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mercredi 26 mars 2003

La guerre dans les médias

par Élaine Audet et Micheline Carrier






Écrits d'Élaine Audet



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Malgré la désapprobation de la majorité des pays du monde et de leurs populations, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont commencé à attaquer l’Irak au matin du 20 mars, vers 6h30, heure locale. Les médias s’en donnent à coeur joie : c’est pour eux l’occasion rêvée de se faire concurrence dans un domaine où ils excellent, le spectacle.

Au téléjournal de Radio-Canada, il fallait voir "l’ego gonflé" de Stéphane Bureau incapable de dissimuler son excitation d’être propulsé tout à coup à l’avant-scène médiatique. Comme si l’auditoire de Radio-Canada était incapable de comprendre le minable discours du président Bush annonçant le début de l’agression américaine contre l’Irak, des experts et des journalistes tentaient de le lui expliquer.

Et Bureau de qualifier de "fort" le discours de Bush et d’insister sur le fait que le président a précisé ne viser que le dictateur Saddam Hussein, non la population civile irakienne. "Nuance", dit "l’ego gonflé", presque en extase devant tant de "sagesse" américaine. Comme si le dictateur et sa suite allaient agiter des drapeaux pour signaler leur présence... On veut nous faire croire qu’on peut détruire et envahir un pays sans préjudices pour sa population, comme on ferait une omelette sans casser des oeufs.

Peut-on attendre impartialité et sens de la justice de la part des médias nord-américains au cours de cette guerre ? Puisque les bombes ont commencé à pleuvoir sur l’Irak, plusieurs se rangeront du côté du plus fort et rapporteront le conflit comme s’il était un roman feuilleton. C’est le cas, notamment, de la journaliste Lysiane Gagnon. J’étais contre la guerre pour toutes sortes de raisons, écrit-elle dans "La Presse" et "The Globe & Mail". (1) Mais puisque la guerre a été déclenchée, pourquoi les pacifistes critiquent-ils les États-Unis au lieu d’exercer des pressions sur Saddam Hussein ? C’est ce qu’on peut appeler des convictions "élastiques" et la soumission à la loi du plus fort. Il ne semble pas traverser l’esprit de la journaliste que l’entêtement aveugle de George W. Bush puisse être une menace aussi sérieuse pour le monde que la dictature de Saddam Hussein. À moins que Lysiane Gagnon ait fait sienne l’opinion de Bush qui voit le Bien du seul côté de l’Amérique et le mal du seul côté de Saddam Hussein.

Par esprit de clocher ou esprit de clan, les médias saisiront le moindre prétexte pour justifier l’agression, l’invasion et bientôt l’occupation de l’Irak par les États-Unis. On ne nous épargnera pas la nature, la taille et le nombre des bombes et des missiles, comme si cela avait de l’importance en regard de la destruction d’un pays et du meurtre planifié de son président. On relaiera la propagande américaine : un bombardement "humanitaire", des "bombes intelligentes" qui épargneront la population civile, une guerre pour "libérer" l’Irak d’un tyran et instaurer la démocratie, etc.

"Ce serait vraiment extraordinaire si cette guerre ne faisait pas de victimes civiles", s’est exclamé avec le plus grand sérieux un animateur de la radio de Radio-Canada. En supposant qu’une telle chose soit réaliste, cette guerre serait-elle pour autant une "bonne" guerre, justifiée et légale ? La destruction de son pays ne peut que nuire à la population qui y vit.

Sur le terrain, les bavures militaires remettent en question les affirmations maintes fois répétées par Rumsfeld & cie selon lesquelles les frappes chirurgicales de l’armée américaine sont exemptes d’erreurs et n’atteindront pas les populations civiles. Difficile de le croire quand nous apprenons que les fusées des Américains sont si précises qu’elles abattent leurs propres avions et hélicoptères !

Devant la promesse de George W. Bush de "libérer" les Irakien-nes de leur dictateur de président et d’instaurer la démocratie dans un pays qu’il se propose d’occuper, on pourrait se montrer plus critique et cesser de parler d’une guerre de "libération" comme d’un fait. La télévision nous a pourtant montré des soldats américains qui remplaçaient le drapeau de l’Irak par le drapeau des États-Unis, symbole d’une prise de possession plus que d’une libération. Une guerre préventive désapprouvée par la majorité de la population mondiale peut-elle représenter un exemple convaincant et une garantie de la démocratie à venir ? De la vingtaine de pays que les États-Unis ont occupés depuis la Deuxième Guerre Mondiale, lesquels ont par la suite pu bénéficier d’un gouvernement démocratique, respectueux des droits humains ? La Corée, l’Indonésie, le Cambodge, le Guatemala, l’Irak, l’Afghanistan, la Yougoslavie ?

Dans les souliers d’Hitler

Lors de la grande manifestation du 22 mars à Montréal, on pouvait lire sur une pancarte : Tours jumelles=Reichstag. On se rappellera que, sous l’instigation des nazis, un incendie a détruit, le 25 février 1933, le Reichstag (Assemblée législative de la république de Weimar en Allemagne). Hitler accusa les communistes, ce qui lui permit de les mettre hors la loi, d’effectuer des milliers d’arrestations et d’instaurer un régime d’exception. Rapprochement judicieux quand on sait que la CIA avait été prévenue des attentats du 11 septembre mais n’en a pas tenu compte. L’attaque contre les tours du World Trade Center est venu à point nommé donner carte blanche à un président élu frauduleusement pour faire main basse sur le monde au nom de l’anti-terrorisme. Selon plusieurs analystes, avant même le 11 septembre, l’administration Bush avait planifié l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak.

En regardant quotidiennement les émissions de télévision sur cette guerre, on se rend compte à quel point la déshumanisation et la banalisation de l’horreur ont progressé dans les médias et au sein des sociétés. Imaginons seulement qu’en 1943, le régime nazi analyse et soupèse dans les médias les mérites respectifs des diverses bonbonnes utilisées dans les chambres à gaz pour exterminer le peuple juif. On aurait protesté vigoureusement. Pourtant, depuis le 20 mars, des experts ne cessent de faire la promotion en long et en large de l’arsenal militaire américain en nous détaillant les vertus " intelligentes ", propres, et véritablement destructrices massivement des bombes à fragmentation, à uranium appauvri, des diverses fusées, des missiles de croisière ou patriotes, des super bombardiers et des avions invisibles pour les radars. Comme si les " bénéficiaires " de ce merveilleux arsenal ne seraient pas des femmes, des hommes et des enfants comme vous et moi. N’est-il pas totalement obscène et scandaleux de la part des journalistes de relayer une telle désinformation ?

Sans doute par souci d’ "objectivité", l’éditorialiste du "Devoir", Jean-Robert Sansfaçon, essaie pour sa part de répartir les torts : il n’y a pas de bon et de méchant dans cette guerre, écrit-il. " Si George Bush n’a pas le droit pour lui, il a son peuple derrière lui. Quant à Saddam Hussein, il n’a rien pour lui, que son rôle de dictateur."(2) Tiens donc ! Une nouvelle règle ! Parce qu’une population suit aveuglément un chef dans son entêtement, ce chef aurait donc le droit d’aller assassiner un autre chef d’État et d’occuper un pays souverain. Hitler voulait créer une race supérieure et se croyait de cette race. Il voulait aussi acquérir le contrôle du monde - c’était son ultime ambition, comme c’est l’ambition de Bush et comme c’était celle de ses prédécesseurs. Les actes d’Hitler étaient-ils moins criminels parce que la population allemande le suivait passivement ?

Sansfaçon blâme Saddam Hussein de ne pas avoir quitté l’Irak, comme les États-Unis le lui avaient demandé : "S’il avait vraiment voulu protéger les siens d’une attaque annoncée, Saddam Hussein aurait dû quitter son pays." L’agresseur ne serait pas responsable des conséquences de son agression, mais ce serait plutôt l’agressé. Un raisonnement très "rationnel"... C’est comme les femmes agressées... qu’est-ce qu’elles faisaient à cette heure-là sur le chemin de leurs agresseurs ? Ne les a-t-on pas prévenues que le monde ne leur appartient pas ?

On nous accusera peut-être d’anti-américanisme primaire, ce que nous récusons. Nous ne sommes pas hostiles aux États-Unis ni à sa population, nous désapprouvons les actes de l’individu agressif et prétentieux qui veut imposer sa volonté au reste du monde et qui a pour nom George W. Bush. "Nuance !"

Sources

l. L. Gagnon, "Neutrality doesn’t cut it any more", dans The Globe & Mail, le 24 mars 2003.
2. J.-R. Sansfaçon, "Une guerre précipitée", Le Devoir, le 20 mars 2003.

Mis en ligne sur Sisyphe le 24 mars 2003



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Élaine Audet et Micheline Carrier



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    Pour une analyse plus détaillée du rôle des médias en période de guerre, je vous conseille la lecture du livre suivant :
    Marc Hecker, La presse française et la première guerre du Golfe, Paris, L’Harmattan, 2003 (préface de JC Guillebaud, postface d’Alain Gresh).


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