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Lettre à M. Gilles Duceppe, chef du Bloc québécois, au sujet de la décriminalisation de la prostitution

12 novembre 2005

par Christine Burtin Lauthe

Montréal, le 8 novembre 2005

Monsieur Gilles Duceppe
Député du comté de Laurier-Sainte-Marie
Édifice de la Confédération
Chambre des communes
Ottawa, Ontario
K1A 0A6

Objet : Le rapport du Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage

Monsieur,

D’ici quelques jours, le Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile, doit déposer son rapport et ses recommandations. Les échos sont à l’effet que le comité proposera l’abrogation de l’article 213 sur « la sollicitation d’une personne par une autre dans des endroits publics » ou loi sur le racolage.

Sachant que toute législation sur la prostitution a des impacts sur l’ensemble des citoyennes et des citoyens, je m’insurge contre l’abrogation de cet article et de ceux qui lui sont connexes, c’est-à-dire l’art 210 sur « la tenue de maison close », l’article 211 sur « le transport de personnes vers ou d’une maison de débauche » et enfin l’article 212 sur « les activités de proxénétisme ».

L’abrogation de l’article 213 et des autres articles aggravera la violence, l’insécurité et la stigmatisation dont les personnes prostituées sont victimes. On augmentera l’insécurité des résidants. Les actes d’intolérance et de rejet vis-à-vis de la prostitution se multiplieront dans les quartiers où elle se déroule.

Posez-vous la question : Qui souhaiterait que son quartier devienne une « zone de tolérance » et d’exercice légal de la prostitution ? Qui pourrait expliquer aux électeurs et électrices de son comté que leur quartier a été choisi pour accueillir la « zone commerciale du sexe » et que les enfants et les familles ne sont pas les bienvenus dans ce secteur ?

Des précédents désastreux

Aux Pays-Bas, la légalisation de la prostitution, en octobre 2000, devait mettre fin à la prostitution des mineurs. L’Organisation pour les Droits de l’enfant estimait que le nombre de mineurs qui se prostituent était passé de 4 000 en 1996 à 15 000 en 2001.

En Australie, les promoteurs de la décriminalisation (ou légalisation) voulaient, entre autre, résoudre le problème du contrôle par le crime organisé de l’industrie du commerce sexuel. Il n’en a rien été. Au contraire, la police de Victoria estimait en 2002 à 400 les bordels illégaux contre 100 les bordels légaux.

Un exemple convaincant

En Suède, la croissance forte de la prostitution dans les années 90 a décidé le gouvernement à reconnaître la prostitution comme un viol des droits de la personne et à pénaliser non pas la vente mais l’achat de services sexuels. Avant la loi de 1999, le nombre de personnes prostituées était estimé à 3 000. Aujourd’hui, il a diminué de moitié et la prostitution de rue ne représente plus que 350 à 400 personnes pour une population de plus de 8 millions d’habitants. L’achat ou la simple tentative d’achat sont punissables d’amendes ou d’une peine de prison.

Pourquoi ne pas s’inspirer du modèle suédois qui est le seul d’Europe occidentale à agir sur la « demande », c’est-à-dire le client/acheteur et sur le proxénète et à constater une diminution de sa prostitution ?

Pour toutes ces raisons, j’appuie la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES), regroupement d’organismes et de personnes, qui réclame

 la ratification par le Canada de la Convention Internationale du 2 décembre 1949 contre « la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui ». Cette ratification témoignerait de la volonté de l’État canadien de se doter d’une véritable politique globale contre l’exploitation sexuelle et contre la traite des personnes,
 le maintien et l’application des articles du Code criminel (articles 211, 212 et 213) pour la répression des proxénètes et des clients/acheteurs ce qui renforcerait le fait que l’achat de services sexuels est un acte criminel,
 la fin de la criminalisation et de la pénalisation de la personne prostituée du fait de ses activités de prostitution, qui ne serait plus considérée comme une délinquante mais comme une personne à accompagner et à aider,
 la mise en place d’une véritable politique de prévention et de réinsertion afin d’interrompre « la chaîne de fabrication » de personnes prostituées, de clients/acheteurs et de proxénètes en un mot la marche vers une société sans prostitution.

En terminant, je souhaite que le Caucus de votre parti rencontre les représentantEs de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES) afin de discuter plus longuement de l’impact qu’aurait la décriminalisation de la prostitution et de celui de la croissance de l’industrie du sexe au Québec et au Canada. Cette rencontre aurait pour but d’apporter des solutions politiques, économiques et sociales à ce problème de société.

Christine Burtin Lauthe
Membre du Bloc québécois
(514) 529 1279

Mis en ligne sur Sisyphe, le 8 novembre 2005.

Christine Burtin Lauthe

P.S.

 Vous pouvez copier cette lettre, la signer et l’envoyer à M. Gilles Duceppe ou, en l’adaptant, à votre député, par la poste à l’adresse indiquée dans l’en-tête ou par courriel. Il n’est pas nécessaire d’affranchir l’enveloppe pour le courrier adressé à la Chambre des communes.




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