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La prison d’Abu Gharib, lieu d’étranges tortures

mai 2004

par Faïza Skandrani, écrivaine, fondatrice et présidente du groupe Égalité et parité


Un criminel pourrait-il minimiser son crime en le considérant comme moins grave ou égal à celui d’un autre criminel ? Depuis quand le jugement d’un criminel se mesure -t-il d’une manière subjective ? Il appartient à des juges compétents de rendre la justice et de prononcer un jugement : il ne s’agit pas ici pour les responsables de l’administration américaine ou britannique de poser la question de la torture infligée aux prisonniers irakiens coupables ou non de la minimiser en évoquant les tortures subies par les Arabes ou les étrangers dans les prisons saoudiennes ou autres. C’est à la Cour Internationale de Justice de le déterminer.

Un criminel pourrait-il minimiser son crime par rapport à un crime plus ou moins sauvage ? Ainsi en est-il de la réception des images des prisonniers irakiens torturés par le corps de l’armée américaine et de ses mercenaires. Comment pourrait-on " comprendre ", percevoir en même temps le discours civilisateur de Bush, de Colin Powell, de Dick Cheney, de Condolezza Rice, de Paul Volwovitz …et les images transmises par la voie médiatique par plus d’un média dans le monde ? Comment les USA, modèle de la démocratie avec leur " bill of the rights ", qui ont fait rêver des milliers de jeunes qui voulaient y émigrer sont-ils arrivés à ce degré d’inhumanité, de sadisme, et de sauvagerie à la face du monde ?

Les répercussions des images divulguées par les médias du monde entier ont-elles eu des répercussions plus néfastes dans les démocraties occidentales que dans les dictatures arabes ? Voilà encore une farce : quelle différence y-a-t-il entre une démocratie et une dictature si les responsables politiques ont recours aux mêmes moyens d’avilissement de l’être humain ? Les mots ne veulent rien dire …Hitler avait déjà conscience à son époque de la puissance magique du verbe et fondait sa politique sur l’art de mentir … Machiavel disait bien qu’il s’agissait de paraître et non d’être …Mais l’être dans le cas irakien a piégé le paraître américain …Le discours civilisateur n’était qu’un masque qui cachait la noirceur des âmes des colonisateurs conquérants assoiffés du sang de leurs victimes …

La démocratie sert-elle uniquement à asseoir le jeu électoral ? La dictature ne cache pas son jeu et elle est accablée pour ces raisons par les instances internationales. Ainsi le Royaume -Uni et les USA, devant l’échec du mensonge des ADM ont-ils prétendu être entrés en guerre contre l’Irak pour défendre les droits humains en Irak et nous voilà face à des images qui parlent d’elles-mêmes :

 Un irakien tenu en laisse par une soldate de 21 ans
 Un chien à l’assaut de prisonniers à poil
 Des corps entassés les uns sur les autres que le pire des films pornographiques n’aurait pu imaginer et bien d’autres réservés uniquement au congrès !!!!!

Cette vision "orgiaque", pour ne pas dire "bordélique" (avec mes excuses ) digne d’un roman de Sade est-elle l’effet d’une volonté de porter atteinte à des arabes musulmans dans leur âme et dans leur corps lorsque l’on sait combien les musulmans attachent d’importance à la question de la pudeur corporelle ?

Des soldats portés par leurs convictions n’ont pas hésité à choquer les consciences de leurs victimes, à les humilier, à les intimider, jusqu’à la mort. Ces arrêts sur images, dignes de l’époque de l’Inquisition révèlent le degré d’ exacerbation du conflit idéologique entre colonisateurs et colonisés, préparé par le livre de Samuel Hutington, "le choc des civilisations".

Le voile couvrant ces horreurs qui s’appelait hypocrisie, censure, terrorisme d’Etat, conspiration du silence a été déchiré violemment et brusquement pour laisser apercevoir la triste et cruelle réalité de la guerre. Cette levée du voile montre aux démocraties occidentales le visage véritable e l’administration américaine connue jusques là seulement des pays qu’elle a meurtris. Ces images ne sont que des reflets qui ne donnent qu’une piètre idée des situations réellement vécues par ces malheureux prisonniers irakiens dans leurs corps et dans leurs âmes, de l’humiliation, à l’intimidation à distance, aux décharges électriques, à la torture physique, yeux tuméfiés, coups de pieds, … jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Le CICR a révélé, selon Al Jazeera TV, que 90 % des prisonniers étaient victimes d’exactions. Cette affaire de Abu Gharibgate n’est pas virtuelle mais tristement réelle. C’est une boule de neige qui prend chaque jour plus de volume pour se transformer en de la glace où s’endorment à jamais les prisonniers qui n’ont pas pu résister aux souffrances résultant des tortures qui leur ont été systématiquement infligées !!!!

A quoi pourraient servir les excuses de Bush, de Rumsfeld, du congrès ou du sénat américain ? Pourraient-ils par des compensations financières faire oublier les êtres qui ont perdu leurs vies, faire oublier les viols et les violences subies ?

Comment ces démocrates donneurs de leçons peuvent utiliser les mêmes moyens de torture que celui qu’ils ont si longtemps montré du doigt ?

Aujourd’hui, à travers les chaînes TV, les responsables politiques américains minimisent ces actes odieux et immondes en pointant du doigt les régimes arabes …Ils se demandent pourquoi les Arabes n’ont-ils pas dénoncé les tortures que certains dictateurs arabes infligent à leurs ressortissants …

Nous leur répondrions que la justice doit procéder par ordre et que les juges doivent procéder dans l’ordre de l’urgence. Les démocraties vieilles de plus de deux siècles sont supposées être les phares des droits humains et qu’elles doivent donner l’exemple aux autres pays …

Or que s’est-il passé dans une certaine forteresse d’Afghanistan, à Guantanamo, en Irak ?

Les soldats américains ne sont pas au-dessus des lois humaines car les USA ne sont pas "out of the world" ! Ces images de visages tuméfiés, de persécuteurs armés de chiens sont cauchemardesques ! Restons dans le sujet et n’allons pas nous disperser et nous perdre dans d’autres lieux de réflexion que nous aborderons en temps voulu.

Si un juge se penche sur le cas d’un criminel, il ne peut le comparer à celui d’un autre pour le minimiser, car chaque cas est spécifique.

L’actualité du jour concerne donc la manière d’agir des membres d’une armée conquérante, colonisatrice pour répandre la civilisation, la liberté, la justice, l’égalité entre hommes et femmes. Et nous voilà surpris par le degré de cruauté et de sadisme de la part de trois femmes complices dans la tragédie humaine agissant de la prison d’Abou Gharib !

Merci à ceux qui ont brisé le mur du silence, qui ont parlé, qui ont partagé les secrets horribles de cette prison, qui ont transmis des rapports secrets, qui ont publié des articles sur les journaux, qui ont dévoilé au monde entier le triste visage de l’équipe Bush, Blair … Quelles que soient les parties responsables de cette communication, et quelles que soient leurs motivations, il est indispensable de se souvenir que la torture doit être universellement interdite dans l’intérêt de tout un chacun et que les Américains quittent l’Irak !

Cicéron, après avoir incité le sénat à faire mourir Catilina et ses complices, a subi le même sort quelques années après. La violence appelle la violence, et la roue du temps continue à tourner … la véritable sages se consiste à prévenir les catastrophes et non à les guérir !!!!

Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 mai 2004

Faïza Skandrani, écrivaine, fondatrice et présidente du groupe Égalité et parité



Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=1102 -