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jeudi 23 octobre 2003

La résurgence du foulard, un besoin de retour sur soi

par Faïza Skandrani, écrivaine, fondatrice et présidente du groupe Égalité et parité






Écrits d'Élaine Audet



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La résurgence du foulard islamique angoisse non seulement les pays occidentaux mais l’ensemble des pays arabes, dont les pays maghrébins.

Il y a quelques années, vers 1975, nous avions vu apparaître ces foulards à l’Université de Tunis. Au début, on n’y prêta pas attention puisque l’une des premières à le porter fut une arabisante ou une étudiante en théologie islamique. Le port du foulard s’amplifia avec le développement du fondamentalisme mais régressa avec une interdiction de le porter dans les lieux publics (administrations, lycées, écoles et universités). Le foulard alors était considéré comme un signe de ralliement politique à des forces islamiques qui pouvaient constituer une régression des acquis réalisés par la Tunisie sur tous les plans (éducation, démographie, droits des femmes, économie...)

Aujourd’hui, après les guerres contre l’Afghanistan et contre l’Irak, cette interdiction a été tolérée peut-être d’une manière intelligente par l’Etat de Tunisie. En effet, la résurgence des foulards à l’Université où j’enseigne a été telle depuis l’année dernière que personne ne pouvait contraindre une étudiante à ne pas le porter.

Le sentiment de frustration, de "haine impuissante" contre des puissances qui assistent les bras liés et les bouches muettes au spectacle du massacre des musulmans dans le monde, que ce soit par le biais des bombes américaines ou par les tanks israéliens, a suscité ce retour sur soi par l’adoption du foulard comme seule quête possible, comme seul espoir pour continuer à vivre. Le plus dangereux, pour les femmes progressistes vivant sous les lois musulmanes ou dans des pays où la religion d’Etat est l’Islam, c’est que la question du foulard est beaucoup plus complexe qu’elle ne le paraît à première vue.

Nos grands-mères et nos mères ne portaient pas ce foulard islamique mais elles se sont battues pour ne plus porter le "sefsari", comme un grand drap dans lequel elles s’enveloppaient avant de sortir et qui leur donnait quand même une grande liberté de mouvement. Nos aînées étaient HOSTILES au voile comme le sont aujourd’hui beaucoup de femmes (celles qui sont agées entre 40 et 55 ans) qui ont dû lutter pour se libérer du carcan patriarcal et de la liberté surveillée qu’elles ont vécue jusqu’à leur mariage ou jusqu’à l’accès à l’autonomie financière.

Aujourd’hui, je m’étonne car les jeunes étudiantes, souvent belles et sérieuses, bien faites comme celles que montrent en photo l’Observateur, portent ce foulard ! Le font-elles sous la contrainte patriarcale ? Je ne le pense pas !!! Car il s’agit d’étudiantes qui vivent à Tunis loin de leurs parents et qui choisissent de "se distinguer" des Autres, celles qui n’ont plus de pudeur, qui flirtent dans les cours, qui ne sont pas respectées par leurs camarades ...

Je verrais cette question du port du foulard islamique aujourd’hui, que ce soit dans les pays où vivent des immigrants musulmans ou dans les pays musulmans eux-mêmes comme une quête spirituelle, comme une tentative de retour sur soi, une réflexion de soi sur soi et de soi par rapport aux autres, un besoin de se situer dans un monde où le matériel l’emporte sur le spirituel, où l’on ne parle plus que de sexualité, de délinquance, de viol, d’alcoolisme, de drogue, de sida, où le langage devient de plus en plus vulgaire, où les valeurs s’effritent.

Quelle stratégie peut-on mettre en place pour aider ces jeunes adolescentes en désarroi comme pour réduire la montée de la droite en Europe ? En fait la quête des valeurs perdues (honneur, vertu, bonté, générosité, vérité, droiture) qui sont des valeurs inspirées de l’Islam ainsi que du judaïsme et du christianisme n’ont plus cours dans ce XXIième siècle où dominent les violences/GUERRES qui sont des viols collectifs de populations humiliées et qui ne voient pas venir l’aube de l’espoir.

Que faire ? Interdire le port du voile ? Je serais tentée de dire oui mais n’y-a-t-il pas une autre manière de réagir, une façon plus intelligente en offrant un meilleur encadrement culturel aux jeunes à divers niveaux, politique, juridique, social, éducatif ...? des perspectives de réussite sociale ? A-t-on interdit dans les pays européens l’homosexualité ? Non, il y eu le PACS. A-t-on interdit l’adultère, non les Européens ont vu se légaliser le concubinage.... Les musulmans qui vivent en Occident ne savent plus sur quel pied danser !!! Nous, nous défendons la monogamie et les Occidentaux pratiquent une polygamie à l’Occidentale !!!

Les femmes militantes pour les droits des femmes à l’égalité entendent ces discours et doivent agir avec les femmes attachées à la démocratie en Occident pour apporter les solutions requises qui sont à trouver. (Revalorisation des Droits de l’Homme et réflexion sur le respect que leur vouent les puissances).

Il faudrait agir vite pour plus de justice mondiale et revaloriser la culture de la paix sur celle de la guerre, montrer que les principes d’une âme "religieuse" ne peuvent être que "beaux" et s’éloigner de la guerre, de la violence, du viol, du terrorisme suicidaire et meurtrier, actes d’êtres humains qui se servent des autres êtres humains ou qui les considèrent comme des objets de consommation qu’on peut vouer au feu si ces objets réduisent leur importance ou constituent un sujet d’embarras à un désir expansionniste ou impérialiste.

Texte écrit le 23 mai 2003

Mis en ligne sur Sisyphe, octobre 2003

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Pétition pour une loi contre le port du voile en France, par le C.E.R.F.
L’affaire du foulard : non à l’exclusion, par Christine Delphy
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Faïza Skandrani, écrivaine, fondatrice et présidente du groupe Égalité et parité

Faïza Skandrani est écrivaine et poète. Elle enseigne la littérature française à Faculté des Sciences Humaines et Sociales de l’Université de Tunis. Membre du Bureau directeur de l’Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement (AFTURD), elle est chargée des communications pour cet organisme.



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