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mardi 9 janvier 2007

Des coupures antidémocratiques à Condition féminine Canada

par Kathleen O’Grady






Écrits d'Élaine Audet



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Au-delà des coupures budgétaires, un changement fondamental de la mission de Condition féminine Canada et l’abandon de la lutte pour l’égalité.

Les dernières semaines ont été marquées par deux moments importants dans l’histoire des droits des femmes au Canada, moments clairement contradictoires.

Le 10 décembre dernier, on soulignait le 25e anniversaire de la ratification par le Canada de la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, une victoire à célébrer. Mais cette dernière semaine a aussi été le théâtre d’une série de débats sur la Colline menés par le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes dans le but d’évaluer la réponse aux récentes coupures budgétaires et réformes faites à Condition féminine Canada (CFC) et mises en branle par le gouvernement conservateur en place. Et quelle a été la réponse jusqu’à présent ? Disons simplement que les organisations de femmes à travers le pays ne sont pas prêtes à baisser les bras.

Beverley Oda, la ministre responsable de la Condition féminine, a récemment annoncé des réformes radicales à CFC au nom de la « rationalisation » et de « l’efficacité ». Ces changements se traduisent par des coupures importantes au budget de fonctionnement de CFC (une perte de 40 %) et par la fermeture subséquente de bureaux régionaux de CFC (qui sont passés de 16 à 4).

Ces réductions économiques considérables imposées au budget déjà minuscule de CFC, durant une période prospère de l’économie canadienne et alors que le gouvernement fait état d’un excédent budgétaire (constant), ont provoqué un concert de huées et de revendications chez les partis de l’opposition à l’endroit du Parti conservateur au pouvoir. Les analystes de la presse s’interrogent également, à juste titre, sur les raisons pour lesquelles le gouvernement conservateur cherche à réaliser des économies superficielles en s’en prenant aux organisations - des groupes communautaires de femmes de partout au pays - qui peuvent le moins se le permettre, leur enlevant littéralement la chemise sur le dos.

Cependant, ce qui est souvent passé sous silence, dans le mécontentement général entourant les coupures infligées à CFC et dans la couverture que les médias en ont fait, c’est le changement fondamental apporté au mandat de CFC, un changement qui va bien au-delà de l’aspect monétaire et qui devrait faire réagir toute personne intéressée par une saine démocratie.

Alors que la couverture médiatique et les préoccupations portaient sur la fermeture de bureaux régionaux de CFC, les mots « égalité », « défense » et « action » ont été retirés en douce des modalités du mandat de CFC et de divers documents de CFC, notamment son site Web (un processus de suppression inacceptable visant à changer l’Histoire - et emprunté directement à l’administration Bush et à sa façon de traiter les organisations de femmes aux États-Unis).

De plus, la ministre Oda a éliminé presque toute l’aide financière destinée à la recherche sur les femmes et sur les enjeux féminins et a fait en sorte que les organisations de femmes participant à des activités de défense de droits ou de lobbying n’aient plus accès au financement de CFC. Parallèlement, Mme Oda a décrété que les organismes à but lucratif sont désormais admissibles au financement de CFC.

Que veut dire tout cela ? Cela signifie que si les sociétés Shell, Microsoft ou Bell veulent mettre en place un programme de stages pour femmes, elles peuvent obtenir l’argent des contribuables pour le faire ; à l’inverse, votre organisation pour femmes œuvrant à l’échelle régionale, provinciale/territoriale ou nationale et traitant quotidiennement avec des femmes et des familles canadiennes par rapport à des questions de violence, de santé ou de pauvreté n’est plus en droit de recevoir le financement gouvernemental de CFC pour faire de la recherche, de même qu’elle ne peut plus faire bénéficier les représentants du gouvernement ou les décideurs gouvernementaux de ses connaissances et de son expérience.

Certains critiques ont déclaré que les coupures à CFC étaient idéologiques et, par conséquent, pas tellement surprenantes de la part d’un gouvernement de droite. En implantant fermement ces nouvelles mesures de resserrement à CFC, le gouvernement conservateur tente clairement de museler les femmes de partout au pays.

Mais ce qui est ironique dans tout cela, et à la fois contradictoire, c’est que ce gouvernement s’est fait élire sur la base d’une plateforme de responsabilisation, de démocratie et d’élaboration de politiques fondées sur des données probantes. Les organisations communautaires de femmes à travers le pays, dont bon nombre ont reçu leur financement de CFC, exercent un rôle et une fonction démocratiques essentiels en tant que mécanisme de responsabilité pour le gouvernement, en s’assurant que les politiques sont fondées d’abord et avant tout sur des faits (la recherche) et sur l’expérience (contact direct avec la population), de même que sur les besoins réels des femmes canadiennes et de leurs familles.

L’important travail de défense qu’accomplissent les organisations de femmes, loin d’être partisan, est un moyen fondamental pour continuer d’éduquer nos représentants élus sur ce qui se passe à l’échelle régionale dans ce vaste pays, et de les inciter à agir. Il s’agit là d’une voix essentielle du discours public qui ne fait que rendre les politiques gouvernementales plus fortes, plus complètes et mieux éclairées.

Les conflits d’opinion et les débats soulevés par les organisations de femmes à l’endroit des représentants ou des ministères du gouvernement ne devraient pas être craints ou réprimés par le gouvernement conservateur, ni par aucun gouvernement, mais plutôt vus comme le signe d’une démocratie saine et vigoureuse.

Un gouvernement qui est à l’écoute des personnes qui travaillent directement sur le terrain et qui font une différence est un gouvernement responsable. Un gouvernement qui collabore avec les organisations répondant aux besoins directs des citoyens canadiens est un gouvernement suffisamment souple et adaptable pour gouverner l’ensemble des Canadiens et Canadiennes.

Le gouvernement Harper fait, en outre, totalement fausse route s’il croit que les Canadiens et Canadiennes considèrent l’égalité - que ce soit celle des femmes ou de quiconque - et la défense des droits à l’égalité, comme un enjeu partisan ou idéologique. Les organisations communautaires de femmes de notre pays emploient une multitude de femmes et d’hommes aux allégeances politiques diverses, et travaillent pour le compte de collectivités qui votent pour tous les partis politiques.

L’égalité est une valeur canadienne, et non une option idéologique. Défendre les droits à l’égalité afin d’améliorer les programmes et politiques publiques ne constitue pas un enjeu partisan, mais simplement une bonne politique publique. Et financer les organisations (avec des sommes dérisoires) dans le but d’informer nos représentants élus sur ce qu’elles savent - à la fois par la recherche et l’expérience - peut uniquement profiter à toute la population canadienne, et assurer la prestation de services la plus efficace à tous les contribuables de nos régions.

Le gouvernement Harper se trompe également s’il croit que l’égalité des femmes est pleinement réalisée ou que ce combat a été gagné (sans efforts) et qu’il est maintenant terminé. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Selon Statistique Canada (2006), 1 Canadienne sur 9 vit dans la pauvreté et les femmes gagnent toujours seulement 70,5 % du salaire des hommes pour un travail à temps plein ; de plus, la plus grande partie des soins non rémunérés (prodigués aux enfants, aux personnes âgées et aux personnes invalides) continue d’être accomplie par des femmes. Trop de femmes sont encore victimes de violence conjugale. Et la liste pourrait s’allonger ; de toute évidence, il reste beaucoup de travail à faire.

Il existe, bien sûr, de nombreuses façons de s’attaquer aux problèmes d’injustice de notre pays, et les moyens et méthodes pour y arriver peuvent devenir la source de discussions partisanes ou idéologiques. Toutefois, faire taire les personnes travaillant directement avec les collectivités qui méritent le plus notre attention n’aide personne. Et cela ne fera certainement pas disparaître les besoins de ces collectivités.

Les organisations communautaires possèdent des connaissances et une expérience qui devraient faire partie intégrante du discours éclairant le processus décisionnel. Soutenir des organisations qui revendiquent l’égalité inhérente à notre Charte et qui travaillent à préserver des valeurs d’égalité dont tous les Canadiens et Canadiennes peuvent être fiers, peut seulement faire du Canada un pays encore meilleur.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 décembre 2006



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Kathleen O’Grady
Réseau canadien pour la santé des femmes

L’auteure est associée de recherche à l’Institut Simone-de-Beauvoir de l’Université Concordia et directrice des communications du Réseau canadien pour la santé des femmes.



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