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"Vous me faites mal deux fois"

29 janvier 2007

par Lucie Poirier

Au Québec (Canada), le 20 janvier 2007, le réseau de télévision LCN a diffusé un débat intitulé « Accommodements raisonnables ou pas » en rapport avec les exigences exprimées par des groupes religieux.

Un juif, un catholique, un musulman représentaient les tenants de la religion. Déterminées par des concepts misogynes, les religions réservent exclusivement aux hommes la direction des groupes. Dans un ouvrage précisément documenté et adroitement argumenté, Les religions sources de l’asservissement des femmes (1), Anisia Campos écrit : « Quand il s’agit de la femme, toutes les religions s’entendent à merveille. Ne sont-elles pas bâties par les mêmes hommes et par les mêmes complexes ? Les hommes ont transformé les religions en instrument d’oppression pour la femme et de pouvoir pour eux-mêmes. »

À ce panel se joignaient un vice-premier ministre, un chef de parti politique, un député, un avocat, un journaliste, un animateur et une seule femme, Denise Bombardier.

Dans les dernières secondes du débat télévisé, l’animateur Paul Arcand a annoncé que « la question de la femme » serait abordée : « Parfois on se demande si c’est pas plutôt la femme qui est victime de tous ces accommodements. Avez-vous l’impression que les femmes paient le prix de toutes ces revendications ? »

Madame Bombardier disait : « Le voile, c’est un signe d’inégalité entre les hommes et les femmes. Ce que l’on veut, c’est que la femme disparaisse. La femme est un objet de péché pour l’homme », lorsque le représentant musulman lui a coupé la parole en haussant le ton pour lui reprocher : « En disant ça, vous me faites mal deux fois. »

Il l’a interrompue, il l’a blâmée ; il lui "a fait mal deux fois" mais cela, personne ne l’a relevé.

Modèle dans l’établissement des droits humains, le Québec était à l’avant-garde par ses mesures favorisant l’égalité entre les femmes et les hommes. Or, les femmes ne cessent de perdre du terrain au plan de leur image, de leur influence, de leurs droits. Maintenant, symbolisée par le port du voile, promue par les exhortations hassidiques, exaltée par les tribunaux islamiques, favorisée par les dogmes catholiques, la propagande haineuse à l’égard des femmes empire parce que les gouvernements refusent de légiférer et d’appliquer des principes d’égalité.

Le maintien des discriminations sexistes, au nom des religions, nuit à la difficile avancée des femmes pour la reconnaissance et l’application de leurs droits. Le Québec dérape et la composition de ce panel, auquel une seule femme participait, reflète le recul et la perte des droits humains que les féministes observent de plus en plus.

La femme est la grande perdante dans les accommodements religieux. « Qui ne dit mot consent. » L’inaction de nos gouvernements laisse supposer son approbation. L’humiliation, l’infériorisation et l’impuissance de la femme sont promulguées publiquement sans que nos gouvernements interviennent. Pourquoi ?

Alors qu’ils auraient dû aller de soi, être automatiques, les droits des femmes ont été accordés au compte-gouttes, avec condescendance, comme des faveurs, que l’on semble regretter. Avec une inquiétude justifiée devant ce qui nous est enlevé par l’entremise de ce qui nous est imposé, sera-t-il possible, tel que le souhaite Madame Bombardier, de « faire respecter nos acquis qui sont récents et encore fragiles » ?

Note

1. Anisia Campos, Les religions, sources de l’asservissement des femmes : invitation à la réflexion et à l’action, Montréal, Carte blanche, 2006, 146 p. Cet essai a été publié, en traduction roumaine, en janvier 2003, à Bucarest.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 janvier 2007

Lucie Poirier


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