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Lettre au gouvernement du Québec
Le mouvement étudiant et le renouvellement du projet social québécois

8 avril 2005

par Véronique Gagnon et Martin Maltais

Cette lettre a été écrite et adressée au "Devoir" le 1er avril, soit avant l’entente de principe intervenue entre le gouvernement du Québec et une partie du mouvement étudiant en grève. Elle a été expédiée à nouveau au journal le 5 avril accompagnée d’une liste de 114 signataires. Nous publions cette lettre avec plaisir, en dépit de sa langue "unisexe", inhabituelle sur ce site et que les auteur-es tiennent à conserver . Sisyphe.

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Lettre au gouvernement du Québec

Le mouvement étudiant et le renouvellement du projet social québécois

Les langues se délient, les yeux s’ouvrent, les âmes se laissent enfin aller à déverser ce trop-plein longtemps refoulé. Dans la majorité des médias, un écho retentit de plus en plus fort, de plus en plus rassembleur. De murmure, il est passé à cri. Aucune gêne ne le retient plus. Il s’affirme, s’articule et développe des arguments qui le soutiennent et l’amplifient. Nous sommes des milliers à répondre à son appel, à nous laisser envahir par cette énergie soudaine que, seuls, nous n’avons pas. Un mouvement collectif de citoyens déçus devant l’incompétence d’un gouvernement qui n’écoute pas leurs demandes et qui ne réalise pas les mandats que la population lui a confiés. Surtout, un vaste mouvement qui émerge et grandit, composé de citoyens déterminés à se donner un avenir et à en laisser un qui soit de qualité à ses enfants. Aux étudiants, s’ajoutent maintenant nombre de groupes de tous horizons et de tous âges qui clament haut et fort leur déception et leur colère de ne pas être entendus. Entendez-vous la clameur qui s’élève ? Trois citoyens sur quatre font leur la dénonciation à laquelle se livrent les étudiants depuis un an et désirent que l’État rétablisse immédiatement l’aide financière aux étudiants à son niveau d’avant avril 2003. Deux sur trois préfèrent voir d’éventuelles réductions d’impôt différées au profit d’un soutien accru aux étudiants. La population québécoise vous dit non et vous n’écoutez pas. Bien qu’elle vous ait désigné pour former son gouvernement, vous ne semblez pas l’entendre.

Dès le début de votre mandat, différents groupes ont manifesté leur déception devant un ensemble de décisions qui allaient clairement à l’encontre des efforts consentis depuis quarante ans pour créer une société à la mesure des ambitions des Québécois : une société qui, pour éviter de laisser en marge des milliers d’individus, offrirait à tous l’accès à une éducation de qualité, à des soins de santé adéquats, à un logement et à un revenu minimal décent. Différents groupes sociaux ont répété cela à maintes reprises au cours des deux dernières années.

Nous sommes déçus. Nous sommes mécontents. Nous sommes en colère, mais cette colère est contenue, maîtrisée, canalisée. Les jeunes, la relève, ceux qui auront à vivre dans un monde en ébullition, à composer avec une population vieillissante et des problèmes environnementaux majeurs vous disent qu’ils ont un urgent besoin d’outils pour composer avec ce malheureux héritage. Encore et encore, vous n’écoutez pas. Les enseignants des écoles primaires et secondaires vous disent qu’ils sont à bout de souffle, qu’ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour former les citoyens d’aujourd’hui et de demain. Vous n’écoutez pas. Les enseignants œuvrant dans les collèges vous demandent de mettre à jour leurs conditions de travail. Vous n’écoutez pas. Et la liste pourrait se poursuivre. Enfants gâtés dites-vous ? Non ! Nous affirmons plutôt que vous ne respectez pas les choix de société des gens qui vous ont élus.

Vous avez cru pouvoir manipuler l’opinion publique en faisant passer les étudiants en grève pour de jeunes écervelés égoïstes, des bébés gâtés, qui n’ont rien de mieux à faire que de sécher leurs cours au lieu de s’y rendre gentiment et docilement. Il semble que vous ayez oublié bien rapidement vos jeunes années pendant lesquelles nombre d’entre vous ont peut-être profité de cette aide financière que vous vous efforcez maintenant de ratatiner pour favoriser des groupes mieux nantis que les étudiants éligibles au soutien financier de l’État. Il semble indispensable de vous rappeler que l’aide financière aux étudiants est un dispositif crucial du projet de société que, depuis quarante ans, la population du Québec demande à ses gouvernements successifs de mettre en œuvre, résolument, sans faillir.

Auriez-vous oublié ou sous-estimé la formidable énergie que peuvent dégager des milliers de personnes lorsqu’il s’agit de soutenir l’essentiel de la société qu’elles s’acharnent à construire, sa relève ? Avez-vous oublié le sentiment qui habite les 20 à 30 ans qui voient la vie devant eux, mais qui voient aussi combien ils devront composer avec les conséquences des décisions prises par d’autres aujourd’hui ? Avez-vous oublié le sentiment que l’on vit en regardant le monde, à la fois fasciné et inquiet, car il comporte tant d’incertitudes ? Avez-vous oublié que pour affronter ce monde, des outils sont nécessaires ? Avez-vous oublié que la population du Québec a choisi de donner à tous accès à ces outils afin que chacun, du plus favorisé au moins favorisé, puisse exercer ses responsabilités de citoyen et faire des choix éclairés ? Devons-nous ajouter l’amnésie aux maux qui vous assaillent et qui nous affligent ?

Est-ce de l’ingratitude ou une incompréhension profonde d’une société qui vous a pourtant si bien choyés ? Ce n’est pas ce vent de droite exacerbée qui vous sert à masquer nos choix collectifs qui vous a permis d’acquérir vos richesses. Les logiques marchandes ne fonctionnent pas pour édifier le bien commun : les exemples à cet égard sont nombreux, éloquents et largement médiatisés. Votre richesse, notre richesse, tant privée que publique, est le fruit de rêves, de projets et d’efforts communs, de beaucoup d’efforts. Ce sont eux qui ont permis au Québec de passer en quelques décennies de moins de 2 % de francophones ayant accès à un diplôme universitaire à plus de 30 % aujourd’hui. Dans une très large mesure, nous devons notre croissance économique à ce déblocage spectaculaire. La pérennité du Québec ne passe pas par l’exclusion de certains au profit de d’autres ; il passe par l’inclusion de tous. Inspirés par nos prédécesseurs, nous désirons poursuivre la construction d’une société équitable dans laquelle chacun a la possibilité de choisir librement le cours de sa vie. Le Québec mérite mieux que ce que vous lui offrez. Nos enfants méritent mieux. Vos petits-enfants aussi.

Nous nous joignons aux propos de Blanche Baillargeon (Le Devoir, 24 mars 2005), de Julie Bouchard et Jonathan Plamondon (Le Devoir, 26 et 27 mars 2005) et à tous ceux qui se sont prononcés publiquement en faveur du mouvement étudiant par l’intermédiaire des différents médias afin de dire : ÉCOUTEZ-NOUS ! Nos propos ne sont pas différents de tout ce qui a été dit jusqu’à maintenant. Ils ne sont qu’un coup de plus sur un clou déjà enfoncé à maintes reprises. Nous croyons, naïvement peut-être, qu’à force de multiplier les interventions, d’unir plusieurs voix dans une même lettre, d’attiser un feu déjà bien pris, vous finirez par entendre, écouter et comprendre. Nous ne sommes pas à quémander vos grâces tels des sujets aux pieds d’un roi tout-puissant. Nous sommes des citoyens responsables au sein d’une démocratie qui demandent à ce que vous assumiez les mandats, les services publics et les responsabilités qui accompagnent la chaise dans laquelle la population québécoise a choisi de vous asseoir aux dernières élections.

Nous persistons et nous signons,

Véronique Chagnon, étudiante au doctorat en sciences de l’administration, Université Laval
Martin Maltais, étudiant au doctorat en sciences de l’Éducation, Université Laval

Alain Brabant, avocat
Alain Maltais, étudiant à la maîtrise en orientation, Université Laval
André Beaudet, enseignant au secondaire
André Genois, fonctionnaire
Andrée Deschênes, étudiante au doctorat en sciences de l’orientation, Université Laval
André-Jacques Deschênes, professeur à la Télé-université
Angèle Dufour, enseignante au primaire
Anne LeBel, enseignante en techniques de travail social
Anne-Marie Simon, étudiante au doctorat en sciences de l’administration, Université Laval
Annie Fortin, étudiante en communications
Antoine Goutier, président de l’Association des étudiants aux cycles supérieurs de l’Université Laval
Brigitte Blais, enseignante au primaire
Caroline Tremblay, traductrice diplômée de l’Université Laval
Catherine Lajoie, étudiante en sciences de la nature, Collège de Sherbrooke
Céline Bourbeau, agente analyste
Christine Brabant, étudiante-chercheure en sciences de l’éducation, Université de Sherbrooke
Christine Forest, étudiante en soins infirmiers, Collège de Sherbrooke
Christine Gagnon, garderie en milieu familial
Claire Nadeau, mère de famille de trois enfants
Claude Asselin, enseignante au collégial, Collège de Sherbrooke
Claudette Charlevoix, mère de famille de deux enfants
Clément Huneault, conseiller en ressources humaines
Colette Lamy, administrateur de contrats
Daniel Lecoeur, psychiatre
Denis Lamy, étudiant au doctorat en science de l’éducation, Université du Québec à Trois-Rivières
Diane Galipeau, agent d’artistes
Dominic Rhéaume, technicien électronique
Éric Morel, Assistant technique en laboratoire, Hôpital Saint-Sacrement (CHA)
Éric-Jan Zubrzycki, conseiller syndical
Francine Brabant, enseignante au secondaire
Francine Saillant, professeure titulaire, Université Laval
Francois Brabant, avocat
Frédéric Deschenaux, professeur, Université du Québec, Rimouski
Frédérick Dagenais, étudiant en technique d’écologie appliquée
Gaétan Tachereau, psychologue
Geneviève Paquette, étudiante au doctorat en science de l’éducation, Université de Sherbrooke
Georges Massé, professeur
Gérald Tapp, conseiller en formation
Gilles Parré, conseiller en radiodiffusion
Guillaume Côté, étudiant en écologie appliquée, Collège de Sherbrooke
Jacinthe Demers, travailleuse autonome en maintien à domicile
Jean-Benoit Tremblay, étudiant en design, Université du Québec à Montréal
Jean-François Cloutier, professeur au collégial
Jean-François Maltais, étudiant en cinéma, chargé de cours à l’Université Laval et enseignant au collégial
Jeanne Gagnon, écrivaine et fonctionnaire
Jean-Philippe Carier, étudiant en sciences humaines au CEGEP de Granby, Haute-Yamaska
Joanie Maurice-Philippon, étudiante en sciences humaines, Collège de Sherbrooke
Josée Cardin, technicienne en laboratoire
Judith Cantin, conseillère pédagogique
Kathleen Chartré, citoyenne et mère de deux enfants
Katy Houle, enseignante au secondaire, Collège St-Maurice
Lise Bégin-Langlois, conseillère en formation, Université Laval
Louis Cournoyer, étudiant au doctorat
Louise Côté, analyste des procédés administratifs
Luc Samson, citoyen et père de deux enfants
Luis Adolfo Gòmez Gonzàlez, chargé de cours et étudiant au doctorat en sciences de l’éducation, Université du Québec à Rimouski.
Manon Giguère, enseignante au primaire
Marcel Maltais, travailleur autonome
Marie-Andrée Paquette, étudiante à la maîtrise en santé communautaire, Université Laval
Marie-Ève Randlett, étudiante au baccalauréat en Chimie à l’Université de Montréal
Marie-France Noël, professionnelle et étudiante en éducation
Marie-Pier Couture, étudiante en sciences humaines, Collège de Sherbrooke
Marie-Pier St-Jean, étudiante en design, Université du Québec à Montréal
Marilène Bourbeau, étudiante en technologie de la médecine nucléaire
Mario Daneau-Landry, Travailleur autonome en maintien à domicile
Martine Latouche, enseignante au primaire
Martine Lecoeur, psychologue
Martine Tremblay, étudiante au doctorat en éducation, Université de Sherbrooke
Marylin Desbiens, analyste financière, SADC de Charlevoix
Max Vassivière, retraité
Maxime Watkins, étudiant en design, Université du Québec à Montréal
Mélanie Kéroack, professionnelle de recherche, Université Laval
Mélanie Parré, enseignante
Michaël Drapeau, étudiant en écologie appliquée, Collège de Sherbrooke
Micheline Carrier, éditrice du site Sisyphe
Nathalie Drolet, orthopédagogue
Nathalie Maltais, technicienne en radio diagnostic
Nathalie Marceau, candidate au doctorat en éducation, Université de Sherbrooke
Nicolas Dumont, vice-président à l’externe de l’AELIÉS, directeur par intérim de la Chaire publique de l’AELIÉS
Nicolas Tremblay, agronome, Coop Agrivoix
Pascale Camirand, philosophe théoricienne féministe
Pascale Nootens, étudiante au doctorat, Faculté d’éducation, Université de Sherbrooke
Patricia Raymond, enseignante au primaire, maîtrise en éducation en cours
Petronella van Dijk, organisatrice culturelle
Philippe Laneville, technicien en administration
Pierre Bibeau, étudiant en accueil et intégration, Collège de Sherbrooke
Pierre Bourbeau, enseignant au secondaire
Pierre Brabant, CRIA
Pierre Dupont, prêtre, éducateur/enseignant retraité
Pierre J. Demers, professeur titulaire
Pierrette Martel, enseignante au primaire
René Sicard, étudiant au doctorat en Sciences de l’énergie et des matériaux, Université du Québec à Trois-Rivières
Richard Arsenault, denturologue
Robert Boily, retraité
Sabrina Balomenos, étudiante au baccalauréat en criminologie
Sabrina Beaulé, étudiante
Sandra Hallé, orthopédagogue
Sébastien Brochu, étudiant en sociologie
Serge Gagné, directeur régional des opérations
Solange Gagné, secrétaire
Sophie Barrette, professionnelle de recherche
Sophie Bonin, agente de recrutement, Université du Québec à Montréal
Sophie Boutin, professionnelle de recherche
Steeve Dufour, directeur de la production, Snemo Ltée
Steeve Leblanc, enseignant au secondaire
Stéphane Maltais, militaire et père de quatre enfants
Stéphanie Lanthier, documentariste et chargée de cours à l’Université de Sherbrooke
Suzanne Cool, enseignante au secondaire
Sylvie Lachapelle, enseignante au secondaire
Valérie Caron, enseignante de français au Collège de Sherbrooke
Vanessa Parré, étudiante
Vivianne Garant, psychologue

Le 5 avril 2005.

Véronique Gagnon et Martin Maltais


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