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L’antiféminisme extrême de Richard Martineau

10 juillet 2008

par Johanne St-Amour

« Les sœurs cloîtrées » (1) n’est qu’un des billets antiféministes que nous assène Richard Martineau depuis quelques semaines. Mais quelle mouche le pique ? Cette fois-ci, il dénigre la présidente du Conseil du statut de la femme et réclame son renvoi sur la base de son apparence. Bel argument !

Il n’y a qu’aux femmes qu’on demande de se pomponner pour être crédibles. Monsieur Martineau semble tellement obnubilé par son droit à réduire les femmes à ses propres standards de séduction, qu’il ne se rend même pas compte que ses propos démontrent que les féministes ont raison de combattre les stéréotypes sexuels.

Pourquoi ressent-il le besoin de faire allusion aux propos de collègues féminines en appui à ses criailleries ? N’est-il pas assez grand garçon pour assumer seul ses attentes de score au poupounomètre ? Et pourquoi souligne-t-il l’âge des téléspectatrices qu’il cite ? Serait-ce pour bien ancrer dans la tête des gens que plus une femme est âgée, moins elle est désirable et moins elle est crédible ?

Monsieur Martineau tient à souligner que ces femmes, féministes, jeunes, belles et sexy (toujours selon ses critères à lui) ont critiqué Madame Pelchat de façon beaucoup plus virulente que lui. La critique venant d’un homme seulement serait-elle moins crédible ? Cette affirmation est presque habile de sa part... Évidemment, impossible de savoir ce qu’il y a de vrai dans ces « citations » anonymes ; il nous a habitués à de grandes libertés avec les faits.

Il semble oublier aussi, probablement volontairement, que le féminisme est un mouvement, qu’il n’appartient pas qu’aux femmes et qu’il n’existe pas uniquement pour le bénéfice des femmes. Ce mouvement se base sur des analyses documentées et sérieuses, dont une analyse sociale critique du patriarcat, des injustices et des préjugés dont sont victimes les femmes, oui, mais aussi des hommes et des enfants. Et n’en déplaise aux donneurs de conseils, des femmes et des hommes s’activent quotidiennement à ce mouvement d’émancipation collective. Avec ou sans maquillage...

Je ne connais pratiquement rien des collègues ou autres femmes auxquelles il se réfère pour justifier encore plus sa « guerre sainte » mais personnellement, je serais extrêmement gênée que quelqu’un comme Richard Martineau prétende parler en mon nom. Je doute que les femmes qui se sentent envahies par l’hypersexualisation de notre société soient portées à se confier à lui. Et je ne serais pas surprise qu’une personne comme lui soit plutôt porté à s’entourer de gens qui pensent comme lui : moins de chances de se faire critiquer, contrarier ou de se faire contredire. Ou même de se faire dire : « T’es-tu regardé, mon pichou ? »

Monsieur Martineau a beau jeu d’imposer ses lois et de discréditer les féministes, surtout qu’il limite le droit de réponse à ses critiques. Il se vante régulièrement d’un abondant courrier mais celui-ci n’est jamais publié et de plus son blogue est soigneusement censuré. Son attitude rappelle celle des extrémistes : ils imposent leurs lois et font taire les détracteurs. Il pratique également le lynchage sommaire avec des armes qui n’ont aucun rapport avec le sujet en cause. Est-ce faute d’arguments crédibles, fiables, recherchés et raffinés qu’on assiste à ses coups au-dessous de la ceinture ?

Les féministes ont plus de respect pour les gens : elles envoient le message aux femmes, et aux hommes, qu’il est important de reprendre du pouvoir et d’agir selon ses propres critères, d’être conscient-e-s que l’on tente de nous imposer des modes de vie et qu’il serait primordial de rester soi-même sans égard aux critiques, aux jugements, aux regards et à l’évaluation des autres. En contrepartie, les jugements de Monsieur Martineau veulent restreindre ces droits et imposer ses standards. Belle leçon d’autonomie à donner à ses filles !

Johanne St-Amour,
Femme, féministe et fière de l’être

1. Le Journal de Montréal, le 12 juin 2008.

Mis en ligne sur Sisphe, le 22 juin 2008

Johanne St-Amour


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