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Plateforme de la Coordination féministe pour le "NON" à la Constitution européenne

13 avril 2005

Coordination des Groupes Femmes « Egalité », Femmes Solidaires, Femmes, Genre et Mondialisation d’Attac, Initiative Féministe Européenne pour une Autre Europe, Les Pénélopes, Réseau Féministe « Ruptures »



Lors d’une première rencontre organisée en février 2005 plusieurs associations féministes ont proposé de faire converger leurs efforts pour que soit entendue la voix de toutes celles et ceux qui au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes s’opposent à cette Constitution. Nous proposons aujourd’hui cette plate-forme qui est notre engagement dans la campagne pour appeler à voter "NON" à cette Constitution le 29 mai prochain.

Partout en France, de très nombreux débats sur la Constitution sont organisés, très souvent de façon unitaire. Leur succès montre à l’évidence que, pour un nombre croissant de salarié-es, il existe effectivement un lien entre les politiques néolibérales qu’elles-ils subissent et ce qui demain serait inscrit en dur dans la Constitution européenne puisque le marché et la libre concurrence en seraient les valeurs et l’objectif central, tout le reste y étant subordonné.

Le règne du marché et de la concurrence a provoqué l’augmentation du chômage, de la pauvreté et de la flexibilité de l’emploi au cours de ces vingt dernières années. Les femmes ont été particulièrement touchées par cette régression sociale. Dans ce contexte, alors que les droits des femmes n’ont jamais été prioritaires en Europe, ils seront encore moins considérés comme une exigence éthique ou simplement démocratique.

Au nom du marché et de la concurrence, le démantèlement des services publics et de la protection sociale a commencé, avec les retombées néfastes bien connues sur les conditions de vie des femmes, particulièrement des milieux populaires. L’âge de la retraite a été reculé, les minima sociaux et l’indemnisation du chômage ont été sérieusement dégradés. Ces attaques aggravent la pauvreté qui concerne majoritairement les femmes, tout particulièrement les femmes immigrées.

Loin de représenter une avancée pour les droits des femmes, la Constitution contient de graves menaces de régression. Elle programme notamment le développement du budget militaire. Avec pour fondement exclusif le dogme du néolibéralisme, cette Constitution subordonne les droits sociaux au respect de la concurrence et aggrave les effets de la domination patriarcale. En effet :

Des droits fondamentaux pour les femmes en sont absents.

Contrairement à ce que prétendent les tenant-es du « oui », la Charte des droits fondamentaux est loin de représenter un progrès : non contraignante, elle fait de plus l’impasse sur de nombreux droits essentiels pour les femmes :

 Le droit à l’avortement, à la contraception et à l’orientation sexuelle de son choix. Dans de nombreux pays d’Europe (Portugal, Irlande, Pologne, Malte, Chypre …), les femmes ne bénéficient pas encore de ces droits que nous considérons comme des acquis non négociables.

 Le droit à vivre sans violence. Alors qu’en Europe, la violence masculine contre les femmes est la principale cause de décès et d’invalidité, avant le cancer et les accidents de la route ; l’absence quasi-totale de préoccupation de ce droit apparaît comme une tolérance vis-à-vis des violences domestiques, viols, mariages forcés, mutilations génitales …

 Le droit au divorce. Si les droits de se marier et de fonder une famille sont garantis dans l’article II-69, alors le droit de mettre fin au mariage par le divorce doit être expressément prévu.

 L’interdiction de la traite des êtres humains à des fins de prostitution. L’ambiguïté qui demeure dans l’appréciation de la prostitution comme « travail » peut conduire à la reconnaissance légale de cette activité alors qu’elle relève pour nous de l’esclavage sexuel moderne. De nombreuses femmes du fait de la pauvreté et du chômage sont victimes de la prostitution. L’article II-65 qui interdit l’esclavage et le travail forcé n’interdit pas explicitement la traite et le trafic de personnes à des fins de prostitution. Par contre, le texte de la Constitution prévoit d’interdire le contrôle des paradis fiscaux où se trouvent recyclés l’argent de la prostitution.

 Le principe de démocratie paritaire représentative n’est plus mentionné lors de la définition de la démocratie représentative. La réintroduction de ce principe permettrait de rendre effective la représentation équilibrée des hommes et des femmes au pouvoir de décision en Europe.

 La définition de la citoyenneté de l’Union européenne n’est pas étendue aux résident-es pour les droits qui concernent le droit de vote, d’éligibilité, de circulation. Les femmes étrangères immigrées sont trop souvent dépendantes de leur statut marital. Elles sont de plus soumises aux Codes de statut personnel des pays d’origine, et au racisme.

 Le droit d’asile : depuis plusieurs années, des associations féministes en Europe demandent que ce droit soit étendu et reconnu pour les motifs de violences, répression et persécution subies en raison du sexe ou du choix de sexualité.

Une charte soucieuse du progrès social aurait dû intégrer tous ces droits, inclure a minima, une clause de non régression et tracer la voie à l’harmonisation par le haut de l’ensemble des droits.

Certains droits qui semblaient acquis sont en régression.

  Le principe de laïcité n’est pas garanti. L’article I-52 accorde aux organisations religieuses un statut tout à fait particulier puisqu’il leur reconnaît « une identité et une contribution spécifique ». L’Union maintient avec elles « un dialogue ouvert, transparent et régulier ». Cela constitue un danger pour les libertés conquises par les femmes. Les religions ont depuis trop longtemps soutenu et conforté le système patriarcal en maintenant les femmes en situation d’infériorité. C’est pourquoi seule la réaffirmation du principe de laïcité de toutes les institutions et règles de l’Union serait en mesure de garantir les droits des femmes contre les pressions des religions officielles, des intégrisme religieux ou des communautarismes divers.

 Le droit à l’emploi, les droits à un revenu minimum, à une pension, aux allocations de chômage ne sont plus reconnus dans ce projet de Constitution. Il ne reconnaît à toute personne que « le droit de travailler » et « la liberté de chercher un emploi » (article II-75) ! Or, les femmes sont majoritaires parmi les chômeurs non indemnisés, les bas salaires et les bénéficiaires des minima sociaux. En France, elles représentent 80% des travailleurs pauvres et 83% des retraités qui perçoivent une pension inférieure au minimum vieillesse.

La notion d’égalite hommes-femmes devient un instrument au service de la logique libérale.

Les politiques de l’Union inscrites dans la partie III de la Constitution programment l’aggravation des politiques libérales actuelles. La Stratégie européenne de l’emploi - contenue dans la Constitution à travers les lignes directrices de l’emploi (article III-206) - instrumentalise la notion d’égalité entre hommes et femmes pour la mettre au service de la logique libérale. Elle vise ainsi, non pas à réduire le chômage, mais à accroître le taux d’emploi en faisant entrer sur le marché du travail des personnes jusque là inactives, notamment les femmes. Maintenir le chômage à un niveau conséquent est en effet « favorable » pour faire pression à la baisse sur les conditions de travail et de rémunérations !

Au nom de la « conciliation » entre vie familiale et professionnelle, cette stratégie légitime le temps partiel et la flexibilité. C’est un affichage bien pratique qui masque soigneusement le fait que le temps partiel est surtout bénéfique aux entreprises et toujours très défavorable pour les salarié-es. Il est synonyme de salaire partiel, de retraite partielle et, étant souvent imposé, équivaut à du chômage partiel. De même, la diversification des temps de travail est présentée comme répondant aux aspirations de chacun-e à « choisir » son temps de travail ! L’article III-203 de la Constitution parle de « promouvoir une main d’œuvre (…) susceptible de s’adapter ». L’enjeu est bien d’aller vers la flexibilité totale ! En l’absence de norme sur la qualité de l’emploi, le risque est grand de voir se développer, encore plus qu’aujourd’hui, n’importe quel petit boulot !

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il n’y a pas d’avenir en Europe sans garantie effective pour les femmes de leurs droits humains fondamentaux.

Seule une Europe où les droits fondamentaux et les services publics seront prioritaires par rapport au marché pourra garantir les droits acquis par les luttes des femmes, faire progresser l’égalité entre les sexes et harmoniser par le haut l’ensemble des droits. Cette autre Europe, solidaire, et féministe et de paix est possible.

Le 14 Mars 2005.

Signatures à adresser à : Monique Dental ; Jacqueline Penit.

Contacts associations :

Coordination des Groupes Femmes « Egalité »
Commission Femmes Genre et Mondialisation d’Attac
Femmes Solidaires
Initiative Féministe Européenne pour une Autre Europe
Les Pénélopes
Réseau Féministe « Ruptures »

Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 avril 2005.




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