Théoret ; Claudine Bertrand, Louise Blouin, Linda Laporte et France Boucher, de la revue ARCADE (écrivaines québécoises) Ce texte a été publié dans Le Monde du 16 février, avec le titre : « Écrivaines et fières de l’être ! », et le nom des premières signataires. Il a aussi été publié dans Lire de mars. Vous pouvez lire sur le site de la revue, la chronique de Frédéric Beigbeder, février 2005, p. 10. Ce texte est ouvert à d’autres signatures. Si vous connaissez des écrivaines qui souhaitent le signer, transmettez-le-leur ! Écrire ici. Leurs noms seront ajoutés sur le site Encores féministes ! Mis en ligne sur Sisyphe, le 10 mars 2005. Commenter ce texte © Sisyphe 2002-2014 | ||||
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