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Feu vert aux "pimps" ?
Lettre-type à votre député-e sur la décriminalisation de la prostitution

novembre 2005

par Martin Dufresne

Bonjour,

Je prends la liberté de vous faire parvenir un article publié il y a deux semaines dans un journal étudiant de l’Université Laval.

Il porte sur un risque imminent : celui d’une normalisation par l’État du proxénétisme, des bordels et du racolage des femmes par les hommes, à la
demande de "l’industrie du sexe".

Celle-ci cherche à poursuivre son expansion au nom du néolibéralisme et d’une mondialisation qui passe notamment par le trafic des femmes vers les pays où est légalisée et protégée l’exploitation sexuelle.

Si cet article vous convainc de prendre un instant pour écrire quelques mots à votre députéE fédéralE ou au chef de son parti (à la Chambre des communes, Ottawa, ON K1A 0A6), il aura valu le temps mis à l’écrire. Une lettre-type suit.

Il y a urgence puisque - à cause de l’appui du Bloc québécois et du NPD - la législation en question pourrait être abrogée à la va-vite, juste avant la
dissolution du Parlement. Nos lettres vont peser dans la balance.

Merci de prendre à coeur cet enjeu.

Martin Dufresne


La Marmite Sociale, Université Laval - octobre 2005

FEU VERT AUX "PIMPS" ?

Un sous-comité fédéral composé de représentant-es des quatre grands partis
fédéraux a passé l’année à préparer une série de recommandations de réforme
dans le dossier de la prostitution. Du progrès en perspective ? Pas sûr, pas
sûr.

La Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES), s’inquiète
de ce que ce groupe de travail risque de recommander, à l’instigation de
« l’industrie du sexe », une légalisation pure et simple du proxénétisme,
des bordels et du racolage exercé par les clients.

La CLES, une coalition québécoise d’organisations et de personnes mobilisées
contre le trafic sexuel national et international et la violence
anti-femmes, réclame avant tout un véritable débat sur le rapport entre la prostitution et l’égalité entre les sexes.

Est-ce que les député-es du Bloc Québécois, dont deux membres siégent à ce
comité, croient avoir le mandat de donner le feu vert aux « pimps » de Québec et d’ailleurs ? La CLES entend bien poser la question à la députée de Québec, Christiane Gagnon, qui vient d’être nommée responsable de la Condition féminine au Bloc. Il serait ironique que les proxénètes soient sacrés « entrepreneurs » avant même que les pimps coincés à Québec aient entièrement purgé leur peine !

Pimps et clients, les « prostitueurs » exploitent déjà les femmes et les jeunes dans nos quartiers. Les membres de la CLES jugent indispensable que le gouvernement canadien situe sa politique en matière de prostitution dans le contexte d’une lutte contre la violence faite aux femmes et d’une promotion de l’égalité entre les sexes.

La prostitution qu’on ne voit pas

Contrairement à un préjugé répandu, la prostitution pratiquée derrière des portes closes, dans les bordels, salons de massage, clubs de « danseuses », etc., serait tout autant violente et destructrice pour les femmes et les jeunes filles que la prostitution de rue qu’elle est graduellement en train de remplacer dans nos quartiers. Nelly Arcan l’a bien décrit dans son livre Putain.

Melissa Farley est une psychologue et auteure américaine qui a comparu devant le sous-comité fédéral en mars dernier pour décrire 10 ans de recherches dans 9 pays après de quelque 850 personnes prostituées. La très grande majorité de celles à qui elle a parlé souhaitent surtout s’arracher au milieu de la « gaffe ». Elles revendiquent pour cela l’accès à des traitements, des logements abordables, des traitements de désintoxication et des emplois décents. Si elles louent leur corps, c’est presque toujours faute d’alternatives, amenées là par la pauvreté, le trafic sexuel, le racisme sexualisé des clients, des dépendances ou des agressions sexuelles subies dans l’enfance, une réalité qu’a documentée l’anthropologue de Québec Rose Dufour dans l’ouvrage Je vous salue, paru en 2004.

Main basse sur nos villes

Le projet de déménager le Casino de Montréal à Pointe St-Charles, malgré la résistance des gens du quartier, montre qu’il y a de plus en plus de pression du grand capital et de l’État pour faire des zones défavorisées de vastes « red light » ou « Eros Centers » pour banlieusards et touristes. Pour la CLES, une décriminalisation générale multiplierait l’exploitation des femmes, des immigrantes et des jeunes en ouvrant la porte au trafic sexuel national et international, comme cela s’est fait à Hambourg et Amsterdam.

Que doit faire l’État dans ce dossier controversé ? La question va se poser cet automne et les partis fédéraux soi-disant progressistes vont devoir répondre de leurs choix. Pour les membres de la CLES - dont la Marche mondiale des femmes, le Regroupement des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, les auteur(e)s Yolande Geadah, Rose Dufour et Richard Poulin et beaucoup d’autres organisations - il faut d’abord cesser de harceler et d’arrêter les prostituées elles-mêmes, mais surtout il faut dissuader leurs exploiteurs, comme on le fait déjà efficacement en Suède, tout en offrant aux jeunes, aux immigrantes et aux femmes en général les ressources stables dont le manque les rend vulnérable à « l’industrie du sexe ».

Martin Dufresne

Pour en savoir plus : la CLES

Pour contacter la CLES : courriel

"La prostitution est à la collectivité ce que l’inceste est à la famille."

    (Melissa Farley, San Francisco)
*****

La Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES) vous invite à expédier cette lettre à votre député-e.

Pour trouver les coordonnées (courriel, téléphone) de votre député-e (par circonscription), allez à cette page.

La CLES : courriel.


(Lettre-type - n’hésitez pas à écrire la vôtre - aucun affranchissement
nécessaire)

Monsieur, Madame ______________
Chef ou députéE du _______________
Chambre des communes
Ottawa, ONT
K1A 0A6

Madame, Monsieur,

Selon des informations publiées au début d’octobre, un sous-comité parlementaire où siègent un ou des représentants de votre parti s’apprête à recommander une décriminalisation générale du proxénétisme, des bordels et du racolage de personnes prostituées par des « clients ».

Aucun débat de société n’a eu lieu pour justifier de telles mesures. Elles auraient pour effet de multiplier l’ampleur de la prostitution et de la traite sexuelle au Canada, deux sources d’inégalité et de violence à l’endroit des femmes et des jeunes et un recul injustifiable pour les droits des femmes à de véritables emplois.

Votre parti perdra mon vote à tout jamais s’il se rallie à de telles propositions.

Que le gouvernement canadien cesse de harceler les femmes et les jeunes contraintEs à la prostitution par la pauvreté et la violence, d’accord et il est plus que temps !

Mais surtout, qu’il intervienne pour leur offrir de réelles alternatives et pour dissuader efficacement leurs exploiteurs (trafiquants, proxénètes, tenanciers de bordels et clients), plutôt que de leur laisser la bride sur le cou.

J’attends votre réponse à ce sujet.

(Vos nom et adresse)

Martin Dufresne

P.S.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 10 novembre 2005




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