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samedi 11 mars 2017 8 mars 2017 : "l’égalité déjà là" dans le monde du travail ?
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La Journée internationale des femmes trouve son origine dans les luttes des ouvrières et des suffragettes au début du 20ème siècle, pour de meilleures conditions de travail et l’obtention du droit de vote. En ce sens, le 8 mars est l’occasion de réfléchir sur la situation des femmes en emploi au regard de leur cheminement vers l’égalité. Thème central d’une pensée et d’une pratique féministes, l’égalité exprime la critique de la subordination des femmes dans la société et l’exigence d’un équilibre entre hommes et femmes. (1) L’égalité signifie aussi la fin de la division sexuée du travail et la possibilité pour les femmes d’être reconnues au même titre que les hommes au-delà de leur différence. D’un point de vue féministe, l’égalité désigne le « droit des femmes d’être admises telles qu’elles sont » dans toutes les sphères d’activité de la société et constitue « un moyen concret » pour garantir à chacune la possibilité de réaliser son potentiel. (2) Au Québec et au Canada, le droit à l’égalité est établi dans les Chartes des droits et libertés adoptées respectivement en 1975 et 1982. Si, dans la Charte canadienne, l’application de ce droit s’insère dans l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du multiculturalisme, les deux chartes affirment explicitement que les droits et libertés mentionnés sont garantis également aux hommes et aux femmes. Quant à l’application du droit à l’égalité, elle s’effectue à partir de situations discriminatoires face aux divers droits énoncés, dont la race, la couleur, le sexe et la religion. (3) Ce ne sont donc pas toutes les inégalités qui sont ciblées mais bien les distinctions ou les différences de traitement jugées illégitimes ou illégales en raison des droits reconnus et qui ont pour effet de compromettre le droit à l’égalité d’une personne. Au cours des dernières décennies, différentes mesures anti-discriminatoires ont été mises en place au Québec à la suite des revendications et mobilisations des groupes féministes. On pense entre autres aux programmes d’accès à l’égalité, implantés à compter de 1985, visant à augmenter la participation numérique des groupes discriminés, dont les femmes, dans les divers emplois d’une entreprise ou d’un organisme public. (4) On pense aussi à la Loi sur l’équité salariale entrée en vigueur en 1997. Reconnaissant d’entrée de jeu la discrimination sexiste, à la différence de l’article 19 de la Charte québécoise qui suppose le dépôt de plaintes de la part des femmes salariées, cette législation proactive demande aux employeurs de corriger les écarts salariaux discriminatoires entre les catégories d’emplois à prédominance féminine et celles à prédominance masculine au sein de leur entreprise. Résultats mitigés des politiques d’égalité en milieu de travail Quelle est la situation des femmes salariées au Québec à la suite de la mise en œuvre de ces politiques publiques ? (5) En dépit d’une participation au marché du travail se rapprochant de plus en plus de celle des hommes, ainsi que d’une scolarité plus élevée, les femmes demeurent concentrées dans quelques secteurs (soins et autres professions du domaine de la santé ; travail de bureau et d’administration ; éducation ; restauration et hôtellerie). La très grande majorité des femmes s’y retrouvent alors que les hommes sont davantage répartis dans les divers secteurs d’emplois. En fait, les emplois féminins les plus populaires sont sensiblement les mêmes, année après année, notamment secrétaire, commis, vendeuse et infirmière. Sans oublier le travail à temps partiel. Malgré une progression de ce régime de travail chez les hommes depuis la fin des années 2000, les femmes constituent encore aujourd’hui l’énorme majorité de la main-d’œuvre à temps partiel, principalement dans le secteur des services. Selon les personnes et les contextes, le travail à temps partiel peut représenter une voie d’accès à l’emploi ou un moyen de dégager du temps afin de concilier la vie professionnelle et les responsabilités familiales (ou les deux à la fois). Mais on ne peut guère parler de choix, plusieurs emplois proposés aux femmes étant précaires et à temps partiel. On pense entre autres aux nombreuses femmes qui occupent des postes de caissière ou de vendeuse dans le commerce de détail. Et que dire de la situation des femmes autochtones, ainsi que des femmes immigrantes et celles appartenant à une minorité visible ! La majorité d’entre elles éprouvent beaucoup de difficulté à intégrer le marché du travail, et surtout, à y occuper un emploi à temps plein dans leur domaine de formation et reflétant leur niveau de compétence. Les taux de chômage sont également très élevés pour ces femmes. Par ailleurs, malgré la mise en application de la Loi sur l’équité salariale depuis le début des années 2000, les écarts salariaux entre les hommes et les femmes persistent dans l’ensemble du marché du travail, y compris au sein d’une même profession. Il faut se rappeler que l’implantation de l’équité salariale s’effectue au sein d’un même milieu de travail sans tenir compte des salaires versés dans les autres entreprises. De plus, un certain nombre d’employeurs, notamment ceux des petites entreprises non syndiquées qui emploient des femmes (souvent au salaire minimum), n’ont réalisé aucune démarche d’équité salariale à ce jour. (6) En dépit de la mise en œuvre de politiques correctives et au-delà de certaines avancées réalisées grâce à la mobilisation des groupes féministes, un constat s’impose donc en ce 8 mars 2017 : tout en faisant consensus, l’égalité entre les sexes demeure davantage un objectif qu’une réalité empirique de sorte qu’elle donne lieu, encore aujourd’hui, à diverses interprétations ainsi qu’à des débats idéologiques. Également, dans un contexte de diversité culturelle croissante, il semble y avoir une certaine confusion quant à la façon de conjuguer le droit à l’égalité des femmes avec les questions de laïcité, de neutralité de l’État et de liberté religieuse. On observe aussi que nos gouvernements ne semblent pas pressés de clarifier les choses ! Notes 1. Geneviève Fraisse (2001). La controverse des sexes. PUF, p. 252-253 ; Eleni Varikas (2000). Dictionnaire du féminisme critique, p. 54 ; Christine Delphy (2000). Dictionnaire critique du féminisme, p. 154. Voir également Laure Bereni et al. (2008). Introduction aux Gender Studies – Manuel des études sur le genre, en particulier les chapitres I et IVbr> L’auteure Louise Boivin agit comme experte-conseil en matière d’équité salariale depuis plusieurs années. À ce titre, elle a développé un processus d’équité salariale et l’a appliqué dans diverses entreprises. Également, à titre de conseillère à la recherche à la CSN, elle a effectué de nombreuses analyses et observations dans divers milieux de travail et a produit différents guides et documents de recherche sur l’organisation du travail, la formation et les changements technologiques ainsi que sur l’évaluation et la classification des emplois. Quelques publications de l’auteure : « La Loi québécoise sur l’équité salariale : la fin des inégalités de rémunération entre hommes et femmes ? » Exposé dans le cadre du colloque « Agir pour l’égalité » tenu à Paris les 28 et 29 juin 2016. « L’application de la Loi québécoise sur l’équité salariale ou le respect d’un droit fondamental confié à l’entreprise. Observations empiriques et réflexion critique ». Thèse doctorale en science politique, UQAM, avril 2015. « Entre précarité et flexibilité : réflexion sur la situation des femmes en emploi ». Regards sur le travail, vol. 8, no 1, 1-14, 2012. « L’équité salariale étape par étape ». Guide et trousse d’outils pratiques pour l’implantation et le maintien de l’équité salariale en entreprise, 2009, Mis en ligne sur Sisyphe, le 6 mars 2017 |
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