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L’égalité des femmes au Québec, loin de la coupe aux lèvres !
8 mars 2008
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On a beau dire, l’égalité des sexes n’est qu’un mirage ! Les femmes au Québec sont toujours victimes de discrimination systémique. Pire, les gains que nous avons faits sont fragiles et non pas uniquement parce qu’ils sont récents.
Partout au monde, on reconnaît que l’atteinte de l’égalité entre les femmes et les hommes garantit le développement économique autant que social . Toutefois, on assiste à la résurgence des intégrismes religieux de toutes confessions et à la manifestation en force des valeurs traditionnelles de droite, assise de la discrimination systémique universelle à l’égard des femmes. Le Québec, comme le Canada, est loin d’être à l’abri de ces influences ; il faut être vigilante pour empêcher que se reproduisent ici des comportements que l’on croyait disparus. De plus, l’illusion que l’égalité est atteinte permet à certains de lâcher du lest ce qui aurait pour effet un net retour en arrière pour les femmes.
En ce 8 mars 2008, le Conseil du statut de la femme souhaite attirer votre attention sur trois projets qui doivent être surveillés au cours de la prochaine année puisqu’ils auront une influence directe sur un recul ou un gain quant à l’égalité des sexes.
Adopter le projet de loi 63
Commençons d’abord par l’importance et l’urgence d’adopter le projet de loi no 63 qui, pour la première fois, consacre dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne du Québec l’égalité entre les femmes et les hommes, une valeur qui est le fondement de la justice, de la liberté et de la paix. Cette modification législative ajoute aussi un article qui garantira que tous les droits sont accordés également aux femmes et aux hommes. Pour certains, cette modification est inutile. Nous leur répondons qu’il n’est pas inutile que le mot « femme » et l’expression « égalité entre les femmes et les hommes » soient écrits noir sur blanc dans la Charte. Il n’est pas inutile d’indiquer aux tribunaux que bien que la liberté de religion soit aussi protégée, elle ne peut compromettre le droit des femmes à l’égalité, que ce soit pour une employée de la Société de l’assurance automobile du Québec, pour les enseignantes ou pour l’application des dispositions du Code civil du Québec quant au mariage et aux droits égaux des conjoints.
D’autres voudraient que le projet de loi no 63 ne soit pas adopté tant que les droits sociaux et économiques de la Charte ne seraient pas justiciables. Nous leur répondons que l’inscription de la valeur d’égalité des femmes dans la Charte ne doit pas faire l’objet d’un marchandage motivé par le clientélisme et que d’autres modifications à la Charte sont toujours possibles.
Équité salariale
Deuxièmement, l’économie des femmes. À travail égal, salaire égal ! Ce n’est pas vrai au Québec : les femmes perçoivent seulement 70 % du salaire que reçoivent les hommes. Pourquoi est-ce toujours le cas ? Comme partout ailleurs, les femmes étaient destinées à demeurer à la maison pour élever les enfants. Lorsqu’elles ont commencé à prendre leur place sur le marché du travail autour des années 60, la société considérait qu’elles n’avaient pas à gagner autant que les hommes puisque leur salaire n’était pas destiné à faire « vivre la famille », l’homme étant reconnu dans nos lois comme chef et soutien de famille. On vit toujours avec les reliquats des rôles traditionnels.
Le bilan de l’application de la Loi sur l’équité salariale, analysé en commission parlementaire il y a quelques jours, montre clairement que les femmes sont encore sous-payées au Québec. Alors que la Loi est en vigueur depuis 1996, seulement 47 % des entreprises visées ont fait l’exercice d’équité salariale, c’est-à-dire examiner les emplois à prédominance féminine qui ont historiquement été sous payés. Le Conseil insiste pour que la Loi sur l’équité salariale soit maintenue et renforcée et pour que la Commission de l’équité salariale soit maintenue avec les pouvoirs décisionnels qui lui sont accordés dans la présente Loi. Si la Commission est dépouillée de ces pouvoirs décisionnels, ce sera un net recul pour les femmes et une aussi grande erreur et hypocrisie que l’a été le chapitre IX de la Loi sur l’équité salariale déclaré inconstitutionnel par la Cour supérieure du Québec.
Accroître le nombre de places en garderie
Les statistiques sur l’écart entre le salaire des femmes et celui des hommes nous rappellent à quel point l’égalité passe par l’autonomie économique des femmes. Ainsi, troisièmement, nous réitérons donc l’importance que le gouvernement procède rapidement à la création des 20 000 places en garderie, promises l’an dernier. Les services de garde à l’enfance sont directement reliés au fait qu’au Québec, on compte la plus grande participation sur le marché du travail des mères d’enfants de moins six ans. Les femmes veulent travailler pourvu que l’État aménage des conditions de conciliation entre la vie familiale et le travail. On a évalué, il y a 2 ans, à plus de 20 000 les enfants qui pourraient bénéficier des services de garde subventionnés. La création de ces places nouvelles coûterait à l’État 200 millions de dollars par année comparativement à 1 milliard de dollars annuellement, pour une allocation de 100 $ par semaine pour les femmes qui resteraient à la maison. Cette allocation aura un effet certain : retourner les femmes à la maison, les appauvrir, les confiner dans les rôles traditionnels et renforcer les stéréotypes sexuels et sexistes.
Les plus pauvres des plus pauvres au Québec sont des femmes ! Il faut les aider à avoir leur propre revenu et à contribuer aux régimes des rentes, à un fonds de retraite privé afin de ne pas dépendre financièrement du conjoint tout au long de leur vie. Une telle allocation a été donnée aux femmes en France et il a été démontré que cela a été un net recul pour elles. Plus que jamais, les filles sont présentes à l’université et choisissent de plus en plus des métiers non traditionnels ; il faut donc leur assurer des mesures de conciliation entre la vie familiale et le travail afin qu’elles puissent poursuivre une carrière et acquérir une indépendance financière. Comme les femmes gagnent toujours moins que les hommes, ce sont elles qui retourneront à la maison pour 100 ou 50 dollars par semaine, et ce sont elles encore qui seront les plus pauvres des plus pauvres de la société québécoise.
Le Conseil convie toutes les femmes et tous les hommes à se mobiliser pour l’atteinte d’une réelle égalité entre les sexes et pour le maintien des acquis des femmes, qui sont récents et fragiles.
Christiane Pelchat,
Présidente du Conseil du statut de la femmeMis en ligne sur Sisyphe, le 7 mars 2008