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Réflexions et questionnement d’une féministe en mutation

4 juin 2006

par Mylène Beauregard

Où est le couple dans le discours, les débats et les enjeux liés au féminisme ?

Où est le conjoint, hormis lorsqu’il est sommé au banc des accusés ?

Comment intégrer le féminisme dans la réalité de la vie à deux qui inclut un homme, sans briser le fragile équilibre qui prévaut déjà dans la
conciliation d’une vie à deux tout court ?

Lorsque je lance une recherche Internet avec les mots « couple, crise, et féminisme », l’on me dirige presque toujours sur des sites où le couple est
abordé sous l’angle de la réalité lesbienne (et c’est très bien, tant mieux pour ces femmes), jamais ou très rarement cependant ne parle-t-on des
relations de couples homme-femme. N’y a-t-il donc aucune féministe qui soit en couple avec un homme ? J’en doute ! Alors qu’en est-il donc de ces
couples, comment ces femmes (ou ces hommes !) intègrent-ils ou elles leur féminisme dans leur relation ? Comment réagit leur conjoint-e face à leur
discours féministe ? Y arrivent-ils ou elles ? Pourquoi personne ne parle de ça ? Y a-t-il au moins une histoire réussie dans toutes ces expériences de
vie à deux ou est-ce que l’absence de témoignages positifs confirme également l’absence de couples intégrant harmonieusement le féminisme ?

Pourquoi n’entends-je pas parler des défis que posent la vie de couple et l’inclusion des hommes qu’on aime dans le discours féministe ? Parce qu’il
n’y a pas que des hommes haïssables n’est-ce pas !

Serais-je d’une espèce rare qui se targue d’être féministe et de vouloir AUSSI vivre ce féminisme en intégrant mon conjoint masculin ?

Pourtant je me sens difficilement capable d’y arriver, ayant le sentiment qu’avec les outils actuels dont je dispose pour m’émanciper, je suis confrontée à aborder mon affranchissement comme un « combat » uniquement et non comme un projet de vie à deux, et laisser sur le ring un partenaire
abattu, sans plus de repères, dévasté et émasculé de sa masculinité et de son intégrité. Oui, se remettre en question est douloureux. Et lorsqu’un des deux partenaires remet en question son rôle social, culturel et sexuel, forcément cela implique une remise en question du rôle social, culturel et
sexuel de l’autre. Mais cet être que je mets k.o involontairement dans mon « combat féministe », qui finit par se sentir personnellement attaqué en tant qu’homme à chaque fois qu’il est question d’un homme ou de la place des femmes, j’ai envie de ne pas le laisser tomber, j’ai envie de l’aider à
s’émanciper lui aussi, d’une manière qui soit satisfaisante pour lui aussi.

Mais ici, pour lui comme pour moi, plus de repère. Plus personne, pas de modèle ni d’exemple pour sortir de notre détresse. Comment fait-on ?

Comment se fait-il que jamais, jamais le féminisme ne soit abordé sous l’angle de l’inclusion mais toujours d’un point de vue guerrier, binaire : moi ET l’autre, jamais ou rarement moi AVEC l’autre ?

Est-ce moi qui suis opaque au discours féministe ? N’ai-je pas su lire, simplement, derrière tous ces combats, le franc et réel désir des femmes
féministes de trouver un jour une voie de paix et de conciliation avec les hommes ? Où ce désir est-il tout simplement absent de ces combats ?

Et si mon défi et souhait sincère de femme était de m’affranchir du rôle social, culturel et sexuel généralement admis pour mon sexe et essayer de
devenir un être épanoui et libre de carcans, tout en ne l’évacuant pas de ma réalité de femme cet AUTRE, masculin, avec lequel j’ai envie de dire, faire
et partager ma vie ?

Existe-t-il une approche conciliatrice, médiatrice, réparatrice du couple homme-femme dans les questions liées au féminisme, dans ce grand et
difficile défi de vivre avec cet autre, différent de moi ?

Pourquoi ne ferait-il pas partie du projet lui aussi ? Pourquoi ne participerait-il pas du questionnement et, ce faisant, des solutions ?

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 mai 2006

Mylène Beauregard


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