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Selon une recherche de Canadians For Choice
Des hôpitaux canadiens accueillent cavalièrement les demandes d’information sur l’avortement

24 janvier 2008

par Isabelle N. Miron

Non seulement l’accès à l’avortement régresse au Canada, mais certains hôpitaux accueillent cavalièrement, et même avec agressivité, les demandes d’information des requérantes. C’est ce qui ressort d’une recherche intitulée « Retour à la réalité : un aperçu de l’accès aux services d’avortement dans les hôpitaux canadiens », menée en 2006 par Jessica Shaw pour le compte de Canadians For choice, un organisme qui lutte depuis 2002 pour un meilleur accès à l’information en matière de reproduction.

Des services dans 1 hôpital sur 6

Canadians For choice avait mené une recherche semblable en 2003, et la comparaison des deux recherches a permis de constater que l’accès à l’avortement a diminué au Canada : 17,8% des hôpitaux canadiens offraient des services d’avortement en 2003 ; ce nombre a diminué à 15,9% en 2006. Ce qui fait qu’au Canada, en 2006, seulement un hôpital sur 6 dispense des services d’avortement.

Les quelques hôpitaux canadiens qui pratiquent des avortements ne le font, dans 90% des cas, que durant le premier trimestre de la grossesse, soit avant 12 semaines. Sauf qu’il est très courant qu’une femme se rende compte qu’elle est enceinte seulement après ce délai. Les femmes dans cette situation doivent donc trouver un hôpital, parfois à l’autre bout du pays, qui offre l’avortement plus tardif.

Le Québec, la Colombie-Britannique, l’Ontario et les Territoires sont les provinces canadiennes offrant le meilleur accès aux services d’avortement. Le Québec est la seule à offrir également des services de counselling. Les provinces de l’Atlantique et le Manitoba font piètre figure, particulièrement l’Ile-du-Prince Édouard qui ne dispense aucun service d’avortement sur son territoire.

Les obstacles que rencontrent les femmes désireuses de mettre fin à une grossesse non planifiée sont nombreux. Non seulement il n’y a pas suffisamment de prestataires de services d’avortement, mais ceux-ci sont concentrés dans les milieux urbains, forçant certaines femmes à parcourir de longues distances ou parfois même à changer de province, ce qui engendre coûts et délais. Les membres du personnel hospitalier sont mal informés et laissent trop souvent leurs valeurs personnelles prendre le dessus sur leurs responsabilités professionnelles. L’information et l’accès aux services sont contrôlés par des groupes anti-choix, qui posent des jugements de valeur et diffusent de fausses informations. Le problème des boîtes vocales est très présent au Québec et en Ontario : quand on téléphone, on doit laisser un message et non parler à quelqu’un, ce qui peut compromettre le désir d’anonymat de certaines femmes.

Accueil irrespectueux et agressif

La recherche de Canadians For Choice avait pour objectif de faire une recension fidèle des services d’avortement en milieu hospitalier au Canada. En plus de faire parvenir aux hôpitaux canadiens des questionnaires écrits sur les services d’avortement qu’ils dispensent, la chercheuse a personnellement téléphoné aux 791 hôpitaux pour s’assurer qu’ils dispensaient bel et bien le service, ou sinon, que le personnel était en mesure d’aiguiller correctement la personne désireuse d’obtenir de l’information. Cette méthode de recherche a permis de démontrer que si certains centres hospitaliers offrent des services d’avortement sur papier, ils ne les dispensent pas toujours dans les faits.

Dans tous les cas, la chercheuse a téléphoné au numéro général de renseignements de l’hôpital en abordant la ou le réceptionniste par cette phrase : « Bonjour, je suis enceinte et je pense me faire avorter. Y a-t-il des services d’avortement à votre hôpital ? »

Les résultats de ce tour de force téléphonique sont surprenants. Les réactions irrespectueuses ont été nombreuses. On lui a raccroché au nez, on a ri d’elle, on lui a crié après et on lui a donné de fausses informations. On l’a quelquefois référée à des groupes anti-choix, qui se présentent comme des centres de crises pour les grossesses non désirées. Des infirmières et autres employés des hôpitaux lui ont déclaré que si elle se faisait avorter, elle ne pourrait plus avoir d’enfant, qu’elle serait plus susceptible de tomber dans l’alcoolisme et la consommation de drogue, et même qu’elle chercherait sûrement un conjoint violent « pour se punir inconsciemment de ce qu’elle s’apprêtait à faire » ! En Colombie-Britannique, on a répondu : « Centre hospitalier X, comment puis-je vous aider ? », et quand la chercheuse eut exposé le but de son appel, on lui a affirmé qu’elle avait téléphoné dans une compagnie forestière ! C’est au Manitoba que la chercheuse recense les réactions les plus virulentes.

Il est difficile d’imaginer qu’on puisse recevoir un tel accueil lorsqu’on demande de l’information, au Canada, en 2007. Et pourtant...La chercheuse a aussi recueilli, au cours de son enquête, des expériences de femmes qui demandaient de l’information sur l’avortement dans les hôpitaux. Par exemple, une employée d’un hôpital a répondu à une jeune femme : « Pas besoin de te faire avorter maintenant, dans plusieurs cas, les grossesses des jeunes filles se terminent naturellement par une fausse couche. Rappelle dans 4 semaines, et si tu es encore enceinte, nous prendrons rendez-vous ». Quatre semaines plus tard, la même employée a dit à la jeune femme qu’il était maintenant trop tard pour se faire avorter !

Pour vous procurer la recherche de Canadians For Choice, voir son site Internet.

Lire également

« L’avortement n’est pas accessible à toutes au Canada », par Isabelle N. Miron, sur Sisyphe.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 août 2007.

Isabelle N. Miron


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