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Le rapport majoritaire du sous-comité sur le racolage
Le temps de prendre la parole

20 décembre 2006

par Diane Matte, ex-coordonnatrice de la Marche du Pain et des roses et du Secrétariat international de la Marche mondiale des femmes

C’est avec désarroi et inquiétude que j’ai lu le rapport du sous-comité sur le racolage du gouvernement fédéral dont des représentantEs des 3 partis d’opposition sont signataires. Ce rapport crée les conditions pour accroître l’exploitation sexuelle des femmes chez nous et ailleurs dans le monde. Il faut savoir que le lobby pour légaliser la prostitution est en place depuis plusieurs années et a donné des résultats auprès de plusieurs gouvernements « libéraux » à travers le monde où les pays qui sont sous l’emprise de la dette extérieure et à qui on offre de « capitaliser » sur l’industrie du sexe pour renflouer leurs coffres.

Dans un monde militarisé et marchandisé où les droits des femmes subissent des reculs et des attaques innombrables, on ne peut que s’inquiéter de voir des partis politiques faire fi des liens entre l’existence de la prostitution et la violence envers les femmes ainsi que la traite sexuelle dont plusieurs d’entre nous voyons les impacts au quotidien.

Je suis féministe de longue date travaillant contre les causes de la pauvreté et de la violence envers les femmes et étant au coeur des luttes menées ici et ailleurs pour sortir les femmes d’un état de domination et soutenir notre capacité de résistance et de survie. Depuis maintenant près de 10 ans, je suis aux premières places pour constater combien la question de la prostitution est intimement liée à la violence envers les femmes et le contrôle qu’elle exerce sur l’ensemble des femmes ainsi qu’à une vision néolibérale de notre société réduisant tout à une question de marché, donnant primauté aux droits individuels et nous ramenant collectivement à la poupée qui dit oui (quand elle veut parce qu’elle est maintenant tellement
libérée !!!).

Je ne peux croire que le Bloc québécois tolère que son représentant à ce sous-comité fasse la promotion de la réduction des méfaits pour répondre aux
problèmes de son comté et qu’il prétende, en plus, que les groupes de femmes
soient d’accord avec lui !!! Il est plus qu’inquiétant qu’un parti qui nous promet la souveraineté ne voit pas les enjeux sociaux derrière la question de la légalisation de la prostitution. Je sais que la sociale démocratie a tendance à vouloir contrôler les problèmes plutôt que de les affronter mais là...cela dépasse les bornes.

Nous sommes pourtant plusieurs à savoir que les femmes qui sont dans la
prostitution y sont parvenues par diverses routes, mais qu’elles partagent toutes une réalité, elles sont les premières à subir d’un côté la violence de leurs clients, les prenant pour les dépositaires de leur sperme et leur mépris ou leur désir de contrôle et de violence, et de l’autre l’opprobre de la société qui les voit comme des femmes qui méritent ce qu’elles ont et les traite comme des moins que rien. Nous sommes aussi plusieurs à savoir également qu’aucune femme n’est à l’abri de se retrouver dans la prostitution qui se présente maintenant comme une voie de sortie de la pauvreté pour de plus en plus de femmes à travers le monde.

J’ai énormément de difficulté à comprendre et à accepter le silence de la majorité du mouvement des femmes qui semble « tétanisé » par le discours de libéralisation de la prostitution, de la supposée parole des putes et du « droit » de se prostituer comme une lutte d’avant-garde. C’est peut-être pour cela que des membres du Bloc Québécois peuvent défendre un rapport comme celui-ci...

Les femmes qui sont dans la prostitution ont droit à notre solidarité et notre respect, cela ne fait aucun doute. Nous devons lutter contre la violence dont elles sont victimes au même titre que nous le faisons pour l’ensemble des femmes. Elles ont droit aussi à ce que l’on défende le droit des femmes d’exister à l’extérieur de la prostitution comme nous avons défendu et défendons notre droit d’exister à l’extérieur du mariage, de la maternité ou de l’hétérosexualité. Non, l’institution du mariage n’est pas disparue, pas plus que les autres mentionnées, mais nous continuons de travailler pour qu’elles soient remplacées par une réelle égalité.

Lorsqu’on s’identifie à un féminisme de transformation sociale, par opposition à un féminisme « libéral ou néolibéral » ou d’égalité, on ne peut rester indifférente devant le débat ou attendre que d’autres dénoncent. C’est une question de solidarité avec les femmes provenant des milieux les plus pauvres, avec les femmes des pays les plus pauvres, avec celles qui sont racialisées et marginalisées.

Notre corps n’est pas à vendre, nous voulons que notre sexualité, notre existence s’expriment à l’extérieur des diktats du marché et du patriarcat. Le dire haut et fort n’est pas trahir notre solidarité avec les femmes dans la prostitution. Au contraire, c’est créer l’espace pour que les femmes fassent de réels choix. C’est ce que je nous souhaite pour la prochaine année.

Diane Matte, ex-coordonnatrice de la Marche du Pain et des roses et du
Secrétariat international de la Marche mondiale des femmes

Mis en ligne sur Sisyphe, le 20 décembre 2006

Diane Matte, ex-coordonnatrice de la Marche du Pain et des roses et du Secrétariat international de la Marche mondiale des femmes


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2534 -