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La prostitution est une forme de violence

12 septembre 2002

par Le Regroupement québécois des CALACS

Document de travail / Dossier prostitution

par le Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles (RQCALACS)

Février 2002

Clarification des termes utilisés dans le présent document :

Le document de la FFQ utilisait simultanément les termes travailleuses du sexe et prostituées. Compte tenu de l’analyse que nous avons développée, le terme travailleuses du sexe n’est pas utilisé dans le présent document. En nommant les femmes travailleuses du sexe, nous croyons qu’on minimise la violence, la pauvreté et l’oppression qui mènent des femmes et des filles à la prostitution et les y confinent. On légitimise également l’industrie du sexe comme un secteur économique au lieu de la voir comme un système d’exploitation.

Par contre, nous sommes aussi sensibilisées à certaines difficultés que l’utilisation du terme prostituée comporte :
 Il s’agit souvent d’un terme très péjoratif, d’une insulte utilisée contre les femmes
 Dans la compréhension populaire, il s’agit aussi d’un terme restrictif, qui est moins englobant que la désignation travail du sexe.
Nous croyons que le mouvement des femmes devra être attentif à ces connotations afin d’y trouver des solutions.

Par conséquent, les termes prostitution et femmes en prostitution seront utilisés dans le présent document.

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Préambule :

Le RQCALACS considère :

 que la prostitution relève de l’exploitation sexuelle des femmes et ne peut, en aucune manière, être considérée comme un travail légitime ou comme une façon acceptable d’accéder à l’autonomie économique ;

 que la prostitution constitue une forme de violence principalement faite aux femmes, aux adolescentes et aux fillettes mais qui implique aussi des hommes, des adolescents et des garçonnets ;

 que la prostitution constitue une violation des droits humains fondamentaux ;

 qu’aucune raison n’est valable pour criminaliser les victimes de violence ;

 que les personnes en prostitution ne doivent sous aucun prétexte être victimes de discrimination quelle qu’en soit la forme ;

 que la vulnérabilité des femmes à la pauvreté et à la violence est accentuée par la discrimination liée à des facteurs sociaux tels que l’âge, l’origine ethnique, les problèmes de santé physique ou mentale, etc ;

 que la société offre peu de moyens et de ressources pour soutenir les femmes en prostitution qui y sont, majoritairement, sous la contrainte ou à cause de leur précarité socio-économique.

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Appui des recommandations de la FFQ :

Le RQCALACS appuie les recommandations suivantes proposées par la FFQ en y incluant certaines modifications ou certains ajouts jugés importants.

1.
Nous réclamons de l’ensemble des pouvoirs publics et pour toutes les femmes en prostitution l’accès aux services sociaux, de santé, judiciaires et policiers sans discrimination ni préjugés ainsi que des formations spécifiques pour les intervenants-es des réseaux publics. Nous croyons aussi que toutes les ressources mises sur pied par des féministes (centres de femmes, CALACS, maisons d’hébergement), devraient être en mesure (outils et budgets) d’offrir aux femmes en prostitution les services et le soutien dont elles peuvent avoir besoin, incluant des moyens pour en sortir.

2.
En tant que groupes de femmes impliqués dans la campagne de sensibilisation contre la violence faite aux femmes issue de la Marche mondiale, nous réclamons de l’État québécois qu’une place soit faite dans cette campagne pour dénoncer la violence et la discrimination que subissent les femmes en prostitution. De plus, la campagne devra sensibiliser la population à la prostitution en tant qu’oppression spécifique faite aux femmes.

3.
Nous réclamons unanimement du gouvernement fédéral le retrait de tous les articles de la loi qui criminalisent les pratiques exercées par les femmes en prostitution tout en conservant ceux qui concernent les clients et les proxénètes. En ce sens, nous suggérons que la consultation recommandée au point 5 soit tenue préalablement.

4.
Aucune position majoritaire ou consensuelle ne s’est dégagée concernant cette recommandation.

5.
Nous proposons qu’une consultation publique soit organisée par le gouvernement fédéral sur tous les articles du code criminel qui touchent la prostitution et l’industrie du sexe. L’élaboration de cette consultation doit se faire en partenariat avec les groupes de femmes spécifiquement impliqués dans la lutte contre la violence faite aux femmes.

6.
Cette recommandation est adoptée unanimement sans modification en tant que revendication de la Marche mondiale des femmes :
Nous réclamons des gouvernements fédéral et provinciaux la révision de l’ensemble des lois ayant trait à la violence faite aux femmes et de leur mise en application afin d’assurer aux femmes le respect de leur droit à l’égalité, la sécurité, la dignité et la protection de leur vie privée.

7.
Nous reconnaissons le droit pour toutes les femmes en prostitution de s’organiser afin de défendre leurs droits et d’obtenir des gouvernements fédéral et provinciaux un financement adéquat pour les organismes qui les représentent.

8.
Puisque nous nous opposons au trafic sexuel des femmes et des enfants, aux plans domestique et international, et que nous défendons la liberté pour toutes les femmes de voyager, de se déplacer et d’émigrer, nous revendiquons du gouvernement canadien et de tous les gouvernements du monde :

 Que les femmes trafiquées puissent obtenir un statut de réfugiées ou la possibilité de retourner dans leur pays si elles le souhaitent.

 Que les autorités étatiques, policières et juridiques ne puissent utiliser contre une femme : son passé sexuel, le fait de pratiquer ou d’avoir pratiqué la prostitution ou son statut d’immigrante illégale ou d’apatride découlant du trafic sexuel.

 Que les personnes responsables du trafic sexuel domestique et international soient criminalisées.

Autres recommandations du RQCALACS :

 de poursuivre la recherche, la réflexion et le débat sur les enjeux et les conséquences sociales liés à la possibilité de réglementation et de légalisation de la prostitution ;

 de poursuivre la réflexion, l’analyse et le débat sur les répercussions possibles de la décriminalisation des activités pratiquées par les clients et les proxénètes ;

 d’approfondir, tant au Québec qu’au Canada, notre analyse de la situation de l’industrie du sexe et d’étudier l’impact de nos décisions en lien avec la problématique du trafic sexuel domestique et international ;

 de structurer un dossier sur les différents moyens déjà mis en place (ex : Suède) ou encore sur diverses pistes de solution envisageables pour soutenir les femmes qui souhaitent se retirer de la prostitution.

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Conclusion :

En tant que RQCALACS,
 Nous réaffirmons l’importance de la solidarité au sein du mouvement des femmes entre et avec les femmes victimes de violence.
 Nous dénonçons la violence faite aux femmes à travers la prostitution.
 Nous appuyons et soutenons les femmes en prostitution, dénonçons la violence et la discrimination qu’elles subissent et luttons avec elles.

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Le Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel

Mis en ligne sur Sisyphe, le 10 septembre 2002

Le Regroupement québécois des CALACS

P.S.

LIRE AUSSI

 Le néo-patriarcat intimide-t-il des féministes ?
 La prostitution est-elle un "droit des femmes" ?
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PUBLICATION

 N.B. Le livre du sociologue Richard Poulin intitulé "La mondialisation des industries du sexe" sera publié en octobre 2004. Pour entrevue avec l’auteur et renseignements, adressez votre demande à sisyphe.info@videotron.ca.




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