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samedi 2 juillet 2005

Des femmes à l’origine de l’art ?

par Marie-Jo Bonnet, historienne






Écrits d'Élaine Audet



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Les Vénus impudiques de l’art préhistorique et les vulves peintes dans les grottes ne témoignent-elles pas d’une présence artistique des femmes dès l’origine de la civilisation ? Contestée au cours de l’histoire, la place des femmes dans l’art a été longtemps limitée, obligeant celles-ci à créer en dépit d’un statut professionnel discriminatoire. A travers plus de 200 œuvres de femmes souvent peu connues du grand public, cet ouvrage original analyse le travail et l’apport des femmes artistes dans l’art de manière thématique. Un dialogue entre le texte d’une historienne et des reproductions de qualité permet de mettre en regard des œuvres de femmes en face de celles des hommes, et également de faire des rapprochements entre les œuvres à différentes époques. Sisyphe reproduit ici le premier chapitre de cet important ouvrage de Marie-Jo Bonnet.

La préhistoire de l’art au féminin

Il y a 25 000 ans nos lointains ancêtres sculptaient déjà des petites statuettes féminines dites Vénus, voire « vénus impudiques », frappantes par leurs formes féminines disproportionnées. C’était à l’âge de l’homo sapiens et comme l’activité artistique était apparue à cette époque, il allait de soi pour les historiens d’aujourd’hui que l’artiste homo sapiens était un homme, et que c’est parce qu’il était un homme qu’il s’intéressait aux femmes. Or nous allons voir que cette évidence peut voler en éclats quand on les regarde d’un autre point de vue, comme nous a invité à le faire récemment le professeur Le Roy McDermott (1). Et si les statuettes du Paléolithique supérieur (entre 35 000 et 10 000 avant J.-C.) étaient des autoportraits de femmes enceintes, suggère-t-il ? Et s’il avait raison ?

Pour bien comprendre cette hypothèse révolutionnaire, nous devons d’abord donner quelques éléments d’ensemble issus des travaux des préhistoriens. La première chose que l’on remarque en observant les statuettes du Paléolithique supérieur, et plus précisément de l’aurignacien (de Aurignac, en Dordogne) est leur unité de style alors qu’elles ont été découvertes sur une aire géographique très large allant de la Dordogne, en France, à l’Europe centrale et orientale. La plus ancienne a été découverte à Willendorf, en Autriche. Elle mesure 11 cm de haut, elle est taillée dans le calcaire oolithique et date de 24 000 ans av. J.-C. La vénus de Lespugue a été trouvée dans la grotte du Rideau, en haute Garonne. Elle est plus jeune de 1 000 ans, mesure un peu plus de 14 cm et elle est taillée dans l’ivoire de mammouth. Une statuette présentant les mêmes caractéristiques et datant de 22 700 av. J.-C. a été découverte dans la vallée du Don, en Russie, à Kosteinski. Elle est un peu plus petite et a été taillée dans le calcaire. On en a aussi trouvé en Slovaquie, à Moravany et en Italie, à Grimaldi. Ces dernières sont plus récentes de quelques 3 000 ans, plus petites de moitié, plus parlantes puisqu’on les appelle « La Polichinelle » ou « La losange » et ont été sculptées dans la steatite jaune ou verte.

Cette unité de style repérable sur un immense territoire allant de l’Atlantique à l’Oural, et même la Sibérie, frappait en outre par ce que les préhistoriens ont qualifié de « violation de certaines proportions du corps ». Les seins, le ventre, les hanches ont l’air déformés et énormes alors que les pieds sont tout petits et la tête parait tellement négligée qu’elle se réduit la plupart du temps à une boule de forme oblongue. Ce n’est pas notre manière habituelle de voir la personne humaine. Quand nous sculptons, nous voyons le modèle face à nous et respectons les proportions entre la tête, le buste et les jambes. Ce sera d’ailleurs la grandeur de l’art grec d’établir un canon harmonieux du corps humain au moyen de mesures précises déterminant la taille du buste et des jambes en fonction de celle de la tête. Les premiers artistes ne semblent pas avoir procédé ainsi, et force nous est de constater qu’ils regardaient leur modèle autrement que nous. Autre sujet d’étonnement, ils, ou elles, ne regardaient que les femmes. Il n’y a pratiquement pas de figuration masculine à cette époque. Où si elles existent, le fait est rare, comme à Lascaux, et beaucoup plus tardif puisque ces fresques rupestres ont été réalisée en 15 000 av. J.-C., soit près de 10 000 ans après la vénus de Willendorf.

Cultes à la fécondité féminine

Vénus de Willendorf, 24000 av. J.-C.

Ainsi, les sculpteurs de l’aurignacien ne s’intéressaient ni à la tête, ni au visage et encore moins aux pieds, mais aux seins et au ventre, signe que la fécondité féminine était au coeur de leurs préoccupations. Doit-on en déduire l’existence d’un matriarcat très ancien comportant des cultes aux Déesses Mères. Peut-être, bien que l’on ne sache pas s’il y eut des échanges entre ces différentes régions, et si ces statuettes qui révèlent un même esprit et une même approche du corps humain, soit l’expression d’un archétype préformé et commun à cette civilisation ou les signes d’un culte dédié à la fécondité féminine. On a même pensé que ces statuettes pouvaient être des représentations d’une Déesse, montrant l’aptitude de nos ancêtres à symboliser les formes à partir d’une idée centrale. Une chose est sûre en tout cas, c’est que ces formes, mêmes déformées, touchent notre sentiment esthétique. L’équilibre entre les différentes masses du corps est parfait. De plus, la composition de toutes ces statuettes s’inscrit dans un losange, comme l’a montré le préhistorien A. Leroi-Gourhan. Elles ne tournent pas, ne s’écrasent pas et ne penchent pas d’un côté. J’ajouterais qu’il y a une élaboration conceptuelle remarquable qui témoigne du développement et de la coopération des deux cerveaux : l’analytique et le synthétique. Reste que ça n’explique pas tout à fait pourquoi les sculpteurs ont négligé à ce point la tête et les pieds.

C’est en essayant de répondre à cette question, en analysant le point de vue requis pour réaliser de telles vénus, que le professeur Le Roy McDermott, spécialiste des relations entre la psychologie de la perception visuelle et l’histoire de l’art, a proposé une explication qui bouleverse complètement notre approche de l’art préhistorique et de la division sexuelle des tâches. Les déformations propres aux statuettes aurignaciennes seraient le fait de femmes enceintes sculptant leur autoportrait sans l’aide de miroir, car il n’existait pas. Autrement dit, les femmes avaient une activité artistique à côté de la nécessaire reproduction de l’espèce. Car ces déformations ne sont pas des distorsions symboliques, poursuit-il. Elles sont la conséquence de la façon correcte de se regarder quand on est enceinte et qu’on ne peut voir une image globale de son corps à l’aide d’un miroir. Il a fait l’expérience en montrant ce que voit une femme enceinte quand elle se regarde pour sculpter son autoportrait dans une défense de mammouth. Elle ne voit pas autre chose que deux gros seins, un ventre proéminent et deux pieds minuscules. Si elle se regarde par derrière, elle voit deux bout de fesse, et idem pour les côtés. Une chose est sûre, elle ne voit pas sa tête, et il est probable qu’elle ne pense pas que la tête de sa mère présente des caractéristiques communes à la sienne, ou à ses compagnes, même si elle peut voir leurs ressemblances.

Des autoportraits de femmes enceintes

Sur les photos réalisées par Le Roy McDermott, on voit parfaitement bien le point de vue de la sculptrice en train de regarder son corps pour réaliser son autoportrait. Il s’agit d’un processus créatif déterminé par la position des yeux fixes qui donnent les « attributs exacts » des différents états de la vie biologique des femmes, écrit-il. Et de fait. Un homme (ou une femme) ne peut pas sculpter ce type de forme s’il regarde une femme enceinte de l’extérieur. Ce qui fait dire à Le Roy McDermott en conclusion de sa démonstration : « If self was the armature upon which the first image of humanity was constructed, when and how did images based on the appearance of others supplant those based on self ? What changes in cultural life were responsible for this fundamental change in representational focus ? Also, since the important role once played by autogenous information on human cultural life appears to have been overlooked, modern philosophical and psychological concepts of individual self-awareness and the internalization of self-image may need revision ».

Cette hypothèse de l’autoportrait à la base de l’activité artistique comme conscience de soi est des plus intéressantes et nous allons la retrouver sur notre chemin à chaque fois qu’un nouveau point de vue s’impose dans l’histoire. Nous pourrions ajouter aussi que si le corps de la femme enceinte a autant fasciné les premières artistes, c’est peut-être aussi parce qu’il changeait de forme. N’est-ce pas suffisant pour déclencher une prise de conscience de soi à travers les modifications de la forme de son corps. Je suis comme cette forme. Es-tu comme moi ? Et pourquoi certains corps ne se déforment-ils pas ainsi. Peut-être que l’absence de changements importants dans le corps de l’homme explique que l’homo sapiens ne s’y sois pas intéressé. Il faudra des milliers d’années pour que l’homme ithyphallique devienne le centre d’intérêt des artistes. À Lascaux d’abord, comme nous le verrons, puis beaucoup plus tard dans l’Antiquité gréco-romaine.

L’art a-t-il été le support du développement de la conscience de soi et de l’intelligence conceptuelle ? Qui mémorisait la forme des chevaux, des mammouths, des lions qui ont surgi du cerveau de nos ancêtres ? Qui les peignait sur les parois des grottes ? Les femmes n’avaient-elles pas un rôle artistique et religieux beaucoup plus important qu’on se l’était imaginé ?

Du culte des vulves dans la préhistoire…

Découverte en décembre 1994 par Éliette Brunel Deschamps, Jean-Marie Chauvet et Christian Hillaire, celle qui deviendra la grotte Chauvet est considérée aujourd’hui comme une des plus belles et des plus anciennes grottes ornées du monde. Située au flanc d’une falaise des gorges de l’Ardèche, à Vallon Pont-d’Arc, elle a surpris tout le monde par la richesse des peintures datant de 31 000 av. J.-C. et les représentations inconnues en Ardèche comme des lions, des panthères, des rhinocéros. Il y a aussi des mains négatives et des mains positives et près de 400 représentations animales, allant du bison aux chevaux, aux ours, aurochs, bouquetins, etc. Aucune image d’humain n’y a été découverte, remarque Jean Clothes dans l’étude scientifique sur la grotte (2). En revanche, on a découvert au fond de la grotte un « être » formé d’une vulve peinte au pigment noir, et de deux jambes bien indiquées, le tout surmonté d’une tête de bison surajoutée. En l’éclairant autrement avec un système de photo à perche, le photographe Yannick Le Guillou 92) (3) a fait apparaître cette surprenante image qui en fait la plus ancienne représentation féminine de l’histoire de l’humanité. Elle date de 28 000 av. J.-C. et on voit distinctement une incision de 4 cm marquant le sexe, ce qui confirme qu’il s’agit bien d’un triangle pubien.

Grotte Chauvet, vulves aurignaciennes,
vers 28000 av. J.-C.

En tout, cinq triangles pubiens, trois gravés et deux dessinés en noir, ont été répertoriés dans la grotte. Un seul est associé aux jambes et à une tête de bison. Les triangles gravés se font face à l’entrée des deux principaux diverticules adjacents. La vulve au bison occupe une position centrale dans la salle du fond, ce qui fait dire à Yannick Le Guillou qu’il s’agit de « véritables constructions thématiques étroitement associées à la topographie de la grotte (4) ». Il est tentant de verser ce nouveau matériel au bénéfice des cultes aux Déesses Mère, voir au culte de la féminité elle-même quand on voit comme les figurations les plus anciennes sont dédiées aux femmes de l’époque du Paléolithique supérieur.

… au culte du phallus

L’apparition des personnages masculins se fait plus tard, avons-nous dit, mais aussi dans une technique incroyablement plus rudimentaire, comparée aux animaux de la grotte Chauvet, par exemple, ou à ceux qu’ils accompagnent dans les fresques de Lascaux datant du Magdalénien. Dans la célèbre « scène du puits » de Lascaux, on voit un homme mort allongé à gauche d’un bison éventré, le sexe en érection (d’où son nom d’ithyphallique). Le corps de l’homme est constitué de deux traits parallèles, rigides qui se prolongent par des jambes aussi rigides. Il a une tête d’oiseau qui fait écho à une autre tête d’oiseau dessinée à côté et posée sur une pique.

Cette scène très simple a donné lieu à des interprétations très différentes qui montrent les enjeux de domination sexuelle cachés derrière le discours « objectif » sur l’art préhistorique. Ce n’est pas la même chose d’y voir, comme le préhistorien l’abbé Breuil, une scène d’accident mortel au cours d’une chasse ou comme H. Kircher une scène chamanique au moment de la transe extatique. L’un décrit une réalité existentielle, l’autre introduit un élément religieux non démontrable, mais qui donne une prépondérance à l’homme ithyphallique sur la femme vulvaire.

De même tandis que Georges Bataille remarque sagement « l’ambiguïté de la scène », et pense que « l’énigme et drame doit lui être laissée (5) », Louis-René Nougier écrit dans son livre sur l’Art de la préhistoire : « Le chasseur à tête de chocard est triomphant ; il vient d’abattre le bison qui perd ses entrailles, mourant devant lui. (...) Le chasseur heureux semble dire : « Moi, Chocard (c’est peut-être son nom après tout) victorieux de ce bison, mets ma marque sur ce dépôt de gibier (6) ».

Quelle belle projection de la mentalité d’un homme du XXe siècle sur une image rudimentaire qui représente un homme en érection ! On voit donc comme il faut se méfier de nos projections, voire de nos identifications avec des personnages sur lesquels nous n’avons d’autres informations que la date de réalisation, quelques notes sur l’habitat et sur des images exécutées à l’ocre rouge ou au charbon de bois ou bien directement gravées sur la paroi rocheuse.

Vulves, jeu de signes ou cultes féminins préhistoriques ?

En fait, ce sont les représentations de vulves qui dominent dans l’art préhistorique le plus ancien. Rien que pour la France, une vulve féminine gravée dans argile a été découverte dans la grotte de Bédaillac, en Ariège. Dans l’abri du Roc-aux-Sorciers à Vienne on en a trouvé trois gravées sur un bas relief sur calcaire datant de 15 000 av. J.-C, dites les Trois Grâces. À Angle sur l’Anglin il y en a quatre. À La Ferrassie, dans le Périgord, la fente vulvaire est nettement incisée, comme sur la vénus de Willendorf et sur « la femme à la corne », de Laussel. Ces fentes vulvaires n’ont pas manqué de choquer leurs premiers découvreurs au point qu’ils les ont qualifié de « vénus impudiques », attribuant à nos ancêtres des moeurs très libres. Ainsi, Luce Passemard pouvait écrire en 1938 que « Les statuettes féminines du Paléolithique supérieur sont l’extériorisation des besoins et des désirs des hommes de ce temps », accréditant l’idée qu’elles étaient faites pour et par les hommes.

Pourquoi « les hommes de ce temps » s’intéresseraient-ils plus à la représentation des vulves que des pénis en érection ? Mystère. Mais quand on sait l’importance symbolique qu’a pris le sexe masculin au cours de l’histoire, on peut se demander si les vulves n’étaient pas au contraire l’expression d’un intérêt féminin pour les cultes aux Déesses Mères et à l’énergie féminine. Malheureusement ce genre de questions est encore écartée des préoccupations scientifiques. Dans l’ouvrage collectif sur la grotte Chauvet, la question des vulves est même au profit d’un questionnement sur la déification de l’animal. Ainsi en est-il du commentaire de Joëlle Robert-Lamblin sur l’art aurignacien de la grotte Chauvet. Après avoir parlé d’un art marqué par la dualité rouge / noir, gravure / peinture, contour simple / remplissage, à-plat / ronde bosse, elle écrit : « Dès lors, cette forte dichotomie pourrait correspondre à une sorte de parcours initiatique à l’intérieur de la grotte, avec des traces de rites différents qui se seraient déroulés au cours du cheminement, ou encore indiquer un accès différencié selon des individus : femmes, enfants, non-initiés pénétrant dans le premier secteur de la grotte, tandis que les seuls véritables « initiés » auraient pu s’enfoncer plus loin dans la cavité (7) ».

Pourquoi les femmes feraient-elles partie des non-initiés alors qu’il y a tant de signes féminins dans cette grotte qui attestent de leur importance. À la fois par leur nombre et par leur emplacement. Les triangles pubiens se font face à l’entrée des deux principaux diverticules adjacents tandis que la vulve aux jambes, surmontée d’une tête de bison, occupe la position centrale dans la salle du fond. Pourquoi ne pas en déduire l’existence d’un culte féminin dédié à la fécondité féminine, comme le sera celui des Déesses Mères, mais aussi à l’énergie féminine elle-même symbolisée par la vulve, comme le pénis en érection (ithyphallique) symbolisera le « génie » fécondateur viril pour les Romains de l’Antiquité.

La vulve : « porte initiatique »

Autre réflexion. Nos ancêtres aurignaciens ne semblaient pas horrifiés à la vue du sexe féminin. On peut penser qu’ils y voyaient autre chose qu’un vide irreprésentable. Peut-être une « porte initiatique », c’est-à-dire un passage entre deux mondes. Entre le visible et l’invisible, bien sûr, mais aussi entre la lumière et l’ombre, ou la vie et la mort. D’où l’intérêt de ces découvertes de l’art préhistorique qui nous invitent à remettre en question pas mal d’idées reçues sur la libido, notamment les théories freudiennes sur la sexualité et la horde primitive. Freud pensait que la vue du sexe féminin inspirait une terreur qui était liée selon lui à l’angoisse de castration. Dans La vie sexuelle, il écrit : « Il n’est probablement épargné à aucun être masculin de ressentir la terreur de la castration lorsqu’il voit l’organe génital féminin. Pour quelles raisons cette impression conduit certains à devenir homosexuels et d’autres à se défendre par la création d’un fétiche, tandis que l’énorme majorité surmonte cet effroi, cela certes, nous ne pouvons pas le dire » (8).

Dans un autre texte sur Méduse, qui sera publié après sa mort, il écrit aussi : « L’effroi de la Méduse est aussi l’effroi de la castration qui se rattache à cette vision. Nous connaissons par de nombreuses analyses le surgissement de celui-ci ; il se produit quand un garçon qui n’a pas voulu croire jusqu’alors à cette menace voit un organe génital féminin, vraisemblablement celui d’une femme adulte, couvert de poils, généralement celui de sa mère » (9).

Quand on lit ces descriptions de Freud, on se demande si la vue des vulves aurignaciennes était alors réservée aux femmes dans le cadre d’initiations féminines dont les hommes et les enfants auraient été écartés. Pourquoi imposer aux hommes un tel traumatisme ? Car s’il faut chercher un sens à la présence de ces vulves parmi tant d’animaux, il n’est pas certain que le chamanisme en donne la clé, même si l’animal y occupe une fonction métaphorique de tout premier plan. Il y aurait aussi des représentations de sexes masculins. Or ce n’est pas le cas.

Les survivances de ces « cultes »

Peut-être ferons-nous d’autres découvertes dans les années à venir qui nous permettrons de mieux appréhender le rôle des femmes dans l’élaboration de ces premières images de l’histoire de l’humanité. Sachons en tout cas que ces « portes initiatiques » n’ont pas tout à fait disparu de l’horizon avec le développement du patriarcat et des religions monothéistes. Elles survivent dans plusieurs régions du monde. En Inde, bien sûr, et plus précisément dans les cultes tantriques où le yoni (vagin) est exposé dans les temples à la vue des fidèles, comme à Hyderabad avec la Déesse Génitrice. Source de vie, ouverture, lieu de passage, sa présence dans les grottes du Paléolithique n’étonne pas plus que dans les temples de l’Inde où les cultes à la Mère divine sont extrêmement vivants.

En revanche, sa présence dans les églises de Grande Bretagne peut nous surprendre à la fois par le nombre, on en a dénombré plus d’une vingtaine sur les chapiteaux, près des portes et des fenêtres, et par la figure elle-même. Par exemple, la sculpture Sheela-na-Gig de l’église Saint Mary and Saint David de Kilpeck dans Herefordhire, contient un double message à travers le trou béant et le visage au sourire énigmatique. Est-ce une survivance des cultes païens glorifiant le corps de la femme ? Peut-être.
Les grecs n’ont pas totalement occulté la vulve en dépit de leur culture fortement androcentrée. L’histoire de Déméter et de Baudo est certainement une autre survivance des cultes vulvaires préhistoriques. On connaît surtout l’histoire de Déméter et de sa fille Perséphone en tant que divinités parmi les plus importantes du panthéon grec qui président aux mystères d’Eleusis sous son aspect religieux à travers les cultes à la fertilité de la terre et la culture du blé dans les plaines de Sicile et d’Eleusis.

Déméter aimait beaucoup sa fille Perséphone, qui lui fut enlevée par Hadès, le dieu des Enfers. Or, avant de disparaître dans le monde d’en bas, Perséphone poussa un cri que sa mère entendit. Elle se mit alors en quête de sa fille disparue. Pendant neuf jours et neuf nuit, elle la chercha partout sans prendre de nourriture jusqu’à ce qu’elle arrive à Eleusis où vivait Baubô et son mari. Baubô lui offrit un potage pour la réconforter mais Déméter refusa car elle était trop triste. Alors, pour sortir la déesse de ses idées noires, Baubô souleva sa jupe et lui montra sa vulve. Amusée, Déméter se mit à rire et accepta le potage. La suite du mythe raconte le compromis qui fut trouvé entre les dieux pour faire revenir la fertilité sur la terre. Chaque printemps Perséphone sortirait des enfers pour retrouver sa mère et retournera auprès d’Hadès à l’automne. Ce qui explique pourquoi la fertilité revient sur terre au printemps.

L’histoire de Baubô a été très peu exploitée par la culture occidentale, probablement parce qu’elle met en scène une guérison « impudique » qui concerne surtout les femmes déprimées par la séparation d’avec leur fille. En quoi la vue du sexe de Baudô pouvait-elle réjouir Déméter au point de lui faire retrouver l’appétit ? Parce que l’impudicité du geste cassait l’enchaînement dépressif d’un deuil impossible à faire à cause de la violence initiale. Appelée dea impudica (déesse impudique) ou encore « la vulve personnifiée », Baubô remplit une fonction religieuse et thérapeutique qui remonte à la nuit des temps. Elle déclenche le rire, la joie, la jouissance. Elle allège les tensions. Elle masse la rate, organe du spleen, des peurs refoulées et de la mélancolie. Elle est aussi, d’une certaine façon, la muse secrète de Gustave Courbet.

Notes
1. LeRoy McDermott, « Self-Representation in Upper Paleolithic Female Figurines, Current Anthropology, University of Chicago Press, 1996.
2. La grotte Chauvet, l’art des origines, sous la direction de Jean Clottes, Seuil, 2001.
3. Photographe de la grotte Chauvet. Il a utilisé un appareil numérique fixé sur une rotule attachée à une perche télescopique.
4.La grotte Chauvet , op., cit., p. 171.
5. G. Bataille, Lascaux, Skira, p. 110.
6. Louis-René Nougier, L’art de la préhistoire, Livre de poche, 1982, p. 130.
7. La grotte Chauvet, L’art des origines, sous la direction de Jean Clottes, Seuil, 2001, p. 202.
8. S. Freud, « Le fétichisme », La vie sexuelle, PUF.
9. S. Freud, « La tête de Méduse », cité par Sarh Kofman, L’énigme de la femme, livre de poche, p. 90.

Extrait de : Marie-Jo Bonnet, Les femmes dans l’art, Paris, Editions de La Martinière, 2004.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 mai 2005.



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Marie-Jo Bonnet, historienne

Docteure en histoire (université de Paris VII), historienne d’art,
écrivaine et conférencière. Marie-Jo Bonnet a publié sa thèse une première fois en 1981 puis, elle a été rééditée sous le titre Les relations amoureuses entre les femmes du XVIe au XXe siècle (Odile Jacob - 1995, réédité en poche en 2001). Puis, Les Deux Amies, essai sur le couple de femmes dans l’art (Blanche - 2000), Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (Odile Jacob - 2004), Les Femmes dans l’art, (de La Martinière - 2004), et Les Femmes artistes dans les avant-gardes, Ed. Odile Jacob, 2006. Auteure de nombreux articles en France et à l’étranger, elle a aussi participé à un film télévisé sur Vermeer, Dire le féminin pour France 2. Elle a enseigné l’histoire de l’Art à la Columbia Université programs in Paris (Les femmes artistes à Paris au XXe siècle, Amour et art au XXe siècle) et à Carleton College. Présidente fondatrice de l’Association SOUFFLES d’ELLES qui organise le premier Café des femmes à la Coupole depuis 2003.



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    Je suis sensible à tout ce qui touche le rôle des femmes et votre idée de la vulve comme “porte initiatique” est très importante, car les grottes sont naturellement symboliques d’un monde intra-utérin dont l’entrée représenterait la vulve. Leur exploration par les hommes préhistoriques représenterait donc une recherche pour découvrir ce qui se passe à l’intérieur d’un corps féminin.

    “Nous avons grandement besoin de préhistoriennes qui réhabilitent le statut de la femme en Préhistoire”, disait Patricia Milan dans son commentaire. Je me permets donc, bien que n’étant pas préhistorienne, de vous signaler mon travail dont je vous donne ci-dessous un aperçu.

    LE CYCLE DU SANG DANS LES MYTHES

    Dans mon étude sur les peintures de Lascaux parue en 2004 sous le titre Lascaux et les mythes (éd. Pilote 24, www.perigord-livres.com), j’ai développé l’idée que ces peintures pourraient illustrer un mythe de fécondité axé sur le cycle du sang chez la femme. Que ces peintures illustrent un mythe quelconque et que la fécondité ait été au cœur des préoccupations des hommes préhistoriques, ces hypothèses ne datent pas d’hier. Mais qu’un mythe puisse être axé sur le cycle du sang chez la femme, voilà qui n’a encore jamais été envisagé, à ma connaissance.
    Il me semble pourtant qu’un phénomène aussi troublant, malgré sa banalité, était plus que tout autre susceptible de stimuler l’imagination et de provoquer des tentatives d’explication. Il est donc étonnant qu’aucune étude n’ait été entreprise sur l’imaginaire du sang cyclique et sur les récits qu’il aurait pu inspirer.

    Qu’entend-on par “mythe de fécondité” ?

    Aucun auteur ne définit ce qu’est un mythe de fécondité ni n’en donne la teneur et la fécondité n’a jamais été considérée comme pouvant fournir le sujet d’un mythe important. Pour John Scheid par exemple, “la fécondité est un concept si vague et si général qu’il peut englober toute la religion et toutes les divinités…” (La Religion des Romains, p. 132). Bien que les spécialistes de la préhistoire aient fait maintes fois allusion à de supposés “cultes de la fécondité”, ceux-ci n’ont fait l’objet d’aucune étude approfondie. Dans l’esprit des gens, la fécondité se résume à la complémentarité des sexes.

    La fécondité des deux sexes

    L’analyse fouillée des peintures de Lascaux m’a convaincue que les artistes ont bien tenté d’illustrer sur les parois un mythe de fécondité. La longueur même de la fresque prouve que ce mythe ne se bornait pas à évoquer la complémentarité des sexes qui allait sans doute de soi, mais développait une riche thématique qui n’avait certainement rien de “vague”.
    Pour moi, les peintres auraient exposé dans cette ample fresque le b-a-ba de la sexualité, à savoir la différence entre les sexes et l’origine de leurs “émanations” sexuelles respectives, le sang, le lait et le sperme, selon l’idée que l’on pouvait s’en faire à cette époque. Cherchant à expliquer les processus physiologiques de la reproduction, ils ont mis en avant les propriétés du sexe, et s’il est une propriété spécifique du sexe féminin, c’est bien son rapport au sang. Ce qui m’a frappé dans leur démonstration, telle que je l’ai comprise, c’est que les questions posées à propos de l’un et de l’autre sexe reçoivent des réponses qui démontrent une très remarquable égalité d’intérêt pour chacun des deux camps. Cependant, l’imaginaire du sang a manifestement, et conformément à la physiologie, inspiré de plus nombreux “tableaux” aux artistes que celui du sperme.

    Un mythe axé sur le sang

    Si j’ai pu développer l’idée que ce mythe était axé sur le cycle du sang, c’est parce qu’il existe dans cette fresque une figure, le cheval, qui apparaît dans toutes les “scènes” (les quinze “tableaux” que j’ai identifiés) et qui m’a semblé incarner une “puissance-du-sang”. Cette première attribution déclenchait toutes les autres et donnait enfin un sens à la peinture.
    Omniprésent dans l’art paléolithique européen et généralement associé à d’autres figures, le cheval est en effet un figure centrale à Lascaux, où il est principalement associé à des vaches rouges qui incarneraient selon moi la “puissance du sperme”.
    Les actions du cheval décrites par les peintres de Lascaux m’ont paru ordonnées de façon à offrir un aperçu schématique du cycle du sang. En effet, les thèmes que j’ai pu définir pour chacun des quinze “tableaux” de cette fresque suivent scrupuleusement les différentes étapes du processus de la fécondité à laquelle la femme est confrontée : première perte de sang et défloration, rencontre amoureuse suivie d’un long “évanouissement” du sang pendant neuf mois, réapparition du sang après l’accouchement, ramené par les eaux (les vaches).
    Toute composition figurative suppose un récit préalable dont le déroulement s’articule en chapitres. Retrouver les thèmes présents dans la peinture revenait à retrouver la structure de ce récit, autrement dit ses têtes de chapitre.

    Un récit en quinze parties

    Dans la première salle (la Rotonde) les “tableaux” décrivent successivement :

    1.- un meurtre et une mutilation (des “yeux”), provoquant la fuite et l’errance des chevaux ;

    2.- une rencontre amoureuse et l’éloignement d’un tiers (le cheval), ces deux actions étant facilitées par un échange de souffles ;

    On passe ensuite dans une seconde salle (le Diverticule) qui correspond au monde intra-utérin, un lieu que l’on peut préférer traduire par “l’Autre Monde” ou monde infernal. Pendant cette phase (c.-à-d. pendant l’absence du sang), le cheval-sang s’évanouit, il est prisonnier des vaches-sperme qui le nourrissent et le réaniment. On y assiste à :

    3.- la présentation de l’Autre Monde ;

    4.- l’accueil du cheval par une vache rouge ;

    5.- l’évanouissement du cheval ;

    6.- le passage d’un seuil (pont ou tunnel) ;

    A partir de ce moment (déclenchement de la grossesse) et jusqu’au retour à ce même seuil, six scènes pus tard, les chevaux ne sont plus en contact avec les vaches rouges. Ils négocient leur sortie avec les puissances des “ténèbres” :

    7.- l’accueil du cheval par le maître des “Enfers” ;

    8.- la réunion du “clan” des chevaux dans la forêt ;

    9.- la naissance d’une nouvelle génération de chevaux sous le regard d’un maître des liens ;

    10.- un jeu du piège (figuré par un damier) réglementé par deux divinités du destin ;

    11.- la sortie des chevaux défilant devant une maîtresse des “Enfers” ;

    12.- le passage d’une “ombre blanche” (vision ou fantôme) à la sortie du “Saint des Saints” ;

    (6).- un nouveau passage du seuil (raccord avec le précédent) ;

    13.– l’union du Masculin (vache rouge) et du Féminin (cheval jaune) ;

    14.– une tempête accompagnant la sortie de l’Autre Monde ;

    Après avoir fait le tour de cette seconde salle, les visiteurs reviennent dans la première salle pour contempler la dernière scène symbolisant :

    15.– la multiplication des “eaux” (les vaches rouges) et leur transmission.

    À la source des mythes

    Le canevas de ce “mythe premier” me semble avoir généré une part considérable de la littérature mythologique, car les poètes ont su broder à l’infini sur un sujet aussi essentiel. De grands textes anciens et près d’un conte sur deux en suivent le déroulement avec la plus grande fidélité. Dans certains cas étudiés dans mon livre, tous les éléments et sous-éléments présents dans la peinture le sont aussi dans les textes et surviennent dans le même ordre que dans la peinture. Le canevas suivi paraît donc immuable, tel un bloc indéformable. Étant parfaitement équilibré, sans doute était-il irréprochable.

    L’occultation de l’imaginaire du sang

    Ces épisodes imaginés sur le modèle du cycle du sang pour expliquer la procréation (et sans doute aussi la création du monde) forment à la vérité un cycle très proche de celui des saisons, des astres et des plantes que le développement de l’agriculture a exagérément mis en avant si bien que nous n’entendons plus aujourd’hui dans nos textes que des allusions au cycle de la végétation, même quand les textes irlandais indiquent encore une durée de neuf mois. Le déclin du soleil en hiver et la mise en veilleuse de la terre ont supplanté la disparition du sang, à l’apothéose finale nous préférons un châtiment purificateur, le déluge mésopotamien. Le cycle de la fertilité qui nous est à tous familier a fini par recouvrir le cycle primitif de la fécondité jusqu’à l’occulter complètement, rendant incompréhensibles des parties entières de l’ensemble.

    Pourtant, si la trame de nos mythes s’avère généralement si fidèle à celle du récit illustré par les peintres, n’est-ce pas précisément parce qu’elle avait d’abord servi à expliquer le fonctionnement de la fécondité et qu’elle donnait un sens à ces phénomènes fondamentalement perçus comme vitaux ?
    Étant donnée la complexité de ces pro-cessus, il me paraît donc plus que probable que la fécondité a constitué de tous temps un inépuisable réservoir de thèmes littéraires, ne serait-ce qu’en vertu des dispositions élémentaires de l’être humain à procréer.

    T. GUIOT-HOUDART

    • L’imaginaire du sang féminin
      26 juillet 2006 , par
        [retour au début des forums]
      Lascaux et les mythes

      LE CYCLE DU SANG DANS LES MYTHES

      Dans mon étude sur les peintures de Lascaux parue en 2004 sous le titre "Lascaux et les mythes" (éd. Pilote 24, www.perigord-livres.com), j’ai développé l’idée que ces peintures pourraient illustrer un mythe de fécondité axé sur le cycle du sang chez la femme. Que ces peintures illustrent un mythe quelconque et que la fécondité ait été au cœur des préoccupations des hommes préhistoriques, ces hypothèses ne datent pas d’hier. Mais qu’un mythe puisse être axé sur le cycle du sang chez la femme, voilà qui n’a encore jamais été envisagé, à ma connaissance. Il me semble pourtant qu’un phénomène aussi troublant, malgré sa banalité, était plus que tout autre susceptible de stimuler l’imagination et de provoquer des tentatives d’explication. Il est donc étonnant qu’aucune étude n’ait été entreprise sur l’imaginaire du sang cyclique et sur les récits qu’il aurait pu inspirer.

      Qu’entend-on par “mythe de fécondité” ?

      Aucun auteur ne définit ce qu’est un mythe de fécondité ni n’en donne la teneur et la fécondité n’a jamais été considérée comme pouvant fournir le sujet d’un mythe important. Pour John Scheid par exemple, “la fécondité est un concept si vague et si général qu’il peut englober toute la religion et toutes les divinités...” (La Religion des Romains, p. 132). Bien que les spécialistes de la préhistoire aient fait maintes fois allusion à de supposés “cultes de la fécondité”, ceux-ci n’ont fait l’objet d’aucune étude approfondie. Dans l’esprit des gens, la fécondité se résume à la complémentarité des sexes.

      La fécondité des deux sexes

      L’analyse fouillée des peintures de Lascaux m’a convaincue que les artistes ont bien tenté d’illustrer sur les parois un mythe de fécondité. La longueur même de la fresque prouve que ce mythe ne se bornait pas à évoquer la complémentarité des sexes qui allait sans doute de soi, mais développait une riche thématique qui n’avait certainement rien de “vague”. Pour moi, les peintres auraient exposé dans cette ample fresque le b-a-ba de la sexualité, à savoir la différence entre les sexes et l’origine de leurs “émanations” sexuelles respectives, le sang, le lait et le sperme, selon l’idée que l’on pouvait s’en faire à cette époque. Cherchant à expliquer les processus physiologiques de la reproduction, ils ont mis en avant les propriétés du sexe, et s’il est une propriété spécifique du sexe féminin, c’est bien son rapport au sang. Ce qui m’a frappé dans leur démonstration, telle que je l’ai comprise, c’est que les questions posées à propos de l’un et de l’autre sexe reçoivent des réponses qui démontrent une très remarquable égalité d’intérêt pour chacun des deux camps. Cependant, l’imaginaire du sang a manifestement, et conformément à la physiologie, inspiré de plus nombreux “tableaux” aux artistes que celui du sperme.

      Un mythe axé sur le sang

      Si j’ai pu développer l’idée que ce mythe était axé sur le cycle du sang, c’est parce qu’il existe dans cette fresque une figure, le cheval, qui apparaît dans toutes les “scènes” (les quinze “tableaux” que j’ai identifiés) et qui m’a semblé incarner une “puissance-du-sang”. Cette première attribution déclenchait toutes les autres et donnait enfin un sens à la peinture. Omniprésent dans l’art paléolithique européen et généralement associé à d’autres figures, le cheval est en effet un figure centrale à Lascaux, où il est principalement associé à des vaches rouges qui incarneraient selon moi la “puissance du sperme”. Les actions du cheval décrites par les peintres de Lascaux m’ont paru ordonnées de façon à offrir un aperçu schématique du cycle du sang. En effet, les thèmes que j’ai pu définir pour chacun des quinze “tableaux” de cette fresque suivent scrupuleusement les différentes étapes du processus de la fécondité à laquelle la femme est confrontée : première perte de sang et défloration, rencontre amoureuse suivie d’un long “évanouissement” du sang pendant neuf mois, réapparition du sang après l’accouchement, ramené par les eaux (les vaches). Toute composition figurative suppose un récit préalable dont le déroulement s’articule en chapitres. Retrouver les thèmes présents dans la peinture revenait à retrouver la structure de ce récit, autrement dit ses têtes de chapitre.

      Un récit en quinze parties

      Dans la première salle (la Rotonde) les “tableaux” décrivent successivement :

      1.- un meurtre et une mutilation (des “yeux”), provoquant la fuite et l’errance des chevaux ;

      2.- une rencontre amoureuse et l’éloignement d’un tiers (le cheval), ces deux actions étant facilitées par un échange de souffles ;

      On passe ensuite dans une seconde salle (le Diverticule) qui correspond au monde intra-utérin, un lieu que l’on peut préférer traduire par “l’Autre Monde” ou monde infernal. Pendant cette phase (c.-à-d. pendant l’absence du sang), le cheval-sang s’évanouit, il est prisonnier des vaches-sperme qui le nourrissent et le réaniment. On y assiste à :

      3.- la présentation de l’Autre Monde ;

      4.- l’accueil du cheval par une vache rouge ;

      5.- l’évanouissement du cheval ;

      6.- le passage d’un seuil (pont ou tunnel) ;

      A partir de ce moment (déclenchement de la grossesse) et jusqu’au retour à ce même seuil, six scènes pus tard, les chevaux ne sont plus en contact avec les vaches rouges. Ils négocient leur sortie avec les puissances des “ténèbres” :

      7.- l’accueil du cheval par le maître des “Enfers” ;

      8.- la réunion du “clan” des chevaux dans la forêt ;

      9.- la naissance d’une nouvelle génération de chevaux sous le regard d’un maître des liens ;

      10.- un jeu du piège (figuré par un damier) réglementé par deux divinités du destin ;

      11.- la sortie des chevaux défilant devant une maîtresse des “Enfers” ;

      12.- le passage d’une “ombre blanche” (vision ou fantôme) à la sortie du “Saint des Saints” ;

      (6).- un nouveau passage du seuil (raccord avec le précédent) ;

      13.- l’union du Masculin (vache rouge) et du Féminin (cheval jaune) ;

      14.- une tempête accompagnant la sortie de l’Autre Monde ;

      Après avoir fait le tour de cette seconde salle, les visiteurs reviennent dans la première salle pour contempler la dernière scène symbolisant :

      15.- la multiplication des “eaux” (les vaches rouges) et leur transmission.

      À la source des mythes

      Le canevas de ce “mythe premier” me semble avoir généré une part considérable de la littérature mythologique, car les poètes ont su broder à l’infini sur un sujet aussi essentiel. De grands textes anciens et près d’un conte sur deux en suivent le déroulement avec la plus grande fidélité. Dans certains cas étudiés dans mon livre, tous les éléments et sous-éléments présents dans la peinture le sont aussi dans les textes et surviennent dans le même ordre que dans la peinture. Le canevas suivi paraît donc immuable, tel un bloc indéformable. Étant parfaitement équilibré, sans doute était-il irréprochable.

      L’occultation de l’imaginaire du sang

      Ces épisodes imaginés sur le modèle du cycle du sang pour expliquer la procréation (et sans doute aussi la création du monde) forment à la vérité un cycle très proche de celui des saisons, des astres et des plantes que le développement de l’agriculture a exagérément mis en avant si bien que nous n’entendons plus aujourd’hui dans nos textes que des allusions au cycle de la végétation, même quand les textes irlandais indiquent encore une durée de neuf mois. Le déclin du soleil en hiver et la mise en veilleuse de la terre ont supplanté la disparition du sang, à l’apothéose finale nous préférons un châtiment purificateur, le déluge mésopotamien. Le cycle de la fertilité qui nous est à tous familier a fini par recouvrir le cycle primitif de la fécondité jusqu’à l’occulter complètement, rendant incompréhensibles des parties entières de l’ensemble.

      Pourtant, si la trame de nos mythes s’avère généralement si fidèle à celle du récit illustré par les peintres, n’est-ce pas précisément parce qu’elle avait d’abord servi à expliquer le fonctionnement de la fécondité et qu’elle donnait un sens à ces phénomènes fondamentalement perçus comme vitaux ? Étant donnée la complexité de ces pro-cessus, il me paraît donc plus que probable que la fécondité a constitué de tous temps un inépuisable réservoir de thèmes littéraires, ne serait-ce qu’en vertu des dispositions élémentaires de l’être humain à procréer.

      T. GUIOT-HOUDART

      [Répondre à ce message]

    > Des femmes à l’origine de l’art ?
    23 août 2005 , par   [retour au début des forums]

    Bonjour,

    D’abord quelques petites remarques sur les sites que vous mentionnez ainsi que les images :

     l’Aurignacien vient d’Aurignac en Haute-Garonne et pas en Dordogne
     l’image du "pendant au sorcier" de la grotte Chauvet est à l’envers (j’ai visité la grotte Chauvet ce mois ci !)
     la grotte de Bédeilhac et non de Bedaillac en Ariège

    En ce qui concerne l’image de la femme préhistorique enceinte et son auto-portrait, je ne suis pas d’accord avec vous. Par exemple, la vénus de Willendorf me paraît plus une vieille femme ménauposée qu’une femme enceinte. A part la vénus de Montpazier, aucune ne présente véritablement à ma connaissance des signes affirmatifs de femme enceinte prête à accoucher. Il existe du reste des vénus minces comme la "vénus impudique" et les "obéses" ne sont pas forcèment en majorité (allez visiter la merveilleuse exposition de Vénus au Pech Merle qui a lieu en ce moment !). De plus, je crois que le souci des femmes préhistoriques (du moins au Paléolithique supérieur) était plutôt de ne pas avoir des grossesses répétées que de faire un maximum d’enfants comme tous les peuples nomades.
    Le culte de la femme enceinte "reine" associé au culte de l’enfant roi sont tout à fait récents. Ils appartiennent à notre société de consommation et aux progrès de la médecine occidentale ainsi que le culte de l’épanouissement de la femme dans la maternité ! Allez demander aux ouvrières du début du siècle ce qu’elles pensaient de leurs grossesses à répétition : l’avortement clandestin laissait sur le carreau pas mal de femmes qui préféraient prendre ce risque plutôt que de devoir tuer leur nourrisson à la naissance faute de ne pouvoir assurer leur survie !Quant aux bourgeoises, elles confiaient rapidement leur progéniture à des nourrices et leur éducation à des précepteurs.

    Il me semble qu’il serait temps aussi de parler enfin d’érotisme et de sexualité en Préhistoire plutôt que de culte à la fertilité. En effet, en réduisant le rôle des femmes préhistoriques à la maternité, on rejoint le terrain des hommes et des préhistoriens (surtout du début du 20ème s. qui étaient pour la grande majorité des écclésiatiques et donc, forcément perturbés par le sexe en général). La Préhistoire est encore un monde grandement masculin... et ils défendent leur territoire comme tout animal menacé par une invasion de préhistoriennes féministes. Ha !Ha !Ha !

    Quant à s’attacher au mythe d’une hypothétique déesse ne veut pas dire forcément non plus que la vie des femmes préhistoriques ait été plus clémente parce qu’on honorait une déesse.
    Il me semble que le Néolithique fut une période charnière où le culte à la fertilité d’une Terre Mère semble se confirmer alors que la vie des femmes au Néolithique devient une vie certainement plus difficile et plus rude avec l’apparition de l’agriculture, l’élevage et les maternités nombreuses et non contrôlées.

    J’ai peut être à tord l’impression que le statut de la femme préhistorique aux alentours de - 33000 à - 18 000 a été bien différent et plus avantageux que celui des femmes autour de - 6 000 ans. Dès que l’on se rapproche du début de notre ère, les femmes deviennent de plus en plus les esclaves de l’homme... Je suis en recherche personnellement de ce moment crucial où le statut de la femme a radicalement changé et les années où elle fut considérée comme elle l’est toujours du reste, l’inférieure, le sexe faible etc. J’ose penser qu’il n’en fut pas toujours ainsi...

    Cependant, je tiens à dire que nous avons grandement besoin de préhistoriennes qui réhabilitent le statut de la femme en Préhistoire et vos idées ne sont totalement inintéressantes, loin de là. J’ai juste parlé des points sur lesquels je suis en désaccord avec vous.

    Je ne suis qu’une simple passionnée de Préhistoire et je vous invite à visiter mon site www.prehistoirepassion.com à but touristique et initiatique plus que scientifique.

    Bien à vous et bonne continuation/ Patricia MILAN

    • TRAVAUX ET RECHERCHES de PATRICIA MILAN
      16 novembre 2005 , par
        [retour au début des forums]
      http://www.prehistoirepassion

      Madame, Monsieur,
      L’ntérêt que je porte aux Grottes Ornées est trés récent.En 2005,dans le département du Lot,par un effet du hasard,j’ai été en contact avec le propriétaire d’un terrain sur lequel a été découvert plusieurs grottes ornées de dessins rupestres.
      J’ai lu, le rapport de ces découvertes réalisé par des scientifiques de Toulouse. Vu mon intérêt, j’ai pris connaissance sur Internet des travaux de plusieurs chercheurs, sur de magnifiques sites, dont ceux de Patricia MILAN.
      J’aimerai si possible avoir les coordonnées Internet de cette derniére, afin de lui communiquer quelques questions et lui exprimer mes félicitations pour ses travaux. Mercide votre réponse.Cordialement.
      Jacques JARRY St Cyrl’Ecole 16.11.05

      [Répondre à ce message]

      • > TRAVAUX ET RECHERCHES de PATRICIA MILAN
        19 décembre 2005 , par
          [retour au début des forums]

        cher Mr Jarry,

        Vous pouvez me contacter à patmil@wanadoo.fr mais si vous allez sur mon site www.prehistoirepassion.com, vous trouverez un lien vers ma boîte aux lettres si vous cliquez sur mon nom.

        Amicalement/ Patricia MILAN

        [Répondre à ce message]

      • > TRAVAUX ET RECHERCHES de PATRICIA MILAN
        10 décembre 2007 , par
          [retour au début des forums]
        Réponse sur la Vénus de Willendorf

        Si les proportions du corps de la Vénus de Willendorf ont, à votre avis, été exagérées, peut-être qu’il s’agit tout simplement d’une représentation de la Déesse Terre Mère et pas d’une illustration réelle de la femme préhistorique.
        Vous remarquerez cependant la gestuelle des bras et des mains posées sur sa poitrine, le fait qu’elle n’a pas de visage et qu’elle pouvait très bien se transporter facilement et se ficher en terre. Ces éléments sont d’une très grande importance à mon sens bien qu’évidemment je ne peux vous en donner aucune explication.

        De même si vous regardez certaines peintures du Paléolithique Supérieur, vous vous rendrez compte que certains animaux appartiennent tous à un certain style selon les différentes époques et ne ressemblent pas réellement à des bisons ou des chevaux etc. (les sabots ronds des chevaux de Lascaux, les têtes des bisons d’Altamira qui ressemblent étrangement à des figures plus ou moins humaines...)

        Enfin, en ce qui concerne les anthropomorphes, les "fantômes", les "sorciers" comme celui de la Grotte des Trois Frères, on ne peut pas dire non plus qu’ils soient franchement réalistes.

        Que dire aussi de tous les animaux dits "fantastiques", dont chaque partie appartient à un animal différent voire imaginé ?

        Pour appréhender la Préhistoire, il faut oublier nos propres clichés sur l’art tel que nous le connaissons.
        La vérité n’est pas lointaine, nous en sommes juste séparés par nous-mêmes et nos façons de penser du 21ème siècle.

        Bien amicalement/ Patricia MILAN

        [Répondre à ce message]

    • > Des femmes à l’origine de l’art ?
      16 janvier 2006 , par
        [retour au début des forums]

      Chère madame,

      Il y a une grande difficulté, voire une impossibilité à comprendre le passé lointain, en ce servant de notre environnement actuel.

      Aux environs de -28000 ans, nous sommes en pleine période glaciaire, et elle concerne un territoire autrement plus vaste que ne le montrent les cartes des glaciologues spécialistes des seules vallées en U. Parfois, les glaciers arrivent jusqu’à l’emplacement du Paris actuel, et ils couvrent aussi la Bretagne et le massif-central, sans parler des autres massifs. On passe en Angleterre à pied sec, et le niveau des océans a baissé de 200 m.

      Les hommes sont rares, et ils manquent souvent de disparaître sur de très vastes territoires. Dans un clan humain de quelques dizaines de couples avec enfants, on peut passer toute une vie sans jamais rencontrer une autre tribu. Un clan familial peut aussi occuper une grotte-habitat (bien différentes des grottes-peintures) pendant des périodes continues pouvant atteindre le demi-millénaire.

      La moyenne de vie n’est, chez les femmes, que de 25 ans (elle est encore moins élevée pour les représentants mâles). Une femme ne voit jamais ses menstrues, et si elle les voit, on la fait soigner par le chaman du clan. Tout comme dans les dernières sociétés primitives qu’il a été possible d’observer, les humains ne font pas de relation directe entre l’activité sexuelle (qui commence très tôt et bien avant la nubilité), et les grossesses qui surviennent les unes après les autres dès que le bon âge est atteint. Cela ne manque pas d’être très incroyable, pour nous, de la civilisation post-Ogino.

      Pour le démarrage d’une grossesse, il est bien clair, pour ces gens du glaciaire, que l’intervention des dieux s’est produite. Grâce aux dieux, le clan peut se perpétuer, et il aura toujours des jeunes et solides chasseurs qui lui permettront de manger.

      Dans les rares oeuvres malhabiles qui sont arrivées par miracle jusqu’à nous, il nous faut donc bien voir la preuve des cultes et des incantations, même si nous ne pouvons en comprendre le sens exact. L’érotisme n’en est, bien sûr pas absent, car les hommes et les femmes n’ont pas honte, alors, de leurs pulsions sexuelles et encore moins de leur animalité, qui fait des autres animaux leurs frêres (d’où les représentations abondantes d’animaux dans les grottes-peintures, pour sacraliser les prélévements de l’homme, sur les autres espèces).

      Le phallus de pierre fonctionnel, qui a été trouvé récemment dans une grotte occupée à l’époque glaciaire, dans l’Allemagne actuelle, peut éventuellement indiquer une recherche du plaisir féminin (les nombreux phallus votifs, certes plus tardifs, sont bien différents). C’est une découverte considérable, même si elle fait sourire les indélicats. Elle n’indique pas non plus une société dominée par les hommes. D’ailleurs, c’est l’époque des "déesses mères", et lorsque les dieux sont féminins, cela indique plutôt un rôle partagé ou un matriarcat (mais jamais une domination). De toute façon, cet objet-plaisir est très incroyable dans une période si ancienne, car, pour nous les européens, il faudra attendre Ambroise Paré pour qu’il nous dise, enfin, que plaisir féminin et fécondité sont très liés (dans un des plus beaux textes du patrimoine écrit de l’humanité).

      Alors, qu’avons nous d’un petit peu commun, nous les trops modernes, avec ces tribus du glaciaire trop archaïques ? Nous avons une chose qui nous lie et que nous ne voyons pas encore. Notre environnement chimique est souvent si mauvais, que la reproduction des insectes et des animaux est en péril, et que pour l’animal homme, le constat est tout aussi alarmant (même si la population mondiale continuera de grimper, avant de s’effondrer). Au glaciaire, c’est le froid qui a failli entraîner notre extinction, cette fois c’est notre bêtise et notre cupidité, mais le danger est identique. Et, nous n’avons même plus de grottes qui nous mettraient vraiment à l’abri ! Et, nous n’avons plus non plus de grottes-peintures pour aller dessiner nos espoirs et nos craintes, en ne recevant, en retour, qu’un si profond silence venant des dieux ! Aucune raison d’être fiers !

      Quant à l’époque du basculement du sort des femmes, il est difficile de le déterminer, surtout qu’il doit être différent suivant les parties du monde. N’est-il pas cyclique ?
      Ce qui est sûr c’est que pour cela aussi, il y a un terrible manque d’éducation et d’intelligence, et lorsqu’une religion vient encore en rajouter, cela peut parfois donner une véritable catastrophe. Ce n’est pourtant pas la peine d’augmenter les défauts génétiques, car chacun sait que de par leurs hormones et leur fabrication, les hommes sont toujours attirés par les guerres et le pouvoir. De même, pour des raisons toutes aussi hormonales et de fabrication, les femmes sont plus attirées par la paix et le bonheur des enfants.

      Bien cordialement.
      Georges

      [Répondre à ce message]

      • > Des femmes à l’origine de l’art ?
        3 février 2006 , par
          [retour au début des forums]

        Cher Georges,

        Je ne sais pas si par ce "Chère madame", vous vous adressez à l’auteur de l’article ou à moi... Cependant, je ne peux résister à l’envie de répondre à votre délicieux courrier.

        Comme vous le dîtes vous-mêmes, nous avons peu d’indices nous permettant de comprendre la vie sociale des groupes d’humains qui vivaient à ces périodes reculées. Vous parlez de "grotte-habitat". S’agit-il d’abris sous roche ou pensez-vous à un de ces rares exemples comme la grotte de Pair-Non-Pair par exemple, qui fut à la fois habitée et ornée ou encore à autre chose d’intermédiaire ?

        Quels sont les éléments qui vous permettent d’affirmer que les femmes "ne voient jamais leurs mentrues et si elles les voient, on les fait soigner par le chaman du clan" ? Les règles auraient donc été considérées comme une maladie à éradiquer ? Dans cette perspective, il est en effet difficile d’imaginer que ces peuples aient pu, du moins pour certains, pratiquer le contrôle des naissances... Il était pourtant essentiel à ces groupes de rester en nombre limité pour assurer leur survie. A partir de quelle époque, pensez-vous alors, que la connaissance des plantes par exemple, et notamment de celles qui avaient des vertus abortives, a été usitée ? Il est certain qu’il est difficile d’imaginer pour "les générations de la pilule" que durant des millions d’années, les femmes, au risque de leur vie, ont pratiqué l’avortement, mais cela n’en reste pas moins une vérité. Je ne dis pas non plus que cela remonte à l’ère glaciaire (ou les plantes devaient être plus rares) mais après tout, pourquoi pas ?

        Si je suis bien d’accord avec vous au sujet de l’hypothèse de l’ignorance des humains concernant le démarrage des grossesses (du moins pour les hommes), je vous avoue que je suis interloquée par votre remarque sur l’art pariétal et mobilier que vous citez comme "les rares oeuvres malhabiles qui sont arrivées par miracle jusqu’à nous". Vous pensez vraiment ce que vous dîtes ? Si c’est le cas, je vous propose de vous emmener en promenade un de ces jours avec moi dans une grotte ornée... Finalement, il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis !

        Encore une fois, j’abonde dans votre sens quand vous parlez des pulsions sexuelles assumées sans honte ainsi que de notre animalité. Il paraît presque certain que la sexualité au Paléolithique supérieur était sans doute très différente de la nôtre, du moins dans les codes. Je suis ravie de constater que vous n’en excluez pas l’érotisme, ni je l’espère, la sensualité qui transparaît souvent dans les oeuvres d’art et qui semble totalement vous échapper.

        Je vous suis bien moins concernant les cultes aux "déesses mères" qui auraient soi-disants eut lieu durant le Paléolithique supérieur. A mon avis personnel, ils sont bien plus récents. Parler de culte à la feritilité me semble complétement déplacé et un peu trop "facile" également. Seules les statues nommées "Vénus" nous donnent quelques indices à ce sujet. Ces petits bijoux d’une finesse exquise ne nous renseignent hélas pas vraiment quant à leur utilisation ou leur utilité.

        Quant aux phallus, il en existe de très impressionnants. Je ne connais pas celui qui a été découvert en Allemagne mais celui de la grotte d’Isturitz, soigneusement dissimulé dans une vitrine, m’a laissé rêveuse, si je puis dire. Simple oeuvre d’art ou objet utilisé en sexualité ? Pour celle des hommes ou celle des femmes ? Par des hommes avec d’autres hommes, pour des femmes avec d’autres femmes ou pour des hommes avec des femmes ? Voyez-vous, je ne suis absolument pas certaine que les tribus se composaient de "quelques dizaines de couples avec enfants" comme vous. Le couple me semble une notion assez récente dans l’histoire de l’humanité. J’aurai plutôt dit "quelques dizaines d’individus adultes et enfants".

        Notre environnement et notre survie sont directement menacés par Homo Sapiens Sapiens, je ne vous dirai pas le contraire. L’Homme Sage Sage qui a souvent tout du garnement et à qui on voudrait donner une bonne baffe de temps en temps pour lui rappeler qu’il devrait être plus humble et moins agressif vis à vis de ce qui l’entoure : nature, animaux, autres humains. A croire que notre destruction était déjà programmée dans nos gènes comme notre existence dès le départ.

        Amicalement / Patricia MILAN
        www.prehistoirepassion.com

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    • > Des femmes à l’origine de l’art ?
      7 octobre 2007 , par
        [retour au début des forums]

      je n’ai qu’une remarque à soumettre, concernant la vénus de willendorf (je ne me permettrait pas de soulever le reste).
      ressemblant effectivement davantage à une vieille femme aujourd’hui, ou même à une femme de 30 ans un peu trop ronde, ne pourrait-on pas penser que l’artiste a simplement exagéré les proportions du corps ?

      [Répondre à ce message]

    • de vieille femme préhistorique
      21 octobre 2007 , par
        [retour au début des forums]

      Salut je ne fait que chercher de l’information sur la vieillesse de la femme préhistorique et je n’en trouve pas vous pourriez rajouter cela dans votre texte !!!

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      • > de vieille femme préhistorique
        10 décembre 2007 , par
          [retour au début des forums]
        La ménopause au Paléolithique Supérieur

        Je ne me permettrai pas de parler de ce que je ne connais pas.

        Je ne connais pas l’espérance de vie des femmes au Gravettien mais je suppose que les conditions de vie étant assez rudes, la mortalité féminine devait être assez élevée (tout comme la mortalité infantile ou masculine). Le taux des femmes mourrant lors d’accouchements devait être relativement élevé, vous ne croyez pas ? Les accidents de chasse, les chutes etc.

        Cependant, ce que nous savons des 600 squellettes à peu près à notre disposition durant cette époque du Paléo Sup, c’est qu’il s’agissait d’individus plutôt grands (dans les 1,70 m pour les hommes), que leur dentition était bien meilleure que celle des invidus du Néolithique par exemple et qu’ils n’avaient pas certaines maladies notamment dûs à des virus comme elles sont apparues au Néolithique à cause de la promiscuité homme/animal quand les humains sont devenus des sédentaires qui ont cultivé et domestiqué.

        Y avait-il des femmes ménopausées au Paléo Sup ou qui arrivaient jusqu’à la ménopause ? La question reste entière. Mais pourquoi pas après tout ?

        [Répondre à ce message]

    l’image de la femme dans l’art paléolithique
    21 mai 2005 , par   [retour au début des forums]

    vous semblez ignorer les travaux du dr duhard sur le "réalisme de l’image féminine paléolithique" (Cahiers du Quaternaire, CNRS)


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