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Une nouvelle ministre de la Condition féminine à Québec

22 février 2005

par Micheline Carrier

Quelques jours après avoir affirmé qu’il s’en tenait à « son plan de match » et ne prévoyait pas remanier son Cabinet, le premier ministre Jean Charest a pourtant effectué un important remaniement ministériel hier.

La ministre Carole Théberge

Yves Séguin, jusqu’ici ministre des Finances, quitte le conseil des ministres et redevient simple député, ce qui était prévisible tant sa conception de l’État est apparue éloignée de celle du premier ministre, au cours des derniers mois. Le controversé ministre de l’Éducation, Pierre Reid, cède ce ministère à Jean-Marc Fournier pour assumer les fonctions de ministre des Services gouvernementaux. La ministre des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, Michelle Courchesne, devient titulaire du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale tandis que Carole Théberge dirigera le ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine. Contrairement à sa prédécesseure, la ministre Théberge a officiellement le titre de ministre de la Condition féminine. Les critiques des milieux féministes ont fini par être entendues. On se rappellera que lors de la formation de son Cabinet, en avril 2003, le premier ministre Charest avait tout simplement omis de nommer une ministre à la Condition féminine, indiquant ainsi l’importance toute relative qu’il accordait aux dossiers concernant les femmes québécoises.

Le Cabinet Charest compte maintenant dix femmes sur 27 ministres, deux de plus que le précédent. La proportion de femmes n’est pas négligeable et il faut le souligner. Toutefois, excepté Monique Jérôme-Forget qui reste présidente du Conseil du Trésor et ministre responsable de l’Administration gouvernementale, les hommes détiennent les portefeuilles les plus importants (voir plus bas la composition du Cabinet). On ne retrouve que deux femmes sur les dix membres du nouveau comité des priorités. Deux des six comités ministériels seront présidés par des femmes. Le premier ministre Charest a retiré le poste de vice-premier ministre à Monique Gagnon-Tremblay pour le confier à Jacques Dupuis, en y ajoutant des responsabilités et du pouvoir.

Maintenir le cap, dit la Fédération des femmes du Québec

Dans un communiqué émis hier après-midi, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a dit accueillir favorablement la nomination de la nouvelle ministre de la Condition féminine, tout en rappelant que celle-ci aura des défis importants à relever. La ministre Théberge « devra s’assurer que le gouvernement du Québec poursuive son engagement en faveur de l’élimination de la discrimination sur la base du sexe, a déclaré Michèle Asselin, présidente de la FFQ. Notamment, elle devra s’assurer que le Secrétariat à la condition féminine et le Conseil du statut de la femme poursuivent leur mission distincte et spécifique. Elle devra également achever les travaux devant mener à l’adoption d’une politique et d’un plan d’action gouvernemental en matière de condition féminine. À propos du ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, monsieur Charest a affirmé : "Ce ministère sera celui du mieux-être des personnes". Nous espérons ardemment qu’il sera aussi celui de la lutte contre les discriminations envers les femmes. En matière d’égalité des sexes, le travail est loin d’être accompli. Les inégalités actuelles ne sont pas résiduelles ou secondaires. En fait, elles sont fondamentales parce qu’elles affectent les femmes dans leur intégrité, dans leur dignité ou dans leur capacité économique ».

La Fédération des femmes du Québec a par ailleurs déploré le fait que le gouvernement Charest semble vouloir accentuer sa tendance vers la droite.
« À quelques semaines de la présentation du budget du Québec, dit la FFQ, la nomination d’un nouveau ministre des Finances nous fait craindre d’autres reculs en matière de solidarité sociale ». De toute façon, il était peu prévisible que le ministre des Finances, Yves Séguin, qui se situe un peu plus à gauche que son parti, accepterait sans broncher la deuxième phase de la "réingénierie" ou du chamboulement de l’État que prépare sa collègue Monique Jérôme-Forget, présidente du Conseil du Trésor et ministre responsable de l’Administration gouvernementale.

Et la politique de la condition féminine ?

Madame Théberge prend la responsabilité des dossiers de la condition féminine à mi-chemin d’une commission parlementaire sur l’Avis du Conseil du statut de la femme, « Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes », qui a commencé ses travaux en février, les a ajournés pour quelques semaines et doit les reprendre en mars. La ministre Carole Théberge devra donc mettre les bouchées doubles afin de prendre connaissance des mémoires déjà présentés et de la cinquantaine à venir.

Pour rassumer les groupes de femmes qui craignent la transformation des structures et la dilution des mandats du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine, la ministre Théberge devrait faire connaître ses intentions sans trop tarder. Le premier ministre pourrait-il être tenté d’annuler la commission parlementaire sur l’égalité en prétextant l’arrivée d’une nouvelle ministre qui n’a pas encore eu le temps de se familiariser avec les dossiers ? Si tel était le cas, qu’adviendrait-il de la politique de la condition féminine et du plan d’action gouvernemental qui ont déjà subi du retard ? La ministre Courchesne avait indiqué à quelques reprises que cette politique serait élaborée à l’issue de la commission parlementaire sur l’avis du CSF.

L’hypothèse que le gouvernement puisse annuler cette commission parlementaire est difficile à concevoir à moins de penser que le premier ministre est tout à fait inconscient du mécontement qui monte au sein du mouvement des femmes ou qu’il y est indifférent. Les femmes, on le sait, ont été parmi les premières à subir les effets négatifs de la « réingéniérie » du gouvernement Charest depuis son accession au pouvoir. Une telle décision serait un autre affront difficile à accepter et le gouvernement, dont la popularité est en chute libre, aurait sans doute à en payer un coût politique élevé. Les groupes féministes ne devraient pas se gêner de faire pression pour forcer le gouvernement à assumer ses responsabilités et à remplir ses engagements en faveur du droit des femmes à l’égalité.

Profil de la nouvelle ministre de la Condition féminine

Le parcours de la nouvelle ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine ne l’a pas nécessairement préparée à assumer la responsabilité des dossiers de la condition des femmes au sein du gouvernement québécois. Mais on peut en dire autant de plusieurs ministres du Cabinet Charest en regard des fonctions qui leur ont été confiées. L’expérience professionnelle de Madame Théberge se rattache essentiellement au milieu des affaires. Voici comment nous la présente le site de l’Assemblée nationale du Québec.

La députée de Lévis est née à Saint-Philémon (Bellechasse), elle est mariée et mère de deux enfants.

Comme formation, elle a obtenu un diplôme d’études collégiales en 1973, elle a suivi des cours d’espagnol à l’Université Laval, en 1984, et a ensuite acquis une formation sur « Les fonctions du gestionnaire » portant sur la connaissance du mandat, gestion des ressources humaines et financières (1997), rapport le site de l’Assemblée nationale.

Quant à son expérience professionnelle, on la décrit comme suit : présidente, de "Image Plus", firme spécialisée dans le marketing de la personne (1986-1992) ; directrice de la commercialisation, du service à la clientèle et des relations publiques, de la "Société du Théâtre Capitole", Québec (1992-1994) ;
déléguée commerciale senior et directrice adjointe, ventes et marketing, à la "Société du Centre des congrès de Québec" (1994-1998) ; directrice conseil et développement des affaires, à "Optimum Relations publiques", division du Groupe Cossette (1998-2001) ; au moment de se faire élire députée, elle /tait présidente de "Théberge Relations publiques" et consultante en communication intégrée, en développement stratégique et en organisation d’événements (2001-2003).

En matière d’engagement communautaire et politique, la ministre Carole Théberge a été bénévole au Carnaval de Québec (1975-2003), présidente du conseil d’administration et du Comité exécutif du Carnaval de Québec Kellogg’s inc.(1998) et membre du conseil d’administration de 1998 à 2001 ; co-présidente de la Campagne Centraide Québec 2001 (1998-2002) ; Conseillère municipale, Ville de Lac Saint-Joseph (1998-2002) ; membre du comité exécutif et du conseil d’administration du Comité Québec 2010 ; présidente de la campagne de financement « Le Grand Village » pour le Club Rotary Québec (1998) ;
membre du conseil d’administration, Fondation du CHUQ (1998-2003) ;membre du conseil d’administration de "Voile Internationale Québec", La Transat Québec St-Malo (1998-2003) ; présidente du conseil d’administration, Sports internationaux de Québec (1998-2003) ; membre du Groupe-Conseil en entrepreneuriat féminin (1999-2000) ; membre du conseil d’administration de la Fondation des Centres jeunesse de Québec (1999-2001) ; membre du conseil d’administration de la Fondation du Cégep de Sainte-Foy (1999-2001) ; finaliste, catégorie communautaire et philanthropie, Gala « Femmes de mérite 2002 », YWCA, 1999 et 2002 ; membre du Jury, Les Pléiades 2002, à la Chambre de commerce de Lévis ; présidente d’honneur du Challenge Mélanie Turgeon, 11e édition (2002).

Élue députée de la circonscription de Lévis aux élections générales du 14 avril 2003, Madame Théberge a été ministre déléguée à la Famille du 29 avril 2003 au 18 février 2005. Elle est ministre responsable de la région de la Chaudière-Appalaches depuis le 29 avril 2003 et membre du Comité ministériel du développement social du 29 avril 2003 au 7 octobre 2004. Elle est membre du Comité ministériel à la décentralisation et aux régions depuis le 7 octobre 2004 et du Comité ministériel du développement social, éducatif et culturel depuis le 7 octobre 2004. Elle était ministre responsable de la Condition des Aînés du 21 octobre 2004 au 18 février 2005, et porte désormais le titre de ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine depuis le 18 février 2005.

Le nouveau conseil des ministres

Voici la composition du conseil des ministres du Québec au 18 février 2005.

 Jean Charest : premier ministre et ministre responsable des dossiers jeunesse
 Jacques Dupuis : vice-premier ministre, ministre de la Sécurité publique, leader parlementaire du gouvernement et président du Comité des priorités
 Monique Jérôme-Forget : présidente du Conseil du Trésor et ministre responsable de l’Administration gouvernementale
 Michel Audet : ministre des Finances
 Monique Gagnon-Tremblay : ministre des Relations internationales, ministre responsable de la Francophonie et ministre responsable de la région de l’Estrie
 Philippe Couillard : ministre de la Santé et des Services sociaux et président du Comité ministériel du développement social, éducatif et culturel
 Jean-Marc Fournier : ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport et ministre responsable de la région de la Montérégie
 Yvon Marcoux : ministre de la Justice
 Claude Béchard : ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, président du Comité ministériel de la prospérité économique et du développement durable et ministre responsable de la région du Bas-Saint-Laurent et de la région de la Côte-Nord
 Yvon Vallières : ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation
 Thomas J. Mulcair : ministre du Développement durable et des Parcs, président du Comité de législation et ministre responsable de la région des Laurentides et de la région de Lanaudière
 Pierre Corbeil : ministre des Ressources naturelles et de la Faune, ministre responsable de la région de l’Abitibi-Témiscamingue et de la région du Nord-du-Québec
 Michel Després : ministre des Transports et ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale
 Nathalie Normandeau : ministre des Affaires municipales et des Régions, présidente du Comité ministériel à la décentralisation et aux régions et ministre responsable de la région de la Gaspésie/Îles- de-la-Madeleine
 Line Beauchamp : ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la région de Montréal
 Benoît Pelletier : ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, à la Francophonie canadienne et à la Réforme des institutions démocratiques et ministre responsable de la région de l’Outaouais
 Pierre Reid : ministre des Services gouvernementaux
 Lawrence S. Bergman : ministre du Revenu
 Michelle Courchesne : ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale et ministre responsable de la région de Laval
 Françoise Gauthier : ministre du Tourisme et ministre responsable de la région du Saguenay/Lac-Saint-Jean
 Carole Théberge : ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine et ministre responsable de la région de la Chaudière- Appalaches
 Laurent Lessard : ministre du Travail et ministre responsable de la région du Centre-du-Québec
 Lise Thériault : ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles
 Julie Boulet : ministre déléguée aux Transports et ministre responsable de la région de la Mauricie
 Geoffrey Kelley : ministre délégué aux Affaires autochtones
 Henri-François Gautrin : ministre délégué au Gouvernement en ligne
 Margaret F. Delisle : ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation

Norman MacMillan, whip en chef, et David Whissell, président du caucus participent également au Conseil des ministres.

La présidente de la Confédération des syndicats nationaux, Claudette Carbonneau, ne voit pas d’avenir prometteur pour les milieux syndicaux comme pour la société dans ce remaniement ministériel qui lui paraît une simple « parade ». « Pour la Confédération des syndicats nationaux, ce grand rebrassage n’amène pas de personnalités porteuses de changements d’orientation », a-t-elle dit dans un communiqué émis plus tôt cet après-midi. Commentant le départ du ministre des Finances, Yves Séguin, Claudette Carbonneau a déclaré : « Le gouvernement devra se passer d’un de ses ministres qui incarnait le mieux les anciennes valeurs libérales, la frange nationaliste de ce parti ; un ministre parmi les plus batailleurs face à Ottawa ».

Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 février 2005

Micheline Carrier


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