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jeudi 13 mars 2014

Vatican VS mafia - Qui lave les péchés du monde ?

par Sylvie Bergeron, auteure, éditrice, coach, conférencière






Écrits d'Élaine Audet



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Le pape François 1er détonne et étonne. Il exhorte la mafia à une conversion de sa « mauvaise foi ». Pourtant, à leurs propres yeux « Les ’ndranghestiti sont pieux », relate cet article du Figaro, « Quand le pape défie la mafia » (1). Irritée, la mafia se sent injustement traitée car, lorsqu’elle tue, cela est juste et bon : personne n’a le droit de violer les règles de la ’Ndrangheta.

En s’attaquant à sa foi, François 1er veut diminuer le prestige de la mafia calabraise fondé sur l’image dévote des familles criminelles. Soigner cette image pieuse dans les villages est de prime importance pour maintenir son pouvoir sur les clans. Rien n’est plus percutant que de s’offrir une virginité instantanée, en pèlerinage à la vue de tous vers la Madone de la Montagne. Des milliers de personnes présentes peuvent alors témoigner de la ferveur religieuse des familles mafieuses qui se font un point d’honneur de porter le saint patron sur leurs épaules.

Cette mise en scène du parfait paroissien repose sur l’expression de l’idolâtrie et peut prendre vie seulement parce que la cérémonie-spectacle a été grassement payée par les principaux intéressés ; l’Église se le fait d’ailleurs reprocher. Ainsi la ’Ndrangheta chérit sa réputation pour garder le haut du pavé sur la bourgade. Être respecté par le village est au cœur du contrôle social qu’exerce la mafia dans ses affiliations : lorsque nous sommes du même sang, nous sommes redevables. C’est ainsi que de nombreuses familles à travers le monde, sans être criminelles, rendent service à la mafia sur le terrain parce qu’elles sont liées par le sang et que ce sang peut s’expurger : la Madonna lavera tous les crimes et les complices de ces crimes.

Lorsque François 1er invite la mafia à assainir ses mœurs devant Dieu, il écorche durement sa domination en expédiant ni plus ni moins son prestige hors des murs de l’Église. Cette humiliation portée aux familles mafieuses, elles ne la digèrent pas.

Le souverain pontife risque-t-il sa vie lorsqu’il décide de s’attaquer ainsi à l’intégrité des croyants ’ndranghetiti ? Dans le très détaillé livre Gomorra (2) de l’écrivain et journaliste Roberto Saviano, il décrit les parrains les plus charismatiques comme des martyrs qui voient leurs actions à l’image d’un chemin de croix. Ce statut, à l’instar des kamikazes, leur octroie la récompense d’implorer la Madonna afin qu’elle protège leur cavale. La Vierge pure les lavera quoi qu’ils fassent.

Saviano relate l’histoire d’un courageux prêtre de village qui a lui aussi tenté de purifier le cœur des mafieux. Pour Don Pépino, « la Camorra » est une famille organisée à des fins criminelles qui punit la trahison et la conversion à l’honnêteté. La Camorra prend tous les moyens pour consolider l’idée de cette « famille » en instrumentalisant les sacrements de l’Église. Don Pépino a voulu signifier aux gens du village la démarcation entre la réelle communion et le rôle du parrain. Il a cherché à distinguer nettement les pactes et alliances des clans, des symboles religieux. Personne n’avait jamais osé refuser le baptême ou le mariage d’une fille appartenant à une famille mafieuse. Malheureusement, il fut impossible pour ces parrains d’admettre qu’ils n’étaient pas de bons chrétiens. Don Pépino fut assassiné...

Saviano poursuit : « Une famille qui conduit ses affaires dans l’intérêt de ses affiliés estime qu’elle poursuit et garantit le bien de l’organisation au sens chrétien du terme. La nécessité de tuer est vue comme une transgression licite. » Lorsque Accurso estime qu’il a protégé le Québec contre la concurrence extérieure, il croit réellement ce qu’il dit. Et la Madonna le lave de toutes les formes de crimes commandées pour parvenir à contrôler le marché québécois. Le sentiment de faire le mal pour le bien du clan mafieux fait de lui un être pieux, un bon chrétien. Ainsi tous les parrains aiment croire qu’ils se sont sacrifiés pour un monde meilleur.

Mais comment le pape François 1er pourra-t-il humilier nos parrains dans un pays dont le lustre religieux n’a plus d’impact sur la conscience ? Surtout, ne pas sous-estimer le pape : il s’attaque aussi aux banques, au blanchiment d’argent, au pouvoir temporel. Le souverain pontife révolutionne : « Que diriez-vous d’une Église qui n’aurait pas de banque ? », rapporte Le Figaro. François 1er cherche à pousser des pouvoirs sales vers le précipice. Or le pouvoir est le seul enjeu qui intéresse réellement la mafia. La Camorra peut emprunter à des taux très bas avec ses capitaux illégaux, d’où son monopole. Saviano écrit : « Mieux vaut la certitude d’être en situation de monopole que l’incertitude du marché ». Autrement, les mafieux recourent à la violence et à l’intimidation. « Ces stratagèmes rendent impossible la distribution de produits qui ne sont pas soutenus » par la mafia.

Qui a tué Pépino ? La mafia italienne craignait le prêtre plus que la puissance armée de clans rivaux, mais oserait-on tuer le pape ? « Le pouvoir de la Camorra, nous dit encore Saviano, est complexe et bestial ». Que peut l’Église devant une bête ? Que peut le pape devant la détresse de l’humiliation mafieuse qui peut se retourner contre lui ? Le journaliste plante une florissante énumération de philosophies mafieuses : « Si tu ne fais peur à personne... tu n’es pas à la hauteur ». Ou bien : « Sur le marché, tout ce qui rompt les liens politiques et sociaux, tout ce qui encourage une consommation massive et une accumulation exponentielle du pouvoir l’emporte ». Ou celle-ci : « Les armes expriment la répartition des capitaux et des territoires ». Et la plus révélatrice des forces imparties dans notre société : « Dans sa grande sagesse, le pouvoir dispose d’une patience que souvent même les entrepreneurs les plus doués n’ont pas. » En d’autres termes, le clan ne dort jamais, le fonctionnaire, la plupart du temps.

Au Québec, la ’Ndrangheta peut travailler tranquille. Tout le monde dort. Même la Commission Charbonneau n’étanchera pas la soif de pouvoir qui garde en éveil les parrains canadiens.

Qu’on se le dise, le béton, les chantiers appartiennent à des gens pieux, de bons chrétiens qui travaillent pour le bien mais de leurs seules familles. C’est important de croire à la Madonna parce qu’elle seule peut laver leur conscience souillée par la détresse de la survie qui les pousse à la violence, au court terme, au crime, pour éviter à tout prix d’être sans pouvoir, donc humiliés. Oui, le pape touche, blesse, fait peur comme Don Pépino l’a fait avant lui. Mais la bête ’Ndrangheta mord et tue parce qu’elle peut compter sur la Vierge pour blanchir son âme. La mafia n’a cure de sa Sainteté papale. Seule la Vierge a toujours été garante d’un accès instantané à la pureté de l’homme. Sans ce raccourci, l’homme est simplement un criminel. Si le pape François 1er mourait, la Vierge laverait ce péché.

Notes

1. Le Figaro, 14 février 2014.
2. Gomorra. Dans l’empire de la Camorra, de Roberto Saviano et Matteo Garrone, Gallimard, octobre 2007.

Merci à l’auteure de nous avoir proposé son article publié d’abord dans le Huffington Post Québec.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 mars 2014



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Sylvie Bergeron, auteure, éditrice, coach, conférencière



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