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Belgique - Pour la première fois, une condamnation pour publicité sexiste et injurieuse envers les femmes

5 novembre 2007

Communiqué

Condamnation de la société de vente par correspondance de DVD’s “Home Entertainment Services” et de l’agence de publicité “Emakina” dans le cadre du site web sexiste “rentawife”.

Pour rappel, le 3 avril dernier, la société “Home Entertainment Services” qui commercialise des DVD’s par correspondance sous l’appellation « DVD Post » a lancé une campagne publicitaire virale au moyen du site web “rentawife” conçu par l’agence publicitaire “Emakina”. Le 12 juin denier, la société Home Entertainement Service était condamnée à une amende de 12.000 Euros infligée par l’Association Belge du Marketing Direct en raison des différentes infractions à l’encontre de leur code de déontologie. Entre-temps, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes avait lancé une procédure judiciaire à l’encontre de cette société et de l’agence de publicité, via une demande de cessation déposée devant le tribunal du commerce de Bruxelles. L’affaire a été plaidée en avril. Le jugement, que l’on peut qualifier d’unique à différents points de vue, a été prononcé le 26 septembre dernier.

Dans son jugement de 28 pages, le juge énumère tout d’abord les faits objectifs. Ensuite, il décrit la situation. Le site web est lancé au moyen d’un communiqué de presse ayant pour intitulé “Nouveau : louez votre femme sur Internet”. Le système fonctionne via une série de pages web. L’une de ces pages donne un aperçu de la richesse de l’offre disponible grâce aux différents profils proposés : couleur des cheveux, mensurations, âge, couleur des yeux, race, doit-elle être intelligente ou sportive ? Après avoir fait son choix, on reçoit une proposition reprenant plusieurs noms. Il est également possible de commander un lot de deux ou trois femmes à un prix avantageux. “Femme en location, bonheur à la maison” également “échangeable à l’infini”. On peut également regarder des vidéos, dont l’une montre un homme qui caresse une femme de façon intime, pour ensuite l’allonger sur le sol et lui attacher les poignets, le cou et les chevilles. Elle est attachée à une planche et glissée dans une boîte, et l’homme essuie ensuite la poussière sur cette boîte, avec comme message sous-jacent “bon débarras !”, comme le fait remarquer le juge.

Le juge a eu besoin d’un certain temps de réflexion, ce qu’il a justifié en indiquant que sa tâche n’était pas aisée, vu que « des questions importantes, compliquées et délicates concernant la vie sociale sont évoquées ». Un peu plus loin, il signale qu’il n’est “pas un garde révolutionnaire responsable du maintien de la vertu et de la lutte contre l’immoralité, mais qu’en laissant de côté le savoir-vivre, le juge est tenu d’appliquer la loi, dont l’article 6 de la loi anti-discrimination” qui sanctionne l’incitation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard des femmes.
Le premier point que le juge aborde dans son jugement est le fait que le jour où l’affaire a été plaidée, la partie défenderesse avait remplacé son site web par une autre page avec des liens menant à ce qui se trouvait auparavant sur la page. On a en d’autres mots essayé de couper l’herbe sous le pied des parties demanderesses, mais le juge a souligné qu’une “partie demanderesse peut encore parfaitement faire valoir un intérêt lorsqu’il est constaté qu’à un moment historique, un acte contraire à la loi a été posé”.

Le juge souligne ensuite que “l’une des raisons d’être de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes est précisément la lutte contre des situations telles que celle-ci”. Ce jugement est donc unique à plusieurs égards.

 Tout d’abord, il s’agit de la première décision rendue dans le cadre d’une plainte introduite par l’IEFH.
 Ensuite, c’est la première fois que des comportements sexistes sont définis dans un cadre juridique par un juge. Après avoir donné une description succincte de la difficile réalisation des droits de la femme, le juge fait immédiatement référence à l’article 2 § 6 de l’ (ancienne) loi anti-discrimination du 25 février 2003 qui « sanctionne toute atteinte à la dignité de la personne, en particulier lorsque elle se situe dans un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » dans le cas présent, à l’égard des femmes. La réalisation du site web et du film (avec la demande de transférer aux amis et connaissances) ainsi que la diffusion d’un communiqué de presse sont selon le juge un scénario “dont aucune personne sensée ne peut nier qu’il correspond à la disposition stipulée”. Il ajoute que dans tout l’exposé du site, la femme est traitée comme « une marchandise, comme un objet sexuel, et que ceci est encore accentué par la possibilité d’échange ». Pour ces raisons, le juge conclut également à une infraction de l’article 6 susmentionné de la loi anti-discrimination, à savoir l’incitation à la haine, à la violence et à la discrimination à l’égard des femmes qui peut d’ailleurs mener à une sanction pénale.
 Cette argumentation contribue à rendre ce jugement unique. C’est en effet la première fois que cette disposition est utilisée dans une décision judiciaire (et probablement également la dernière fois sur base de l’ancienne loi sur la discrimination qui a entre-temps été modifiée, en ce qui concerne le genre, par la nouvelle loi du 10 mai 2007 qui sanctionne cependant le même comportement dans son article 27). Il s’agit donc d’un précédent qui fera date.

Le juge relève ensuite d’autres infractions à la loi sur les pratiques du commerce et fustige ce genre de publicité trompeuse. La loi sur la protection de la vie privée est également enfreinte, vu que l’autorisation a été obtenue “under false pretences”, comme le dit le juge, faisant ainsi référence au droit anglo-saxon. Enfin, le juge constate une infraction à l’égard de la loi sur le commerce électronique.

Le jugement est assorti d’une interdiction de réitérer les actes incriminés sous peine d’une astreinte de 2.500 Euros par infraction et par jour.
Il ordonne également la publication du jugement sur les sites web des parties défenderesses condamnées et les parties demanderesses sont autorisées à organiser une conférence de presse, sous des conditions définies, aux frais des parties condamnées, au cours de laquelle, entre autres, le jugement pourra être diffusé dans son intégralité, ce qui n’est pas courant.

Pour conclure. À propos du fait que les parties défenderesses qualifiaient tout cela d’« humour » et présentaient même à un certain moment la situation comme un poisson d’avril, nous pouvons, en guise de conclusion, citer le juge, qui a fait référence à un humoriste à qui la question suivante avait été posée : “Peut-on rire de n’importe quoi ?”, ce à quoi il avait répondu : « Oui, mais pas avec n’importe qui... »

Contact :
Tatiana Hachimi (cellule communication)
Tél. 02/ 233 42 65
Patrick Verraes (juriste)
Courriel.
Tél. 02/ 233 40 27

Institut pour l’égalité des femmes et des hommes
Rue E. Blerot 1
1070 Bruxelles
Fax : 02/ 233 40 32
Site Web

Source : www.iefh.fgov.be

Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 octobre 2007




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