En passant à la trappe la résolution que les militants du conseil national venaient d’adopter en faveur de la nationalisation de l’industrie éolienne, en fin de semaine, le chef André Boisclair confirmait une fois de plus le fait que le Parti québécois fonctionne comme une formation politique à deux étages. Au premier étage se trouvent les militants et les instances du parti qui élaborent le programme de façon démocratique. Au deuxième, trône le chef qui, avec sa garde rapprochée et un exécutif national impuissant sinon complice, modifie à sa guise la volonté des militants exprimée sur le parquet des instances.
« On se ramasse dans du mou et dans du flou (...) On ne peut parler des deux côtés de la bouche en même temps », a déploré le président du groupe progressiste SPQ libre affilié au PQ, Marc Laviolette, après ce camouflet. La position de M. Boisclair sur l’énergie éolienne ressemble d’ailleurs beaucoup plus à celle du premier ministre Charest qu’à celle du Conseil national de son parti. J’espère que les progressistes encore fidèles au PQ comprendront enfin la leçon. Pendant qu’au premier étage, on les laisse discuter du programme dans les instances, les décisions cruciales sont prises au deuxième étage par quelques individus dans l’atmosphère feutrée d’un club privé, comme ça se pratique d’ailleurs dans tous les partis traditionnels où le programme, ou ce qui en tient lieu, est considéré comme un hochet pour occuper les militants.
Un incident semblable s’est produit, il y a quelques semaines, alors que le chef Boisclair a tourné le dos à l’article 1.2.3 du programme qui contient les engagements du parti relatifs à la souveraineté d’ici les prochaines élections. Ce dernier avait été adopté lors du congrès de 2005 suite à « la saison des idées » qui voulait assurer le renouveau démocratique du parti. Depuis, il a refusé de préciser la démarche qu’un gouvernement péquiste entendait privilégier dans ce domaine sous prétexte de ne pas faire de « stratégie ouverte ». Cette attitude signifie, comme s’est chargé de le préciser le chef bloquiste Gilles Duceppe, que la population québécoise devra attendre le déclenchement en bonne et due forme d’une éventuelle campagne référendaire avant d’en savoir davantage.
Pense-t-on pouvoir jouer à cache-cache avec l’électorat d’ici là ? Il est d’ailleurs symptomatique que le chef péquiste, malgré ses professions de foi répétées envers le programme, n’ait pas encore mentionné un autre engagement important qui y est inclus. Celui d’entreprendre, après une victoire péquiste mais avant la tenue d’un référendum, un vaste exercice de démocratie participative prévoyant la mise en place de lieux de parole collective où les gens pourraient s’exprimer sans contrainte. Cette omission vient du le fait que plusieurs dirigeants péquistes n’ont toujours pas compris l’enseignement des événements survenus ces dernières décennies. Ainsi, ils ne semblent toujours pas avoir réalisé que le Québec n’accèdera pas à la souveraineté grâce à une conjoncture politique momentanément favorable. Créer un pays est un défi beaucoup plus exigeant que de prendre le pouvoir grâce à une embellie électorale dont on profiterait astucieusement pour aller décrocher une mince majorité dans un référendum. Si on veut un règlement durable de la question nationale, il faut que souveraineté politique se conjugue avec souveraineté populaire ; non seulement dans l’urne référendaire mais tout au cours du processus qui y mène.
Paul Cliche, militant progressiste membre de Québec solidaire
Mis en ligne sur Sisyphe, le 31 octobre 2006