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INSULTE : mot féminin, ou ne pouvant s’adresser qu’à une femme ?

29 mars 2005

par Marc Hansmann, co-réalisateur de « In Nomine Patris

Interrogation sur les courriels vengeurs adressés à ma co-réalisatrice pour notre film « In Nomine Patris »



Co-réalisateur du film « In nomine Patris », je tenais à vous faire part de mon amusement à la lecture des courriels que je reçois sur la boîte aux lettres ou que je lis sur internet, ci et là.

En effet, aucun des courriels injurieux reçus ou des propos véhéments tenus… ne s’adresse à moi !!! C’est bien simple : pour les lobbies des pères, le film « In Nomine Patris », pourtant co-signé, ne serait le fait que de « Myriam Tonelotto ».

Vexé comme un pou ;-) j’ai donc cherché une explication rationnelle : étant en Inde en décembre dernier, au moment de la publication des premières présentations-presse du film, nous avions décidé, ma co-réalisatrice et moi, d’indiquer plutôt son adresse e-mail, Myriam étant mieux à même pendant mon absence de suivre les éventuels échos et demandes des journalistes TV. Les scribes virtuels qui ont ensuite relevé cette adresse sur internet au bas de communiqués (pourtant signés par moi !) auraient donc extrapolé qu’ils ne pouvaient s’adresser qu’à Myriam Tonelotto sur cet e-mail.

Ça se tenait comme explication, mon honneur était sauf. Sauf que… au grand désarroi de mon narcissique ego, il m’a fallu ensuite prendre en compte le fait que la majorité de ces courriels étaient également adressés au président de la chaîne ARTE... qui, afin de dissiper tout malentendu chez les mal-comprenant, n’est PAS Myriam Tonelotto. Bref, les lobbies masculinistes ne confondaient manifestement pas adresse et récipiendaire, puisqu’ils s’adressaient quasi systématiquement au PDG d’Arte, Jérôme Clément, via cette boîte aux lettres … pourquoi alors ne pas m’interpeller moi aussi ?

Je ne pouvais parvenir qu’à la conclusion suivante : pour les représentants revanchards des pères divorcés, Marc Hansmann n’existait pas. Ahhhh, mon pauvre cœur… Un copain RG compatissant et très au fait des agissements des masculinistes, qu’il suit depuis un moment, m’a suggéré fort heureusement une autre possibilité : ce n’est pas tant que les masculinistes m’ignorent, c’est plutôt qu’ils ne peuvent imaginer un seul instant qu’un HOMME ait pu réaliser un tel film. Je suis alors tombé des nues. D’autant que c’est moi qui ai réalisé les séquences du Petit Chaperon Rouge du film, tant décriées par les masculinistes !!!

Ma conclusion ? Pour nos scribes vengeurs, les injures, les invectives, les menaces, s’adressent nécessairement à la femme. Pas à l’homme.

Bien entendu, dès que ce post aura été publié par je ne sais quel site, je recevrai certainement mon quota d’insultes, histoire de donner le change. Mais prenez bonne note : aucun, je dis bien, aucun, de ces courriels ne datera d’avant le 29 mars 2005. Preuve que la misogynie de ces hommes est si intime, si profonde, qu’ils ne pouvaient s’en prendre qu’à la réalisatrice du film, et non au réalisateur…

Un bémol tout de même. Car nous avons aussi reçu des courriels de félicitation de « pères de base », des hommes qui nous disent ne rien connaître au féminisme théorique ou universitaire, mais qui partagent avec leur compagne un idéal d’égalité de droit et de fait. Des papas divorcés aussi, qui nous remercient d’avoir attiré leur attention sur le fait qu’une poignée d’énervés usurpaient leur parole. Des pères séparés qui pratiquent la garde alternée, et nous racontent comment celle-ci a été le fruit d’une patiente et respectueuse entente avec la mère de leurs enfants. Eux ne peuvent imaginer que l’on puisse imposer par la loi un dispositif qui demande autant de respect et de confiance en l’autre, et qui surtout présuppose que l’on ait partagé de façon égalitaire le soin et la charge des enfants avant la séparation (fait encore très rare de nos jours).

Des pères aussi qui ont adhéré autrefois aux associations qui exposaient leurs objectifs dans le film, et qui ont fui quand ils ont compris de quoi il retournait réellement. Ceux-là se disent heureux de voir confirmés leurs choix et leurs intuitions. D’autres pères enfin, fraîchement séparés, et qui s’apprêtaient à se jeter dans la gueule du loup et à suivre les instructions belliqueuses des lobbies masculinistes. Ils nous remercient de leur avoir ouvert les yeux, et annoncent se tourner désormais vers des institutions non politiques (car les lobbies des pères sont avant tout des groupes à caractère politique) pour rechercher au mieux l’intérêt de leur enfant, et non l’assouvissement d’une quelconque revanche. Et, là, dans leurs mails, vous savez quoi ? Ils disent toujours « merci à tous les deux ». Comme quoi, eux, ont remarqué que j’étais moi aussi de la partie : étonnant, non ?

À noter enfin que dans les courriels et posts masculinistes, il n’est jamais question que du loup dans les séquences Petit Chaperon Rouge du film. Je trouve hautement significatif le fait qu’aucun n’a relevé la figure du chasseur, qui délivre pourtant le Petit Chaperon Rouge, l’invite à sceller une pierre dans le ventre infécond du loup, et chemine amicalement à ses côtés à la fin du film. Comment ? Ils ne se seraient donc reconnus que dans le loup ? Pas dans la figure respectueuse et libératrice du chasseur ? Etrange, étrange… d’autant que les deux rôles étaient, volontairement, interprétés par le même acteur : selon moi en effet, il n’existe pas d’hommes « foncièrement mauvais » ou « essentiellement bon », c’est à chacun d’entre nous de déterminer sa voie : en piétinant les femmes ou en marchant à leurs côtés ? Les masculinistes ont répondu : seul le loup existe. Edifiant.

Marc Hansmann, co-réalisateur de « In Nomine Patris, ce que veulent les mouvements de pères ».

Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 mars 2005

Marc Hansmann, co-réalisateur de « In Nomine Patris

P.S.

 Lire également : « Sur ARTE, des reportages sur un fait social rarement abordé », par Laurent Colet, Université Stendhal, Grenoble




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