source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2205 -



La décriminalisation de la prostitution porterait préjudice aux femmes asiatiques

9 janvier 2006

par Cheryl Rossi, journaliste au Vancouver Courier

Selon la militante Alice Lee, la prostitution légalisée donne libre cours aux trafiquants sexuels

Par Cheryl Rossi,
The Vancouver Courier
, le 1er janvier 2006

Une coalition de femmes asiatiques demande au Sous-comité parlementaire chargé de l’examen des lois sur le racolage de ne pas recommander une décriminalisation généralisée de la prostitution. La coalition qualifie la
décriminalisation de mesure raciste et sexiste qui porterait préjudice aux femmes asiatiques de Vancouver, du Canada et du monde entier.

Mme Alice Lee, qui milite depuis dix ans à l’organisation Vancouver Rape Relief - NDT : groupe membre de l’Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel (ACCCACS) - a coordonné en décembre le travail de l’Asian Women Led Coalition to End Prostitution, en raison de sa préoccupation face au trafic sexuel de femmes du sud et de l’est de l’Asie vers les "salons de massage" de Vancouver.

« Il suffit de consulter les annonces classées de journaux comme le Georgia Straight pour constater qu’on y présente de plus en plus de femmes asiatiques », explique Lee, à qui une intervenante auprès du personnel de
ces établissements a dit que 80% des travailleuses sont asiatiques.

La coalition comprend des femmes sud-asiatiques, philippines, vietnamiennes, malaisiennes, chinoises et indonésiennes, dont quelques-unes ont participé à l’industrie du sexe.

Selon Lee, des rapports issus d’Australie et de la Communauté européenne indiquent que la légalisation de la prostitution n’a pas amélioré la sécurité ou la santé des travailleuses du sexe dans ces pays.

« En somme, ce que nous apprennent ces études, précise Lee, c’est que la décriminalisation ne protège pas réellement les femmes, au plan de leur santé ou en réduisant la prostitution. En fait, ces mesures entraînent un
accroissement de la prostitution, tant celle des mineurs que la traite des femmes. »

Pour Lee, la responsabilité de détecter les trafiquants ne devrait pas revenir aux fonctionnaires municipaux, qui décernent des permis aux salons de massage.

« Il est impossible pour eux de savoir si les propriétaires sont ou non des trafiquants en se fiant seulement aux dossiers criminels et on ne peut s’appuyer que sur cela », explique-t-elle. Lee ajoute que les trafiquants
déposent souvent des pièces d’identité et des visas contrefaits pour leurs victimes. D’autres femmes nées à l’étranger et amenées au travail du sexe entrent au Canada dans le cadre de mariages par correspondance ou comme aides familiales ou danseuses érotiques.

Parlant d’un projet de loi déposé en mai dernier par le ministre de la Justice Irwin Cotler pour combattre la traite des personnes, Lee qualifie cette législation d’incomplète parce que ne prévoyant pas de mesures de
protection suffisantes des victimes de la traite.

Les Nations Unies évaluent à 700 000 personnes - dont beaucoup de femmes et d’enfants - le nombre de personnes victimes d’une industrie mondiale de la traite qui rapporte entre 7 et 10 milliards de dollars.

Lee indique que sa coalition ne veut pas que l’on criminalise les femmes prostituées. Le groupe veut plutôt que l’on sanctionne les clients, les proxénètes, les trafiquants et quiconque tire profit de leurs activités. Selon elle, la façon de mettre fin à la prostitution est de favoriser l’accès à de la nourriture, des logements, des formations et de véritables emplois.

« La prostitution est un problème très complexe ; je crois que nous aurions tort de la prendre à la légère et de créer à la hâte des quartiers « red light », dit-elle. « Je veux qu’il y ait beaucoup d’échanges et de débats à ce sujet. Il me semble que la plupart des gens ne sont pas informés de ces enjeux. Je comprends le désir des gens de protéger les femmes qui sont présentement dans la prostitution - je le souhaite aussi - et je comprends
la préoccupation des gens pour les femmes disparues dans le quartier Downtown Eastside, mais je ne crois pas que la décriminalisation soit la bonne réponse ; j’ai plutôt l’impression qu’il s’agit d’une solution superficielle. »

On prévoit que l’élection du 23 janvier décidera de l’avenir du sous-comité parlementaire.

(Traduction : M. Dufresne - rediffusion autorisée)

Lectures suggérées

 Position du centre Rape Relief et de l’ACCCACS
 Position de la FFQ (2002)
 Position de la Concertation des luttes sur l’exploitation sexuelle (CLES)
 Dossier complet de Sisyphe

Mis en ligne sur Sisyphe, le 9 janvier 2006

Cheryl Rossi, journaliste au Vancouver Courier


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2205 -