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Non, vous ne saurez pas tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le "travail du sexe" !

18 novembre 2006

par Johanne St-Amour

Certains arguments donnés à l’article d’Ana Popovic sont un peu tordus. D’abord, on s’enorgueillit des prix attribués par le Réseau juridique canadien VIH/SIDA et Human Rights Watch mais on confond les intentions pour mieux manipuler les opinions. Les prix qui ont été attribués au groupe Stella sont relatifs au VIH/SIDA et à la protection des droits et de la dignité des personnes, ils n’ont rien à voir avec l’approbation de la prostitution par ces organismes. Mais certaines utilisent cette visibilité reçue dans le cadre d’intentions précises pour soutenir leur position en faveur de la décriminalisation totale de la prostitution.

Il est malhonnête de se cacher derrière des distinctions remises de bonne foi pour vendre un projet de société controversé, qui n’a pas fait l’objet d’un vrai débat de société et qu’on tente de faire avaler de force en cachant la petite pilule amère. C’est comme tenter de faire passer un sapin mais avec des boules de Noël ! Car entre nous, lors de cette formation du 17 novembre, les bénéficiaires apprendront-elles-ils vraiment tout ce qu’ils-elles désirent vraiment savoir sur le "travail du sexe" ? Auront-elles-ils véritablement accès aux côtés négatifs et dévastateurs de la pratique de la prostitution comme la violence des proxénètes, des clients, le pouvoir des proxénètes, des gangs de rue, du crime organisé, du rapport de domination des hommes dans la prostitution, de la pertinence de satisfaire les moindres exigences sexuelles masculines, des réalités pathologiques de certains clients, du taux élevé de transmission du VIH, des maladies transmises sexuellement, du taux élevé d’autres maladies (physiques, psychologiques ou mentales) reliées à la difficulté d’être prostituée, au taux élevé de toxicomanie, à l’illusion de gagner de l’argent, aux effets dévastateurs sur la personne qui se prostituent, mais surtout au taux élevé de mortalité ? Et j’en passe... Sera-t-il question des raisons principales des femmes qui se font prostituer : les agressions sexuelles subies dans l’enfance, l’appartenance à une minorité nationale ou ethnique et la banalisation de la prostitution, selon Richard Poulin ? J’en doute très fort. La formation ne montrera que le supposé bon côté de la médaille. C’est à ce titre que je juge l’engagement du groupe Stella et des personnes qui veulent la décriminalisation totale de la prostitution malhonnête. Non, vous ne saurez pas tout ce que vous avez toujours voulu savoir et que vous n’avez jamais osé demander lors de cette formation.

Il est agaçant également de voir comment ces groupes aiment mousser leur formation et colloque en l’associant directement au sexe : tout ce que vous avez toujours voulu savoir et n’avez jamais osé demandé et le Forum XXX. Ici, rien à voir avec la dignité humaine. Mais lorsque nos engagements ne s’appuient pas sur une véritable analyse - de société -, qu’ils n’améliorent pas la cause des prostituées et surtout qu’ils ne touchent pas les causes profondes d’une situation déplorable, on s’appuie sur des images ou des concepts racoleurs.

Les subterfuges utilisés ces derniers années par le groupe Stella et ceux qui promeuvent la décriminalisation totale de la prostitution passent par des chemins détournés. Un autre exemple : demander des conditions de travail acceptables pour les prostituées, alors que jamais la société québécoise (et canadienne) n’a statué sur la légitimité d’une telle occupation, c’est dissimulateur et trompeur. Malheureusement, plusieurs groupes, dont certains groupes de femmes, le syndicat de la fonction publique canadienne, certains députés fédéraux, entre autres, se sont laissés prendre au jeu.

Je me souviens qu’à la fin de l’année scolaire de mes enfants à la maternelle, lors d’une petite fête, on demandait à tous les élèves ce qu’ils voulaient faire plus tard. Etes-vous capable d’imaginer une jeune fille disant : « Moi, je veux être prostituée » ? Je me souviens, d’ailleurs, lors de cet exercice qu’il y avait un effet d’entraînement et que les premiers garçons et les premières filles à parler donnaient le ton à tous les autres. Tous les garçons voulaient être ou policiers ou pompiers et toutes les filles ou presque voulaient être infirmière ou professeure. On ne voulait pas se démarquer, ou on manquait d’imagination, ou c’était véritablement leurs rêves, je ne sais, mais cela laisse à réfléchir. Vus sous cette lorgnette, tous les métiers et toutes les professions ou supposés métiers et professions ont-ils la même valeur ?

Imaginer maintenant que le groupe Stella, outre le subterfuge de s’immiscer à l’Université (qui d’ailleurs devrait vraiment être questionnée sur ces choix), s’immisce aux premiers degrés du secondaire pour faire la prévention du VIH/SIDA ? On se souvient que, lors de la polémique engendrée par le dossier de la prostitution juvénile à Québec, le ministre de la justice du temps, Marc Bellemare, avait accordé une bourse de $100 000 à l’organisme Projet Intervention Prostitution Québec (PIPQ) pour faire de la prévention sur la prostitution juvénile dans les écoles. Pourrait-on imaginer une démarche semblable du groupe Stella ? À votre avis ? Parce que j’imagine que ce seront les prochaines étapes du groupe. Quelle cloche ça vous sonne d’entendre votre enfant de 12 ans arrivant de l’école et disant : « Maman, papa, aujourd’hui des représentantes du groupe Stella sont venues nous parler de la prévention du sida, des maladies transmises sexuellement et du port du condom, tsé le groupe qui défend les droits des prostituées. Elles nous ont aussi dit que la prostitution était un métier comme un autre. » ?

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 novembre 2006

Johanne St-Amour


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